Sunday, December 25, 2011

Constantine : Pour Ne Pas Oublier

Nicolas Sarkozy a nié que le colonialisme français ait commis des massacres en Algérie. Je propose ici un extrait du livre " Constantine, Splendeurs et délabrement" qui contient des photos et des textes que j'ai écrits durant les 30 dernières années. C'est un cri de rage d'un citoyen face à la bêtise des élus et des administrateurs qui, de l'une des plus belles villes du monde, ont fait le plus grand bidonville de la planète. L'extrait du texte est en rapport avec les mensonges de Sarkozy sur les crimes du colonialisme français :

... C'est à partir de 1956 qui a vu un grand mouvement d'exode rural, suite à l'intensification des bombardement des douars situés à flanc de montagnes puis à la création des zones interdites en 1958, que la Médina avait perdu son âme, son charme et son cachet d'antan. La maison qui n'abritait qu'une famille a accueilli autant de locataires que le lui permettait le nombre de pièces qui la composaient et qu'il fallait mettre de toute urgence à la disposition des réfugiés de l'intérieur qui mouraient de faim et de froid. C'était un élan de solidarité pure. C'était un acte de patriotisme. C'était un acte humanitaire. C'était aussi un acte de bons musulmans convaincus que l'Islam commande d'aider les personnes en détresse.

En brûlant les douars du Nord constantinois l'armée coloniale a forcé les "indigènes" de se regrouper dans les grandes villes comme Constantine, Annaba, Sétif, Alger et Oran. Sans le vouloir elle a renforcé en eux la détermination de se libérer du joug colonial séculaire.

A propos des mouvements d'exodes massifs il me semble de la plus grande importance de citer l'un des premiers et des plus meurtriers qu'ait eu à connaître et à affronter le gouvernement colonial au tout début de l'occupation de notre pays.

Dans son livre intitulé "Constantine, le temps des pionniers" l'apologiste acharnée du colonialisme, Marie Biesse-Eichel, s'arrête brièvement et certainement par accident sur un évènement dramatique pour les "indigènes". A contre courant des thèses qui prétendent aujourd'hui que le système colonial a été une mission civilisatrice qui a eu des résultats positifs, particulièrement en Algérie, sa description de l'évènement dramatique montre comment la puissance coloniale se faisait aider par les pandémies et les calamités naturelles pour décimer les populations rurales et les tribus qui étaient plus fécondes que les lapins selon les observateurs de l'époque.

Aux yeux des français et des Algériens qui n'ont pas vu le colonialisme en action le témoignage des apologistes, quand ils se font violence en évoquant des drames indicibles, sont plus crédibles que celui des historiens et des reporters les plus rigoureux qu'ils soient anti ou pro colonialistes. Pourquoi ?

Parce que dans 99 % des cas un apologiste se tait quand il peut sinon il relative tout ce qui écorne l'image d'un système qu'il défend pour l'une des deux raisons suivantes : soit par conviction comme le fils de colon à tendance humaniste Albert Camus qui dénonçait vertement le dénuement des indigènes sans admettre que c'est le système colonial qui les condamnait à l'exclusion, à la précarité, à l'ignorance, à l'inculture, à la non vie. Soit par opportunisme en choisissant librement le métier du propagandiste qui lui ouvre largement l'accès à des privilèges que ses compétences intrinsèques ne lui permettent pas d'acquérir.

Marie Biesse-Eichel Renner écrit dans son ouvrage dédié à l'honneur des colons : -" 1867 fut une terrible année pour l'Algérie. La sécheresse qui sévit cette année là succédait à la destruction par une invasion de sauterelles de la récolte de 1866. De plus l'hiver se montrait précoce. Faute de chaume et de paille les dernières bêtes avaient péri. La famine éclata et ce fut un véritable désastre. Des actes d'anthropophagie furent même signalés : des gens isolés furent assassinés pour être mangés. L'administration militaire n'avait ni prévu la situation ni rien fait pour en atténuer les conséquences. Dénoncée par la presse algérienne elle décida d'envoyer du grain et des semences. Mais il était trop tard : les gens avait fui ou était sans force pour travailler. Des tribus disparurent et des territoires entiers se transformèrent en désert. On estime qu'il y eut cinq cents mille victimes (500.000)".C'est clairement indiqué dans l'ouvrage d'une fervente laudatrice du colonialisme français : "- l'administration militaire n'avait ni prévu la situation ni rien fait pour sauver les populations "indigène" de la famine".

Le chiffre de 500.000 victimes communiqué par l'administration militaire n'est pas crédible. N'ayez aucune crainte de vous tromper en le multipliant par deux ou trois. Les massacres du 8 mai 1945 et la guerre de 1954 à 1962 nous ont enseigné que les informations livrés à l'opinion publique sont soit exagérément amplifiés soit minimisés au maximum selon les visés de la propagande.

Pendant que la mort fauchaient les indigènes démunis par centaines de milliers la fête battait son plein dans les palais des gouvernants. Les généraux conquérants en Algérie et les dirigeants politiques en France sablaient le Champagne. 500.000 mille morts sans le gaspillage d'une seule balle, qu'elle beau cadeau de la Proviidence !

Rien que de l'absolument positif pour des spoliateurs.

Soyons plus précis : du fait que les sauterelles avaient dévoré les récoltes de 1866 le gouvernement civil à Paris et le gouvernement militaire à Alger pouvaient prendre les précautions pour éviter le désastre. Mais il y avait une volonté de laisser la nature "réguler" la population indigène dont la fertilité effrayait les colons et le commandement militaire.

Un écrivain français, Mercier, livrera des détails poignants qui mettent nettement en évidence la passivité calculée ou calculatrice des gouvernants de l'époque; civils à Paris et militaires en Algérie.

Il écrit : -" Les routes avoisinant les villes et les villages étaient sillonnées de files d'indigènes de tout âge et de tout sexe à peine couverts de loques trempées de pluie montrant des corps décharnés lamentables, venus de tous les côtés et allant devant eux comme des ombres jusqu'au moment où ils tombaient sur le chemin sans que les autres s'en détournassent. Dans les villes et les fermes ils se jetaient sur les détritus les plus immondes et trouvaient une assistance tardive. Après avoir mangé la plupart mourait subitement... A Constantine ces affamés qui venaient du territoire militaire étaient hébergés dans des dépôts établis à El Kantara et au Coudiat. Ils trouvèrent là un abri et des vivres. Mais ils devinrent si nombreux que la charité publique et privée ne pouvant suffire ils envahirent les rues et les places de la ville, se disputant les détritus".

La médina a accueilli un bon nombre des survivants de la terrible famine de 1867.

Que nos amis humanistes de France, de l'Europe de l'Ouest, de l'Australie, du Canada et d'Amérique nous disent ce qu'ils auraient fait s'ils avaient été dominés par une puissance coloniale aussi barbare ?

Que nos amis juristes de tous les continents nous disent comment ils qualifient un Etat spoliateur qui laisse délibérément mourir 500.000 personnes qui sont juridiquement sous sa protection ?

Que Sarkozy et sa bande de nostalgiques cessent de se raconter des histoires à dormir debout parce qu'ils n'ont ni le courage ni la volonté de faire l'effort de visiter le passé noir de leur pays ! Il leur suffit de lire les procès verbeaux des cessions de l'Assemblée Nationale Française de 1947 à 1954 pour découvrir les massacres perpétrés par l'Armée française et les colons dans les anciennes colonies et surtout en Algérie.

Hocine Mahdi

Le 26 décembre 2011

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Le livre "Constantine, Splendeurs et délabrement" est à la recherche d'un éditeur courageux en Algérie.
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1 comment:

Tahar, coeur de lyon said...

excellent témoignage; où peut on avoir le livre. ça m'intéresse vraiment