La bombe était bien un produit 100% français. Elle a été lancée par le député français martiniquais Serge Lechtimy, descendant d'esclaves que le système colonial français avait déportés de la lointaine Afrique pour repeupler un territoire dont il avait préalablement exterminé les habitants d'origine (les indigènes). C'est la conquête du Far Ouest qui avait trouvé son prolongement dans les Dom Tom. Un partage du Monde entre l'Espagne, l'Angleterre, la Hollande, la France. Immense empire coloniale où les autochtones ont été soit exterminés soit déchus de leurs droits citoyens et réduits à l'esclavage au service des colons importés de toute l'Europe.
Hier, le 7 février, en séance de questions aux ministres le député martiniquais a tenu le langage de tous les français de troisième zone qui ont réussi à creuser leur petit trou dans une France multiculturelle qui n'admet pas encore l'idée que sa véritable richesse est dans la variété des belles couleurs qu'elle rassemble sous son ciel. Tout cela à cause des Le Pen, des Guéant, des Sarkozy, des nostalgiques de l'empire colonial abandonné par le général De Gaulle à des infra humains qui se sont montrés incapables de le gouverner.
Fillon et ses ministres ont fui comme des lâches le débat parce qu'ils n'avaient pas une seule réponse sensée aux très bonnes questions du député Nègre dont le commentaire d'un indicible courage politique méritait le suivi. Surtout à propos des dérapages langagiers volontairement xénophobes de Claude Guéant.
N'en doutons pas. Le ministre de l'intérieur n'est pas né de la dernière pluie. Il possède l'art d'attiser insidieusement la haine et de réveiller les diables de l'intolérance. Comme Nicolas Sarkozy. Ce qui explique et justifie amplement la virulence du commentaire de Serge Lechtimy qui a évoqué les camps de concentration, le nazisme et la barbarie du système colonial que dément avec acharnement la famille UMP.
Le député martiniquais n'a certainement pas souffert de la barbarie coloniale mais ses parents et ascendants sur plusieurs générations ont en plus que baver.
Nous ne doutons pas que Claude Guéant fût chargé de la mission de semer la pagaille pour faire un appel du pied à l'électorat traditionnel de l'extrême droite. C'est très choquant. Pourquoi presque tous les ministres, leur chef et le chef de leur chef ont-ils versé de l'huile sur le feu de la haine et de l'intolérance ? L'incendie est volontaire. L'intelligence politique était de calmer le jeu, d'enrayer l'escalade. Aussi ceux qui reproche au député martiniquais d'avoir franchi les bornes de la décence, du tolérable, ne nous semblent pas bien placés pour donner des leçons ou de désigner les bornes de la décence et du tolérable. Car eux aucun obstacle morale, légale ou autre ne les arrête dans leurs discours et dans leurs actes de haine et de mépris. Nous trouvons vraiment indécent que le premier ministre Fillon juge "Qu'il y a des comparaisons qui font honte à ceux qui les professent".
Nous soutenons que le député martiniquais n'a pas à rougir de ses commentaires car son intention était de démontrer que rien n'est plus facile que de faire dans le mauvais et dans le pire. A notre sens François Fillon et ses ministres auraient gagné en estime d'eux-mêmes s'ils avaient poursuivi le débat démocratique justement parce que Serge Lechtimy s'est montré aussi direct que Guéant s'était montré hypocrite.
Quand on se prétend démocrate on se doit d'écouter l'autre et de participer au débat.
Est-ce un précédent au palais Bourbon ?
Non.
En 1947 quatre députés algériens* du groupe Messali el Hadj avaient assimilé l'armée française aux SS, la police française à la Gestapo et les ministres français à des nazis. Mais Edouard Herriot n'avait pas suspendu la séance et les ministres n'avaient pas fui les débats. Pourtant les quatre députés avaient saisi cette opportunité pour dénoncer les génocides du 8 mai 1945 en Algérie. Ils l'avaient fait avec franchise et virulence. En produisant des preuves qu'eux-mêmes avaient été torturés et jetés en prison comme de vulgaires brigands.
Incroyable régression de la démocratie en France où, en 2012, la censure frappe les députés à l'intérieur du palais Bourbon qui devrait être l'espace de la liberté d'expression dans toutes ses dimensions.
Hocine Mahdi
Le 8 décembre 2012
*) Messieurs Débaghine, Mezrena, Boukadoum, Derdour.
Débat sur le statut de l'Algérie en 1947. Lire les textes "Coup de théâtre au palais Bourbon" (hocineculture blogspot.com) .
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