Je me suis souvent posé cette question en me rendant compte que sous la coupe d'un dictateur, seuls les courtisans ont l'écoute des centres de décision.
Je ne maitrisais pas la langue française et j'étais analphabète en arabe (je le suis encore, hélas !) quand j'avais commencé à me prendre pour un poète. Mon rêve était de faire comme Mohamed Dib, Mouloud Féraoun ou Prospère Mérimé. Simplement écrire des récits, témoigner.
C'était prétentieux.
Mais qui ne rêve pas de faire quelque chose de bien dans sa vie, de réaliser un exploit surtout quand il n'en a pas les capacités ?
S'améliorer le plus possible.
Peu à peu j'étais devenu un lecteur assidu et réactif de la presse. Je dénonçais, je critiquais tout ce qui me semblait tordu avec virulence quand il fallait s'exprimer entre les lignes pour ne pas trop déranger et surtout pour ne pas disparaitre.
J'avais l'oreille curieuse, dans le bon sens. C'était très peu. Mais j'avais beaucoup de temps libre et surtout une farouche volonté d'accéder aux droits du citoyen souverain dans un pays indépendant.
Renvoyé de l'école, le chômage des années 1960, le vide, la peur de l'avenir...
C'est dans ce creux démoralisant que j'ai rencontré la voix magique de Leila Boutaleb* à la chaine francophone de la radio algérienne. Sa manière de lire un poème est envoûtante. C'était l'époque d'une magnifique éclosion littéraire à Alger et dans les journaux publics...
Subversive, révolutionnaire.
Jean Sénac, Kateb Yacine, Djamel Amrani, Youcef Sebti, Z'hor Zerrari, Nadia Guendouz, Rachid Boudjedra et des centaines de talents en herbe qui retomberont dans l'anonymat** à cause de la censure qui enfermera progressivement le pays dans la pensée unique.
C'est en écoutant que j'ai appris à écrire passablement.
Bizarre, non !
Mais à ce jour je n'ai pas encore confiance en moi.
Alors pourquoi continuer à écrire ?
J'ai le sentiment que l'écriture est la seule arme dont je dispose pour contribuer au combat contre l'injustice.
Je sais que j'écris mal.
En tout cas, je ne suis pas satisfait.
Mais l'écriture est devenue ma drogue.
Et grâce à l'écriture j'ai connu le sulfureux SAS, les citoyens Hocine Benkadri, Ali Brahimi, Kamel Daoud et de nombreuses personnes de toutes les nationalités qui mènent le même combat que moi : pour la dignité humaine, la liberté, la paix, la justice.
N'est-ce pas une merveilleuse récompense de mes efforts ?
Apprendre, lire, écrire, pourquoi pas jusqu'au dernier souffle ?
C'est la question que je me pose désormais...
A l'automne de ma vie.
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Hocine Mahdi
----Le 16 janvier 2013
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*)Animatrice à la chaine 3 de la radiodiffusion algérienne.
*µ) La revue "Promesses" a révélé Mimouni, Bagtache et bien d'autres poètes, nouvellistes et écrivains. Malek Haddad était directeur du cabinet du ministre de la culture. La revue "Promesses" est sa création.
1 comment:
Quelle chance de pouvoir se rassembler dans un beau rêve et continuer à le rêver. Des fois il me parait difficile de continuer!
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