Tuesday, September 11, 2012

Société : La Prison Invisible...

Une prison c'est quatre murs et, à l'intérieur de ces quatre murs pas toujours infranchissables, des dizaines de murs invisibles de l'extérieur.
La prison est un vase clos fait de béton, de barreaux, de fil de fer barbelé, du bruit énervants des trousseaux de clés, de vociférations de gardiens, de cris de détenus que l'on torture illégalement, de laideur.
Tout cela pour rabaisser la personne humaine à la condition infra humaine que l'on ne doit pas comparer à celle des animaux.
Le prisonnier y est enfermé et surveillé nuit et jour dans tous ces mouvements.
Cependant aucune prison de cette nature ne peut le délester de ses facultés de se construire un monde virtuel où il s'évadera grâce à son imagination.
Aucune prison de cette nature ne peut tuer en lui l'espoir d'une libération ou d'une évasion.
Mais il y a une autre prison sans un mur, sans un barreau, sans un centimètre de fil de fer barbelé.
Une prison sans bruit de clés, sans vociférations de matons provocateurs, sans coups de matraque dégrandants.
Elle est en nous.
Elle est construite par l'environnement culturel, social, économique, politique. 
Ses barreaux sont les lourdes traditions, le conservatisme, le milieu professionnel source d'insatisfaction et d'harcèlements moraux et physiques, la peur de l'échec, la routine.
Cette prison n'autorise ni le rêve ni l'espoir.
Elle génère le renoncement, la résignation, l'autodestruction.
Pour beaucoup d'entre-nous la recherche d'une sortie aboutit fatalement à la consommation excessive de psychotropes, d'antidépresseurs chimiques et alimentaires, de stupéfiants, d'alcool et autres produits pharmaceutiques qui procurent l'illusion éphémère de bien-être et qui deviennent rapidement inefficaces d'où le recours à des produits plus forts en dosage, plus nocifs. Ce qui mène à l'autodestruction physique.
Souvent lentement.
Parfois de manière brutale, irrémédiable.
Personne ne peut dire combien d'Algériennes et d'Algériens sont prisonniers à l'intérieur d'eux-mêmes à cause de l'environnement culturel, politique, social, économique mais aussi à cause du milieu professionnel où la compétence et l'honnêteté n'ont pas de place.
Pour nous les indicateurs sont nombreux.
La vertigineuse augmentation, d'année en année, de la consommation des stupéfiants*, des psychotropes, des antidépresseurs, de l'alcool**. Ce qui se traduit par l'agressivité, l'enfermement sur soi, le suicide et la harga... Celle-ci étant considérée comme une manière de se donner la mort, car au moment d'embarquer sur un rafiot déglingué le harrague s'accorde une chance sur dix d'arriver vivant à l'autre rive. "Plutôt nourrir de mon corps les poissons que les vers de terre". Quelle autre devise exprimerait mieux l'état d'esprit d'une personne décidée à en finir avec une situation qu'elle ne tolère plus ?
Dernièrement nous avons enterré un jeune homme. La veille de sa mort il semblait serein, il discutait normalement. Personne ne  pouvait imaginer que le lendemain 'il sautera du 5ème étage d'un immeuble.
Il a vécu pendant des années dans sa prison intérieure. Conflit familial et chômage l'ont jeté dans la consommation de la drogue et le désespoir.
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Hocine Mahdi

------------------Le 11 Septembre 2012
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*) Depuis une quinzaine d'années les stupéfiants et les psychotropes sont saisis par tonnes aux frontières et à l'intérieur de notre pays.
**) L'eau de cologne est bue à la place des vins qui ne sont plus à la portée de toutes les bourses.
  

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