Tuesday, April 15, 2014

DE LA FRAUDE ELECTORALE !

Voici le discours le plus virulent contre la fraude électorale jamais prononcé par un parlementaire algérien pas au Palais Zighout Youcef à Alger mais au Palais Bourbon à Paris en 1951.
Election en Algérie sous le colonialisme Français                      

DE LA FRAUDE  ELECTORALE
     Le texte ci-dessous, très riche en enseignements, est la déclaration d’un indigène, député messaliste, à l’assemblée française, dénonçant la fraude électorale en Algérie par le gouvernement colonial français. Cette déclaration s’est déroulée en 1951 au Palais Bourbon. Y sont décrites  les  méthodes sournoises et violentes de l’administration pour donner la victoire aux candidats soutenus par le gouvernement colonial contre les nationalistes algériens.
      Bourrage des urnes, corruption, intimidation, agression.
      C’est l’un des nombreux et hideux visages du colonialisme « positif » chanté par le fasciste Nicolas Sakorzy et son parti l’UMP depuis 2005 pour attirer dans son giron les fanatiques du front national de la famille Le Pen et les « nostalgériques » qui hurlent aujourd’hui comme des charognards contre la reconnaissance du bout des lèvres par François Hollande des massacres du 17 octobre 1961 et du 8 Mai 1945 en tant que crimes de l’Etat français contre des manifestants algériens pacifiques. 
      Ce texte de 1951 figure dans le journal officiel de la république. Pour nous, citoyens des anciennes colonies françaises, c’est un document d’une grande valeur historique… Une valeur EXCEPTIONNELLE parce que tous les pays qui furent colonisés par la France et libérés n’ont jamais connus d’élections honnêtes après l’indépendance car leurs « zouama », parvenus au pouvoir par la violence, ont perpétué les méthodes de l’ancienne puissance coloniale grâce au système réducteur du parti unique et du multipartisme de parodie.
     En 1951 le bougnoule Djamel Derdour, député messaliste, avait donné une leçon de civisme aux dirigeants de la république française au palais Bourbon, symbole de la démocratie à sept visages. 
    Il y avait avec lui Lamine Débaghine, Boukhadoum et Mezrena.
    Pour la petite histoire :
    Dès qu’il s’est emparé du pouvoir Ahmed Ben Bella a pourchassé les hommes qu’il n’a pas réussi à domestiquer. L’historien Mohamed Harbi était son directeur de cabinet et son cerveau, un peu le Claude Guéant ou le Patrick Buisson qui ont inspiré les discours et les actions électoralistes xénophobes de Sarkozy entre 2007 et 2012.
     Accusé de complot et de tentative de coup d’Etat contre le régime benbelliste Derdour Djamel échappera de justesse à la mort en 1964 et trouvera refuge à Paris.
     Lamine Débaghine, comme Ferhat Abbas, sera forcé au silence et interdit d’activité politique jusqu’à ce que mort s’en suive.
     Boukhadoum (un matheux surdoué) dirigera des entreprises publiques et sera cadre de SONATRACH  mais ne se mêlera plus de politique.
     Quant à Mezréna il s’était peut-être fondu dans l’anonymat.
      L’Histoire a retenu que ces quatre députés messalistes étaient les premiers parlementaires « indigènes » à avoir revendiqué l’indépendance de l’Algérie en 1947 au Palais Bourbon et avoir assimilé les forces d’occupation française à la Gestapo sous les huées des parlementaires français.
 
                                                                                             Hocine Mahdi
Octobre 2012


        Election en Algérie sous le colonialisme Français1

Discours prononcé en Mai 1951 par un député français musulman au Palais Bourbon. 

         Vous n’ignorez pas qu’en Algérie la campagne électorale commence à battre son plein. Sans préjuger le mode électoral ou combinaison qui sera adoptée en fin de compte par l’Assemblée, je voudrais demander au Gouvernement qui a autorité pour appliquer et faire respecter la loi, quelles sont les mesures qu’il compte prendre pour assurer la loyauté du scrutin en Algérie.

         Il est de notre devoir de dénoncer à cette tribune les sinistres manigances dont sont victimes les électeurs du deuxième collège2 traités par le représentant du Pouvoir exécutif sous le signe de l’effronterie des valets de Molière.

         Il importe que chacun puisse toucher du doigt les divers ligaments ténus, grossiers ou ingénieux avec lesquels a été tissée, pour reprendre une vieille expression, la camisole de force du suffrage universel algérien.

         Je serai bref, me bornant à livrer à votre réflexion et, je l’espère aussi, à votre indignation, des faits qui se dispensent de tout commentaire et qui illustrent l’intervention faite à cette tribune le 20 octobre dernier par notre honorable collègue M. Fonlupt-Eesperaber qui a stigmatisé une politique qu’il considérait « comme désastreuse et indigne de nous ».

         Je passerai sous silence le déroulement et les péripéties des scrutins dans les communes de plein exercice pour ne retenir que les scandaleux agissements menés dans les communes mixtes de beaucoup les plus nombreuses et les plus populeuses et dont les résultats sont déterminants.

        Dans ces communes, le jour du  scrutin, les bureaux de vote sont tenus par les administrateurs, les caïds, les aghas qui relèvent directement du Gouvernement. La fraude sévit alors de la façon la plus cynique, la plus écoeurante et la plus éhontée.

        Voici quelques exemples significatifs : électeurs écartés fallacieusement dès l’ouverture du scrutin sous prétexte qu’ils ont déjà voté, voie de fait allant jusqu’à l’emprisonnement pour ceux qui osent protester.

        Ces exemples d’intimidation sont fréquents. Cette attitude ne favorise d’ailleurs pas - semble t-il - l’abstention, le dépouillement révélant une majorité miraculeuse en faveur du candidat administratif (ironiquement dit).
       
       Les garanties du scrutin fonctionnent unilatéralement. Il est rigoureusement interdit aux candidats de l’opposition et à leurs mandataires de pénétrer dans la salle de vote durant les opérations électorales.

      Avant le dépouillement du scrutin, sous des prétextes spécieux, l’évacuation de la salle est ordonnée par le président pour lui permettre de changer les urnes et de trafiquer en toute quiétude.

     Les isoloirs, tout à fait superfétatoires, ne révèlent à l’électeur que les noms des candidatures patronnées.

    On ne peut pas dire, dans ces conditions, que les votes soient l'expression d’une approbation et on ne saurait arguer de résultats qui rivalisent avec les plébiscites les mieux dirigés d’Europe centrale. Un exemple entre tous, celui de Ténès ou sur 19500 électeurs, le candidat officiel a recueilli 19.000 voix.

     Si le statut de Algérie, qui fut voté en septembre 1947, avait été appliqué, il n’y aurait plus de communes mixtes, la pression et la fraude électorale ne pourraient  plus s’exercer impunément.

    Vous comprendrez que ce qui nous importe le plus ce n’est pas tant la réforme électorale par elle-même, mais davantage l’assurance que la liberté de vote et l’honnêteté du scrutin soient garanties. (Applaudissements au centre).

     Voter, ce n’est pas se livrer à un simulacre, voter c’est choisir et choisir  librement.

    Pourquoi cette mutilation des droits du suffrage universel ?

   Croyez-vous que dans ces conditions, vous soyez habilités à vous poser en censeurs et à contester, même par le truchement de M. André-François Ponce, ambassadeur de France inéligible, la validité des élections en Allemagne orientale ?

   A ce propos, je ne peux m’empêcher de souligner que 569 parlementaires français de la III République sont frappés d’inéligibilité, non seulement en violation de la constitution de 1875 qui déclare dans son article 13, qu’ « aucun membre de l’une ou l’autre chambre ne peut être poursuivi ou recherché à l’occasion des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions...»

     M. Joseph Denais intervient : - ‘’ C'est parfaitement exact’’.

     M. Djamel Derdour reprend : -‘’Mais également en violation de l’article 21 de la constitution de la IV  République, qui  reprend  le  même  principe  en  le  précisant encore et qui spécifie « qu’ aucun membre du parlement ne peut être poursuivi, recherché, détenu ou jugé à l’occasion des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions. »          

     La manière dont les principes fondamentaux du droit public français ont été également violés en ce qui concerne les élections algériennes rappelle les procédés employés par tous les gouvernements autoritaires. Elle se résume en cette formule : substitution de l’arbitraire gouvernemental à la volonté du suffrage universel.

     En définitive, en Afrique du nord, le suffrage universel a été mis en tutelle. Dans le même temps où l’on proclamait citoyens tous les ressortissants des territoires d’outre-mer, on soumettait nos départements3 à un odieux régime de dictature à la fois violente et sournoise.

      En multipliant les illégalités et les abus de pouvoirs, en s’arrogeant le droit de maquiller les urnes pour remplacer les élus du peuple par des délégués de son choix, le Gouvernement a porté une double atteinte à la souveraineté populaire. Il a prolongé, à son profit, le système fasciste qui, selon la fameuse définition de Guglielmo Ferrero, est « le suffrage universel contrôlé par le Gouvernement ».

      Le devoir des républicains est de condamner de telles méthodes comme indignes de la démocratie.

      La loi du 25 avril 1946 dispose qu’à partir du 1er juin de la même année, tous les ressortissants des territoires d’outre-mer ont la qualité de citoyens au même titre que les nationaux Français de la métropole.

      Certes, cette loi, le Gouvernement a le devoir de la respecter et de la faire respecter.  Nous avons démontré qu’elle a été violée. Il nous reste à établir que la violation n’est pas moins grande à l’égard des idées, des principes et des prescriptions énoncées par Déclaration universelle des droits de l’homme, acceptée le 10 janvier 1948 par l’Assemblée des nations unies. Nous nous en réclamons parce qu’elle est l’expression de la plus haute conscience humaine.

     L’article 21  de  Déclaration dispose :
     « Toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis »

    Cet article précise dans le paragraphe 3 :
    « La volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics. Cette volonté doit s’exprimer par des élection honnêtes ».

       Or en Algérie, quelle que soit la tristesse que l’on éprouve à le constater, le système électoral, tel qu’il fonctionne, fait que les élections ne sont pas honnêtes, puisque, par la pression administrative et la fraude cyniquement organisée, elles brisent et limitent le libre choix des électeurs.

      Un régime qui mutile la liberté en même temps qu’il la proclame, un régime qui met également au ban politique et moral de la nation des citoyens qu’il classe en deuxiéme zone est un régime engagé sur la pente où la démocratie est abandonnée.

     D’aucuns penseront peut-être que, victime des agissements que j’ai dénoncés, je fais une intervention intéressée.

     Non, mesdames, messieurs. Je suis un élu du peuple algérien et ma personne ne compte pas. C’est pour l’ensemble de mes compatriotes que je voudrais qu’il fût mis un terme à de pareilles coutumes et que le droit fût rétabli. C’est le suffrage universel et le droit imprescriptible que j’entends défendre, c’est aussi et surtout la dignité d’un peuple fier.

     Si l’on continue à fouler aux pieds avec cette désinvolture la justice et le droit, comment voulez-vous que nous puissions distinguer le clair et lumineux visage d’une France fraternelle alors que l’Algérie ne serait démocratique que par la misère de son peuple. (Applaudissements sur quelques bans au centre)

     Le président du conseil conclut :
     -‘’ M. Derdour m’a posé une question quelque peu étrangère au débat, concernant la sincérité des opérations électorales en Algérie. Je désire lui donner l’assurance que le Gouvernement tient également à cette sincérité et qu’il y veillera4 ‘’.

                                                                                                  DERDOUR JAMEL
Député musulman en république française de 1946 à 1953, PPA-MTLD

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1)       Intervention à l’assemblée nationale française, au palais Bourbon, de Mr. Djamel Derdour, député messaliste de Constantine, à propos des élections du 2° collège en Algérie. Elle a été reprise intégralement dans le journal officiel du 8 Mai I951.
2)        Dans les documents administratifs l’administration coloniale faisait la distinction entre les citoyens du premier collège, les Français, les européens (chrétiens et juifs) et les sous-citoyens du deuxième collège, les indigènes (musulmans). La voix d'un citoyen européen valait les voix de 10 indigènes.
3)       L’Algérie était divisée en trois départements français.
4)       C’était un mensonge. Paradoxalement ce mensonge sera répété par tous les gouvernements de l’Algérie indépendante de 1963 à 2014. 
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