Monday, January 21, 2013

Dialogue : C'était La Décennie Noire

Un vieux poète rencontre un jeune poète.
- Que fais-tu là Tahar ? Pars pendant qu'il est encore temps.
- Partir où ?
- Ici on n'aime pas les poètes, on leur tranche la gorge. Sous d'autres cieux on tresse des guirlandes à leur gloire avant leur mort... Le monde est vaste. Où tu iras tu seras tranquille.
- Tu es poète et tu n'es pas parti. As-tu envie que l'on te tranche la gorge ?
- Je suis trop vieux et les vieux ne sont aimés qu'au sein de la famille. Ma mort ne sera pas une perte pour le pays. J'ai donné l'essentiel de ce que je dois donner à ma nation. L'avenir c'est toi. Un jeune arbre vigoureux dont les fruits sont délicieux. Ailleurs tu seras la voix de notre combat. Tu seras écouté. Ta poésie est plus subtile que la mienne qui est trop rugueuse.
- C'est une illusion de croire que la fuite à l'étranger apportera quelque chose à notre combat ici. Qu'ont fait ceux qui ont fui avant 1980 ? La révolution de salon ? C'est en Algérie que nous gagnerons ou nous perdrons. La fuite confortera le règne des médiocres et leurs parrains. Leur but est de vider l'Algérie de sa sève. Ils font l'impossible pour que nous partions. S'ils nous assassineront ils feront de nous des ennemis immortels. Nous vivrons dans la conscience et la mémoire du citoyen.
- Tu désires donc mourir ?
- Pas du tout. Je désire vivre mais pas ailleurs. Je veux recouvrer ma liberté en Algérie. Une fois libre dans mon pays je pourrai me sentir libre partout ailleurs.
Le vieux soupire :
- C'est exactement la raison pour laquelle je n'ai pas fui ailleurs. La liberté se gagne d'abord chez soi.
Le jeune poète rêvait de vivre libre dans son pays. Il a été lâchement assassiné.
Comme il l'avait dit, il vit aujourd'hui dans la conscience et la mémoire des citoyens épris de justice et de liberté.
Et le combat continue !
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Hocine Mahdi

-----Le 21 Janvier 2013




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