Wednesday, March 28, 2012

Algérie : Ces Jeunes Qui Veulent Mourir ?

Ce matin 28 mars 2012 à 11 heures du matin :
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Une belle journée de printemps baignée par un doux soleil qui invite à la flânerie.
Je sortais d'une visite à l'hôpital et marchais sur le pont sidi M'cid* en promenant mon regard sur le magnifique paysage qui est sous mes pieds et au dessus de ma tête.
Autour de moi il y avait la grande foule des beaux jours.
Jeunes et vieux couples se photographiaient sur le tablier et autour du pont.
Une douzaine de touristes européens s'émerveillaient de l'un des plus beau site du monde.
Eux aussi filmant les lieux et se faisant photographier mutuellement.
Arrivé au milieu du pont je passe tout près d'une jeune fille qui se tenait contre le parapet.
Seule.
Je la dépasse de quelques mètres puis je retourne auprès d'elle.
Pourquoi ai-je fait cela ?
Je ne sais pas.
Peut-être un message télépathique m'a informé de sa détresse...
- Vous allez bien mademoiselle ? lui dis-je.
Elle se tourne lentement vers moi et me regarde pendant quelques secondes.
Oh, mon Dieu ce regard bouleversant !
C'était un assourdissant appel au secours
Que personne ne pouvait
Ni entendre,
Ni deviner,
Ni percevoir.
Ensuite elle éclate en sanglots.
Ah ce beau visage noyé de larmes !
Tous les malheurs du monde était dans ce regard d'une fille qui est encore à l'aurore de la vie.
Je pose doucement mon bras gauche sur ses épaules.
- Pleure ma fille. C'est très bon de pleurer quand on n'a pas à qui se confier. Tu vas te sentir plus forte et tu découvriras que la vie c'est l'alternance du miel et du fiel. C'est un combat permanent mais elle vaut la peine d'être vécue jusqu'au bout de nos forces.
J'avais la gorge nouée.
Par quel mystère j'ai eu le réflexe de l'aborder avec l'idée qu'elle broyait du noir alors que des centaines de promeneurs passaient dans tous les sens tout près d'elle sans la remarquer ?
Nous sommes demeurés quelques minutes dans cette position.
Une dame habillée de noir ,
Portant des lunettes noires
Et guidée par des idées noires s'arrête à ma droite et m'apostrophe
A la manière impolie et brutale d'un agent des services de sécurité.
Elle venait sans doute de la caserne toute proche :
- Qu'est-ce qu'elle a ? La connaissez vous ? Que lui voulez vous ?
- L'aider...Elle pleure. Il faut absolument s'en occuper. Essayez de lui parler.
Je me suis éloigné à une bonne distance.
Pour ne rien entendre et pour ne pas gêner le dialogue
Qui s'est engagé difficilement mais a duré plus d'une heure.
Je me suis éloigné par décence mais sans perdre de vue les deux femmes.
Pour moi l'amorce du dialogue était un bon signe.
La fille s'est décompressée en parlant avec une inconnue dans un moment où elle était, peut-être, prête à commettre l'irréparable en présence de la grande foule.
Un saut dans le néant pour combler le vide de sa triste existence.
Dans l'un des plus beaux et des plus riches pays de la planète
La jeunesse ne cherche que la fuite vers un ailleurs plus clément...
La mort,
El harga**,
La drogue...
Une fille si jeune...
Si belle...
Une étudiante en médecine ou une stagiaire, je pense.
Elle semblait de bonne éducation.
Bientôt j'ai vu un sourire éclairer son beau visage.
Quel soulagement j'ai ressenti en ce moment là !
Le bon sens prenait petit à petit le dessus sur le désespoir.
Au bout de plus d'une heure de conversation soutenue
Les deux femmes ont quitté le pont en marchant tranquillement,
Comme deux vieilles amies connaissances.
Je suis rentré chez moi avec le souvenir d'un regard fugace
Qui m'a raconté la détresse d'une jeunesse qui rame dans un tunnel sans fin.
Une jeunesse privée du droit de se réaliser par des séniles.
Ceux-ci ne veulent pas comprendre qu'ils ont le devoir
De céder la place à l'extraordinaire potentiel d'énergie, d'intelligence, de force
Que cumulent les jeunes générations.
Ces jeunes générations ne rêvent que de bâtir une nation
de lumière, de liberté, de justice, de paix, de fraternité, de convivialité
Pour être dignes des générations qui se sont sacrifiées pour l'indépendance du pays.
Mais ce ne sont pas les révolutionnaires de 1962
Qui auront le patriotisme de prendre la retraite avec les honneurs.
Cinquante ans d'indépendance pour en arriver à cette impasse ?
B A R A K A T !!!
ASSEZ !!!
BASTA !!!
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HOCINE MAHDI
Le 29 mars 2012
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*) Pont métallique suspendu dans un site magnifique, le plus visité de Constantine.
**) émigration clandestine.sur de dangereuses embarcations. 

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