Tuesday, April 24, 2012

Algérie :: La mort d'un salopard

ALGERIE : LA MORT D'UN SALOPARD

 

    Aujourd'hui cela fait une année qu'un remarquable citoyen est mort. Il était médecin*, il était citoyen actif à travers une association civile réellement indépendante des pressions et du chantage à la subvention qu'exercent les autorités sur le mouvement associatif pour en faire un instrument de propagande et un relai du régime. Le médecin était aussi animateur d'une émission radio qui a fait un considérable travail d'éducation civique. Mais ce qui le hisse au niveau des plus grands humanistes du monde c'est qu'il a exercé une lourde responsabilité de direction d'un secteur stratégique selon les règles universelles de gestion au milieu de parasites parachutés, malhonnêtes, incompétents qui ne voulaient pas de lui. Il travaillait au moins dix huit heures par jour. Il était mort en quelques mois.
     D'épuisement, de colère...
    D'avoir lutté seul contre une mentalité de charognard pour protéger les droits des malades qui étaient sous sa responsabilité.
    En début de semaine j'ai déjeuné avec une amie médecin. Tout naturellement nous avons discuté des secteurs sensibles qui reflètent l'image du pays : l'éducation, la justice et la santé qui sont dans un état lamentable.
    D'un sujet à l'autre nous en sommes arrivés à évoquer la récente mort d'un professeur de médecine qui s'est toujours comporté dans sa vie professionnelle en salopard. Son service à l'hôpital faisait peur. Il ressembait à un souk. Les malades étaient livrés à des résidents (des étudiants) à qui il consacrait très peu de temps pour la formation. Il cumulait les fonctions dans des cliniques privées. De ce fait il était souvent absent.
    Ne pouvant plus supporter la dégradation du service quelques résidents ont décidé de s'expliquer avec lui.

    En voyant le groupe pénétrer dans son bureau le salopard avait cru à une grève. Un résident lui a répondu :

      - C'est vous qui êtes en grève, professeur. Nous sommes en retard sur notre programme de formation. Vous êtes payés pour soigner les malades et pour nous transmettre une partie de votre savoir mais vous êtes rarement présent à l'hôpital. Les malades ont peur de nous, le personnel paramédical nous prend pour des guignols. Prenez vos responsabilités, monsieur le Professeur.

     -   J'ai un rendez-vous urgent. A mon retour nous verrons.

    Réponse froide et biaisée pour fuir justement ses responsabilités. 
    C'était toujours comme ça.
    Toujours loin des étudiants et des malades dont ceux qui lui semblent un peu aisés reçoivent en douce le conseil de s'adresser à une clinique du secteur privé où il opérait en extra.
    Un jour le professeur tombe malade. Son épouse lui propose d'appeler un médecin de l'hôpital. Il s'oppose en lui affirmant qu'il n'avait pas confiance en eux. Il ira se soigner à l'étranger, chez ses professeurs qui l'avaient très bien formé.
    Peine perdu.
    Il a vécu les derniers mois avec le remords d'avoir sacrifier des milliers de malades et des centaines d'étudiants qui seraient devenus de très bons médecins.
    Il est mort quelques mois après le chirurgien modèle Hocine Benkadri.
    La différence entre les deux médecins est apparue le jour de l'enterrement.
    Pour Hocine Benkadri des millliers de citoyens et de travailleurs ont exigé de porter son cercueil sur leurs épaules sur la distance qui sépare l'hôpital du cimetière.
    Dans l'histoire de Constantine seul l'enterrement de l'imam Abdelhamid Ben Badis a rassemblé autant de citoyens, selon des témoignages dignes de foi.
    Pour l'enterrement du salopard il n'y avait que la famille, les voisins et quelques travailleurs de l'hôpital.
    Nous croyons qu'il y a une bonne leçon d'humiliter à tirer de la vie et de la mort de ces  deux professeurs en médecine.
         La responsabilité n'est pas un honneur, c'est un lourde charge, c'est un engagement à honorer pour mériter le respect des autres.
     Benkadri Hocine a honoré ses engagement jusqu'au bout. Ses concitoyens lui ont rendu l'hommage qu'il a mérité par son travail, son honnêteté et sa modestie légendaire.
     Très peu de responsables algériens méritent un tel hommage.   
Hocine Mahdi  
Le 24 Avril 2012
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*) BenkadrI Hocine; chirurgien compétent et honnête, accordait une attention particulère à la formation des futurs médecins par patriotisme. Il était poète et président d'une association culturelle très active, le CRI de Constantine.  
     

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