Les grandes révolutions humaines commencent par des idées généreuses presque irréalisables et des rêves fous mais elles sont alimentées par la convergence de drames insoupçonnables secrètement vécus par des individus isolés, des couples, des familles qui composent ce que nous appelons ordinairement la majorité silencieuse laquelle n'en pense pas moins et n'attend qu'un déclic pour grossir la vague rebelle qui emporte tout sur son passage.
Ecoutons l'histoire tragique d'Oum Ahmed qui avait rejoint les insurgés de la place Tahrir dès les premières heures avec la ferme volonté de ne retourner chez elle qu'après la destitution de Hosni Moubarrak et le démantèlement de son régime.
Le drame de cette femme-courage est exceptionnel dans son ampleur car, encore une fois, c'est le zèle des services de sécurité (des policiers enfants du peuple, nos enfants), un zèle imbécile qui jette le voile du malheur sur le devenir de familles paisibles.
Agée de 50 ans Oum Ahmed est entrée à l'aurore sur la place Tahrir en tenant contre sa poitrine une feuille de papier de format A3 sur laquelle elle avait inscrit son unique revendication "Va t'en" à l'intention du bourreau du peuple égyptien...
Tout un programme contenu dans une simple injonction exprimée sur le ton de la colère.
Oum Ahmed raconte son drame de la plus simple manière qui soit mais celui qui l'écoute en est bouleversé:
-"J'étais mariée depuis 20 ans. Un jour, suite à un malaise, je suis allée voir un médecin. J'étais stérile. Du moins je me croyais stérile mais voici que le docteur m'annonce une nouvelle stupéfiante. A l'âge de 40 ans la vie aurait commencé à germer en moi. Je n'y avait pas cru bien que le médecin jurait par tous ses Dieux que j'attendais un bébé...Après plus de 20 ans de mariage et de prière... C'était difficile à admettre. Mais au cours des mois suivants j'ai senti à l'intérieur de mon corps le bourgeon qui se développait. La réalisation de mon plus beau rêve. J'avais tant et tant prié... Et le miracle s'était bien produit. Il n'y a pas de mots assez forts, assez justes pour décrire ce que j'avais ressenti pendant les neuf mois de gestation. C'était comme si le bon Dieu m'avait ouvert toutes les portes de son paradis avant l'Heure des comptes.
Et vinrent les premières douleurs de la délivrance. Heureux comme un enfant un jour de l'Aïd mon mari loua un taxi. Nous voilà en route en direction de l'Hôpital. Une fois parvenus au niveau du Palais de la Nation nous fûmes stoppés par un barrage de policiers. Je souffrais atrocement mais j'avais supplié mon mari de patienter. Au bout de trois interminables heures d'attente il descendit du taxi pour expliquer aux policiers l'urgence de la situation. On le rabroua. Il insista. On le bouscula et on l'humilia. A la quatrième heure d'attente le bébé s'éjecta de mon corps. Ce n'est qu'à ce moment là que les policiers daignèrent libérer la route.
Tout cela parce que Moubarak tenait un discours fleuve au Palais de la Nation.
Mon bébé mourut dans mes bras avant que nous n'arrivions à l'hôpital. Mon mari mourût de chagrin quelques temps plus tard. Il se sentait coupable de la mort du bébé qu'il avait espéré ardemment pendant près de vingt ans. Il n'avait jamais digéré l'humiliation que lui avait infligée les policiers en ma présence.
Ma vie s'était écroulée ce jour là.
A cause d'un discours de Moubarak qui avait ordonné de bloquer toutes les rues autour du Palais des Nation parce qu'il avait peur de son peuple qui l'accuse de haute trahison.
Depuis j'ai participé à toutes les manifestation contre Moubarak et son régime. C'était devenu ma raison de vivre...
Le voir tombé de son piédestal et finir sa vie en chien errant comme le Chah d'Iran, c'est mon rêve.
Mais au lendemain de la chute de Moubarak la rebelle Oum Ahmed a refusé de retourner chez elle. Questionnée par des révolutionnaires qui avaient fêté avec elle la chute du dictateur, elle leur répondit calmement:
-"A présent que nous nous libérés de Moubarak et de son régime notre devoir est de libérer El Qods"-.
Au verso de sa feuille de format A3 elle avait déjà inscrit sa nouvelle revendication:"Libérons la Palestine".
Moralité de ce drame bouleversant :
C'est dans la majorité silencieuse que se concentrent les raisons (raisins) de la colère.
Il suffit d'une étincelle pour que le peuple devienne ouragan.
Le 9 Aout 2011
Mahdi Hocine
Ecoutons l'histoire tragique d'Oum Ahmed qui avait rejoint les insurgés de la place Tahrir dès les premières heures avec la ferme volonté de ne retourner chez elle qu'après la destitution de Hosni Moubarrak et le démantèlement de son régime.
Le drame de cette femme-courage est exceptionnel dans son ampleur car, encore une fois, c'est le zèle des services de sécurité (des policiers enfants du peuple, nos enfants), un zèle imbécile qui jette le voile du malheur sur le devenir de familles paisibles.
Agée de 50 ans Oum Ahmed est entrée à l'aurore sur la place Tahrir en tenant contre sa poitrine une feuille de papier de format A3 sur laquelle elle avait inscrit son unique revendication "Va t'en" à l'intention du bourreau du peuple égyptien...
Tout un programme contenu dans une simple injonction exprimée sur le ton de la colère.
Oum Ahmed raconte son drame de la plus simple manière qui soit mais celui qui l'écoute en est bouleversé:
-"J'étais mariée depuis 20 ans. Un jour, suite à un malaise, je suis allée voir un médecin. J'étais stérile. Du moins je me croyais stérile mais voici que le docteur m'annonce une nouvelle stupéfiante. A l'âge de 40 ans la vie aurait commencé à germer en moi. Je n'y avait pas cru bien que le médecin jurait par tous ses Dieux que j'attendais un bébé...Après plus de 20 ans de mariage et de prière... C'était difficile à admettre. Mais au cours des mois suivants j'ai senti à l'intérieur de mon corps le bourgeon qui se développait. La réalisation de mon plus beau rêve. J'avais tant et tant prié... Et le miracle s'était bien produit. Il n'y a pas de mots assez forts, assez justes pour décrire ce que j'avais ressenti pendant les neuf mois de gestation. C'était comme si le bon Dieu m'avait ouvert toutes les portes de son paradis avant l'Heure des comptes.
Et vinrent les premières douleurs de la délivrance. Heureux comme un enfant un jour de l'Aïd mon mari loua un taxi. Nous voilà en route en direction de l'Hôpital. Une fois parvenus au niveau du Palais de la Nation nous fûmes stoppés par un barrage de policiers. Je souffrais atrocement mais j'avais supplié mon mari de patienter. Au bout de trois interminables heures d'attente il descendit du taxi pour expliquer aux policiers l'urgence de la situation. On le rabroua. Il insista. On le bouscula et on l'humilia. A la quatrième heure d'attente le bébé s'éjecta de mon corps. Ce n'est qu'à ce moment là que les policiers daignèrent libérer la route.
Tout cela parce que Moubarak tenait un discours fleuve au Palais de la Nation.
Mon bébé mourut dans mes bras avant que nous n'arrivions à l'hôpital. Mon mari mourût de chagrin quelques temps plus tard. Il se sentait coupable de la mort du bébé qu'il avait espéré ardemment pendant près de vingt ans. Il n'avait jamais digéré l'humiliation que lui avait infligée les policiers en ma présence.
Ma vie s'était écroulée ce jour là.
A cause d'un discours de Moubarak qui avait ordonné de bloquer toutes les rues autour du Palais des Nation parce qu'il avait peur de son peuple qui l'accuse de haute trahison.
Depuis j'ai participé à toutes les manifestation contre Moubarak et son régime. C'était devenu ma raison de vivre...
Le voir tombé de son piédestal et finir sa vie en chien errant comme le Chah d'Iran, c'est mon rêve.
Mais au lendemain de la chute de Moubarak la rebelle Oum Ahmed a refusé de retourner chez elle. Questionnée par des révolutionnaires qui avaient fêté avec elle la chute du dictateur, elle leur répondit calmement:
-"A présent que nous nous libérés de Moubarak et de son régime notre devoir est de libérer El Qods"-.
Au verso de sa feuille de format A3 elle avait déjà inscrit sa nouvelle revendication:"Libérons la Palestine".
Moralité de ce drame bouleversant :
C'est dans la majorité silencieuse que se concentrent les raisons (raisins) de la colère.
Il suffit d'une étincelle pour que le peuple devienne ouragan.
Le 9 Aout 2011
Mahdi Hocine
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