Lettre d’un citoyen ordinaire
Quand l’injustice persécute l’honnêteté
Répondez-nous Monsieur le Président !
C’était un beau matin de Novembre, journée printanière en ce dernier virage d’un automne incertain marqué d’un grand désordre social et d’une sourde désespérance qui en rajoutent au marasme général. Désespérance engendrée par l’incompétence, l’archaïsme et l’infantilisme de la classe politique et des décideurs dont certains sont « cloués » au koursi depuis 1962 et ne veulent pas admettre qu’ils rendraient un grand service à la nation s’ils auraient la dignité de se retirer.
L’étalage du kiosque à journaux accroche l’œil. En parcourant les premières pages nous sommes étonnés par l’annonce de l’ouverture très proche du procès des magistrats faussaires. En fait il s’agissait d’un jeu de mots attrape-nigauds dont les rédactions en chef abusent à l’effet de capter l’attention des lecteurs algériens en attente de bonnes nouvelles …
Bonnes nouvelles dans le sens où un gros titre, barrant sur trois lignes la première page d’un quotidien régional, semblait suggérer un sursaut d’honneur très tardif de la magistrature nationale. Ce qui aurait été une réaction logique des juges aux déclarations inopportunes, voire insultantes à leur égard, de Chérif Abbas.
Celui-ci, en qualité de ministre des anciens moudjahidin mais se prenant pour le procureur de la république avait outrepassé ses prérogatives. C’est le moins que nous puissions penser. Car, selon la loi algérienne, Chérif Abbas n’a pas la compétence de garantir l’impunité judiciaire aux magistrats faussaires. Sauf en cas d’une décision politique émanant de l’autorité suprême de l’Etat.
Au delà de la solidarité corporative qui détourne certains fonctionnaires de la justice de leur noble mission, celle de protéger la nation et le citoyen en plaçant la loi au dessus de tous et de toutes les considérations extrajudiciaires, les tentations de déviation sont nombreuses et très fortes quand la moralité et la compétence ne constituent pas des critères de promotion dans un corps de métier aussi sensible.
Le ministre Chérif Abbas aura ainsi créé publiquement un fâcheux précédent, tout en reconnaissant l’existence de dix-mille faux Moudjahidin titulaires d’une vraie attestation communale obtenue grâce aux faux témoignages de vrais Moudjahidin …
Dix-mille faussaires !
N’est-ce pas une énormité qui conforte le citoyen ordinaire dans ses croyances et ses défiances. Surtout à l’égard de l’Etat.
A savoir :
L’indépendance de la justice en Algérie n’est qu’un leurre …
Un gros mensonge politique à répétition…
Une insulte à l’intelligence citoyenne…
Après quinze années de silence convenu et délibéré un Ministre avoue publiquement détenir dix-mille dossiers de faussaires. Le minimum qu’il lui reste à faire c’est de démissionner. Il devient lui-même justiciable. La pudeur et le sens de l’honneur interdisant à un Moudjahid de conviction de se taire pendant si longtemps sur le crime de trahison.
Chérif Abbas était membre et secrétaire général de l’Organisation Nationale des anciens Moudjahidin avant d’accéder au poste de Ministre.
Ce qui aggrave son cas.
A ce niveau de la hiérarchie son rôle n’étant pas de protéger des criminels en se substituant à la justice mais de laisser à chacun d’assumer ses responsabilités.
Sous un deuxième angle de lecture les déclarations de Chérif Abbas vont à contre-courant de tous les efforts et des considérables dépenses consentis dans une campagne de propagande étatique vantant les principes constitutionnels de la séparation des pouvoirs judiciaires et politiques.
Publicité on ne peut plus mensongère.
De toutes les manières le citoyen ordinaire n’y a jamais cru. Tout naïf qu’il soit il n’est pas prêt de gober que, sous le système politique hybride actuel , des juges jouiront d’une mince marge de liberté de conscience quand des barons du sérail ou leurs protégés sont impliqués dans des crimes de droit commun. Sauf, bien entendu, dans les périodes des purges politiques et des actions ponctuelles de « moralisation » téléguidées comme en connaissent toutes les dictatures populistes dés que les rapports de force au sommet basculent en faveur d’un clan.
C’est imprévisible et violent comme tout ce que font les dictateurs.
En Algérie cela avait commencé par le fratricide de l’été 1962, puis le coup d’Etat de Ben Bella contre Benkhedda et la confiscation de la souveraineté citoyenne, ensuite la destitution de Benbella par Boumediene avant le Chadlisme débridé qui avait préparé le lit à tous les désordres, à tous les extrémismes sous des slogans inoubliables comme ‘’ Pour une vie meilleure’’ dans une période où l’Algérie était sous hypothèque du FMI, du club de Paris, de la Banque Mondiale et autres usuriers de la finance internationale.
La suite n’est pas moins dramatique :
Le « chahut » de gamins en 1988, le viol de la constitution en 1990, l’assassinat de Boudiaf en 1992, enfin le règne de la terreur, de la mafia et de la misère à cause d’un multipartisme au garde-à-vous et vorace attiré par… le partage de la rente et les privilèges du système de cooptation.
Trop récent le procès de Khalifa Bank nous a fourni le plus mauvais exemple d’une justice sous pression en la personne d’une présidente de Cour qui ne se sentait pas le droit de faire son travail…
Le droit de rechercher la vérité au delà de ce qui a été décidé par des magistrats couchés de la chambre de mise en accusation.
Pourtant la loi l’autorise, l’incite même à diligenter des enquêtes complémentaires en vue d’aboutir à des verdicts équitables.
Nous avons fait un douloureux constat. Des juges qui se vantent de jouir de toutes les libertés et qui pratiquent la justice des deux poids - cent mesures, en s’excusant presque auprès du public et parfois en reconnaissant implicitement qu’ils ont une ligne rouge à ne pas franchir.
Les audiences où de hauts responsables avouent publiquement leur culpabilité et repartent tranquillement chez eux, est-ce le signe rassurant de l’exercice d’une justice indépendante ? Que des aveux si graves ne mènent pas leurs auteurs à une inculpation circonstanciée et à un jugement, c’est une violation publique et flagrante par les magistrats (sous pression !) des lois de la République qu’ils sont tenus de défendre et d'appliquer sans discrimination aucune à l’égard de tous les mis en cause dans n'importe quelle affaire.
Mme Brahimi et son équipe ne nous contrediront pas si elles maîtrisent les procédures pénales et judiciaires.
Pire.
Les responsables en question, coupables avérés, continuent d’exercer leurs fonctions dans les hautes sphères ministérielles, administratives, électives, syndicales du pays.
Où est donc l’indépendance dont se prévalaient les juges de Blida ?
Et ce n’est pas un précédent.
Nous en avons vu d’autres dont le plus révoltant est lié à la personnalité haïssable de l’ancien premier ministre Ouyahia qui, après avoir lancé son opération tape-à-l’œil « mains propres », fut convoqué en qualité de témoin au tribunal de Annaba.
Des dizaines de cadres gestionnaires incarcérés. Tous n’étaient pas irréprochables, peut-être à cause de l’article 12O qui puisait de préférence dans la catégorie des cadres médiocres et dociles qu’il récompensait d’une certaine manière en fermant les yeux sur leurs petites et grosses magouilles, la docilité étant le principal critère du système de cooptation. Mais la toute puissance de l’Etat, en la personne de Ouyahia, les avait accusés de divers crimes sans présenter des preuves exploitables par la justice contre eux.
Purge aveugle découlant d’une décision politique boiteuse qui rappelle l’inénarrable lutte contre les fléaux sociaux d’un Chadli Bendjedid fraîchement intronisé empereur d’une dictature à visage « humain ».
Spectacle désolant d’un système politique qui s’obstine à regarder en arrière et à ignorer les convulsions sociales et les revendications d’une société mature qui désire s’impliquer dans le choix et dans la construction de son avenir.
Purge aveugle, découlant d’une décision politique boiteuse qui a brisé des dizaines de familles et provoqué la mort d’un cadre en prison. Tout cela avec la complicité de magistrats politisés, dociles et incompétents qui ont été incapables de ficeler des dossiers pour justifier l’inculpation et la détention préventive des « coupables » présumés.
A la barre du tribunal l’Ouyahia national reconnaitra sans se faire prier qu’il s’agissait de brimade. Son exclamation restera un point noir dans les annales judiciaires du pays :
- Hada dolme ! (C’est une brimade, c’est un abus d’autorité !)
Lui, l’instigateur de l’opération « mains propres » s’accusait en pleine audience du tribunal d’avoir exercé des brimades (dolme) contre des gestionnaires.
Il s’était accusé sans s’en rendre compte. Bien sûr, il n’était plus chef de gouvernement au moment où se déroulait le procès. Mais les magistrats n’avaient pas eu le courage de lui rappeler son rôle de destructeur qui s’était servi de l’appareil judiciaire pour démanteler le secteur productif en diabolisant des cadres qui en assuraient le fonctionnement minimum sans être libres d’exercer et d’assumer pleinement leurs responsabilités de gestionnaires. C’était pour plaire au FMI.
Et pour plaire au FMI il fallait se montrer plus ultralibéral que les Américains qui ont le patriotisme de protéger leur agriculture et leur industrie créatrices de richesses et d’emplois EN AGGRAVANT le chômage et la misère dans les pays sous-développés.
C’était un beau matin de Novembre.
Journée printanière en ce dernier virage d’un automne incertain, marqué d’un grand désordre social et d’une sourde désespérance qui en rajoutent au marasme général. Désespérance engendrée par l’incompétence, l’archaïsme et l’infantilisme de la classe politique et des décideurs dont certains (beaucoup devrais-je écrire) sont cloués au Koursi depuis 1962 et ne veulent pas admettre qu’ils rendront un inestimable service à la nation s’ils auront la dignité de se retirer.
Nous achetons le journal. Nous l’ouvrons. L’information ne correspond pas à ce que disait le gros titre en ouverture.
Mauvaise nouvelle.
Le procès annoncé pour le 26 Novembre 2007 ne sera pas celui des magistrats faussaires.
Ceux- ci demeureront encore pendant très longtemps au dessus de la loi, intouchables.
Des barons du système en ont décidé ainsi. N’en déplaise aux légalistes.
Le 26 Novembre 2007 sera jugé Mellouk Benyoucef ; ce fonctionnaire consciencieux qui a révélé quelques petites vérités. Envers et contre tous il avait soulevé le couvercle de l’un des puits les plus secrets des magouilles politiques alors que tous les barons et les nervis du sérail avaient la certitude qu’aucun commis de l’Etat au niveau d’un ministère n’oserait porter à la connaissance du petit peuple un trafic au relent d’une haute trahison.
Le 26 Novembre 2007 l’honnête Mellouk Benyoucef se retrouvera, une fois de plus, confronté à ses persécuteurs, aux chasseurs de sorcières.
Son crime :
Avoir brisé le silence sur des traîtres tapis en divers endroits des sphères politiques, judiciaires, administratives économiques syndicales, associatives, culturelles du pays. Des traîtres et des trafiquants, en amont et en aval, protégés par des réseaux de corruption au sein d’un pouvoir à plusieurs têtes.
Le 26 Novembre 2007 un ancien Moudjahid de la première heure (???) qui fut ministre des anciens Moudjahidin, Mohamed Djeghaba, sera l’accusateur contre un ancien Moudjahid, Mellouk Benyoucef, qui a dénoncé de faux Moudjahidin.
Quelle situation paradoxale !
La logique de toutes les logiques supposerait (exigerait) que l’ancien ministre des anciens Moudjahidin qui serait un vrai Moudjahid de la première heure, Mohamed Djeghaba, fût la première autorité morale et politique à soutenir l’action solitaire de salubrité engagée par le fidèle patriote Mellouk Benyoucef.
Mais dans notre beau pays éclaté les femmes et les hommes qui font usage des vocables « logiquement » ou « normalement » sont regardés comme des martiens, considérés comme des attardés mentaux, traités comme des rescapés de l’Âge de pierre.
Le 26 Novembre 2007 l’homme de conviction, Mellouk Benyoucef, se retrouvera, une fois de plus, traqué par les chasseurs de « sorcières » qui ne lui pardonneront jamais d’avoir été dans son travail plus sérieux qu’il ne l’est permis en haut-lieu où tout ce qui est demandé au commis de l’Etat est de ne pas réfléchir, de ne pas chercher à comprendre, d’obéir , de se taire, d’applaudir, de manger comme un goinfre, d’être servile, bête, discipliné, sans conviction , sans conscience. Ce qui l’autorise automatiquement d’être malhonnête, nageur en eau trouble, mafioso, magouilleur, dévergondé, milliardaire, au dessus des lois, intouchable…
Le 26 Novembre 2007 un ancien Moudjahid de la première heure (???) qui fut ministre de l’intérieur, Mohamed Salah Mohammadi, sera le deuxième accusateur contre l’ancien Moudjahid Mellouk Benyoucef qui n’a pas voulu que des Mounafikine, des traîtres, des faux témoins et des faussaires souillent la noble qualité de combattant de la liberté.
Quelle situation paradoxale !
La logique de toutes les logiques supposerait (exigerait) que l’ancien ministre de l’intérieur fût le plus farouche défenseur de l’action solitaire de salubrité engagée par l’honnête commis de l’Etat à qui sa hiérarchie avait confié la charge de contrôler des dossiers administratifs et qui avait fait correctement son travail .
Mais dans notre pays très mal gouverné les femmes et les hommes qui sont efficaces, qui font correctement leur travail sont honnis, rejetés, clochardisé, persécutés, traînés devant les tribunaux, condamnés par des juges assermentés*.
Une expression populaire circule dans l’espace maghrébin. Malheureusement cette expression s’applique à tout notre continent et au monde arabo-musulman :
- En Algérie léfhel (l’étalon) on le castre.
En 1992 Mellouk Benyoucef, honnête citoyen et fonctionnaire irréprochable, fut jeté à la rue puis incarcéré comme un vulgaire criminel de droit commun. De notre point de vue il méritait (il mérite toujours) la médaille du mérite et la légion d’honneur pour son civisme, son courage, son abnégation et sa fidélité aux valeurs de Novembre 1954. Très peu parmi ceux qui ont été décorés par vous et par vos prédécesseurs peuvent se prévaloir d’être demeurés autant que lui fidèles à ces valeurs.
De l’indépendance à ce jour le système politique algérien a broyé , clochardisé et exilé des centaines de Mellouk , de Mentouri, de Mahmoudi qui se sont révoltés contre le mensonge politique, la trahison l’escroquerie morale, la fourberie, la falsification de l’histoire …
*Voir le cas Benbitour, Mentouri, Benachenou entre bien d’autres.
Après quinze ans de silence convenu voici que le nouveau ministre des anciens Moudjahidin, Chérif Abbas, se voit contraint d’avouer l’existence de dix-mille faussaires en s’empressant d’écarter l’éventualité d’une action de justice contre eux .
Sans honte.
Des trafiquants et des manipulateurs de la mémoire soustraits à la justice par un ancien moudjahid (?) de la première heure, n’est-ce pas une autre trahison ?
Que cache cette immunité inconcevable pour un esprit sain ?
Nous suggérons une piste en espérant qu’elle soit fausse.
Un procès contre les magistrats faussaires contraindra les juges d’instruction d’ouvrir un dossier plus explosif : celui des faux témoins qui sont de vrais Moudjahidin pris dans le tourbillon du trafic d’influence, de la corruption et du syndrome du mercenariat.
En vendant à vil prix leur honneur ces faux témoins ont piétiné la mémoire de leurs compagnons d’armes tombés au combat anticolonialiste.
Y a-t-il plus haute trahison ?
En avouant l’existence de dix mille-faux Moudjahidin Chérif Abbas a disculpé Mellouk tout en attirant l’attention sur trente-mille faux témoins impunis puisque la validation d’une attestation communale exige trois témoignages signés par trois anciens Moudjahidin reconnus par l'ONM.
Ceci si nous nous en tiendrons au chiffre insignifiant de dix-mille faussaires recensés par le ministre. Chiffre insignifiant par rapport à la réalité.
Comme Mellouk Benyoucef, aucun Moudjahid de conviction ne supportera de voir la noble qualité d’anticolonialiste négociée sous la table comme une marchandise de contrebande.
Nous vous posons une question sans détour, monsieur le président.
Au cours de votre premier mandat présidentiel Mellouk Benyoucef avait contacté les services de la présidence en vue d’obtenir votre arbitrage.
Qu’est-ce qui a motivé votre mutisme sur un dossier aussi brûlant ?
Un dossier qui révèle une criminelle instrumentalisation de la mémoire collective, éclabousse l’autorité morale de l’Etat et confirme l’asservissement de la justice par les rentiers du système. Pourquoi les services de la présidence avaient-ils exigé de lui de leur remettre les originaux des dossiers qu’il détenait pour se protéger contre les ennemis de la vérité qui l’auraient liquidé physiquement depuis longtemps ?
Un jour nous avons vu des photographies et des séquences filmées où, fier comme un coq, Abdelmoumen Khalifa plastronnait à vos côtés avant et après que vous l’ayez élevé au niveau des hauts dignitaires de la nation.
Nous avions imaginé les mêmes photographies et les mêmes séquences filmées. Mais à la place de l’escroc de bas étage et vil serviteur de la mafia politico-financière algérienne il y avait des femmes et des hommes qui furent persécutés par les barons du système rentiers. Des hommes et des femmes de conviction qui furent clochardisés, exclus, exilés, torturés pour avoir commis le crime de rester honnêtes et fidèles aux vrais valeurs de Novembre, de dénoncer l’incurie et la trahison, de se révolter contre la mauvaise gouvernance, l’archaïsme et le pillage, de militer pour un Etat de droit et du Savoir.
Boudiaf l’aurait fait.
Pas vous, car vous êtes trop attiré par le clinquant, par l’accessoire malgré votre expérience politique.
Dans votre dernier discours vous avez reproché aux jeunes de s’être écartés des valeurs de Novembre.
Qui leur a inculqué ces valeurs ?
Tous les Algériens nés après l’indépendance ont eu le malheur de fréquenter une école qui leur a enseigné une histoire tronquée, peu exaltante, pendant que d’autres circuits d’information leur présentaient d’autres visions plus crédibles.
Pour eux, en 1962 des Moudjahidin ont assassiné d’autres Moudjahidin uniquement pour le Koursi.
Pour eux la guerre du Koursi se poursuit à ce jour et les condamne à vivre en marge de l’existence.
Pour ces jeunes, dont vous semblez méconnaître ou négliger sciemment les aspirations, les valeurs de Novembre c'est la liberté, c'est la participation à la construction du pays, c’est un travail, un logement décent, une justice équitable, la sécurité, des élus qui sont comptables de leurs crimes et méfaits devant les électeurs et devant la justice.
Et parce qu’ils n’ont pas eu tout cela, ils ne rêvent plus que de quitter le pays de n'importe quelle manière, même en prenant le risque de mourir en mer.
Hasard du calendrier, entre votre discours et le voyage de Sarkozy à Constantine, des milliers de jeunes ont profité d’un match de foot pour répondre à leur manière à vos propos qui éludent les vrais problèmes.
C’était le 22 Novembre 2007.
Pendant le déroulement de la rencontre sportive et après la sortie du stade, en présence des forces de l’ordre, des agents de sécurité, des journalistes et de monsieur tout le monde. Un défilé en apparence festif à travers les principales artères de la ville de Constantine mais la virulence des slogans scandés à tue-tête exprime haine et rejet à l’égard de la classe dirigeante en ciblant votre personne qui symbolise à leurs yeux l’Etat de non droit et le mauvais père qui s’empiffre dans les hôtels super luxe et laisse ses enfants sans un quignon de pain.
La décence nous interdit de rependre ici le couplet chanté par des milliers de jeunes qui ont appris à contourner les règles étouffantes de l’état d’urgence. Nous en tirons la conclusion qu’ils vous accusent de les avoir abandonnés à eux-mêmes comme un mauvais père. Ils accusent Sarkozy d’ajouter à leur malheur en fermant les frontières de la France où ils pensent avoir une chance sur deux d’accéder à la dignité humaine par le travail.
Que répondrez-vous à ces jeunes qui sont prêts à n’importe quel sacrifice pour quitter le pays où ils se sentent inutiles, écrasés, indésirables, méprisés, de trop ?
Suffit-il de les nourrir de discours que contredisent leur vécu au quotidien, leur désarroi, leur grande misère morale ?
Suffit-il de leur faire chanter Kassaman que des traîtres ont plus d’une fois tronqué, castré, parce que l’ancienne puissance coloniale ne supporte plus d’être citée dans un couplet pour ses crimes abjects, crimes contre l’humanité dont elle tire gloire et fierté et qu’elle désire effacer de notre mémoire en les requalifiant d’actes civilisateurs (voir la loi du 23 février 2005 qui a été voté sous la pression de Zarkozy par calcul électoraliste).
Suffit-il de mettre en doute leur patriotisme après leur avoir enseigné une Histoire falsifiée, orientée, peu crédible ?
Qu’avez-vous à leur proposer dans l’immédiat pour qu’ils puissent admettre que leur avenir et l’avenir de leur pays sont liés alors qu’ils subissent une cruelle ségrégation quand ils réclament un droit des plus élémentaires ?
Ils ont en tête l’image d’une Algérie où les hommes qui ont les capacités de construire sont tenus à l’écart des centres de projection, de réflexion et décision.
Qu’avez-vous fait pour changer cette noire image qui les révolte ?
Dans des pays où des dizaines de Mellouk, de Benachenou, de Benbitour et de Mentouri sont relégués sur des voies de garage parce qu’ils n’obéissent pas à des injonctions nuisibles à l’intérêt national, l’espoir d’un avenir motivant restera toujours une utopie.
Dans un pays où des milliers de médiocres, de khobzistes, d’escrocs accèdent très facilement à des responsabilités administratives, politiques, économiques, culturelles, syndicales pour sévir, se servir et se servir encore et encore, l’espoir d’un avenir motivant restera toujours très loin.
Or, les jeunes et les citoyens ordinaires ont de la gouvernance en Algérie cette image haïssable. Image qui est confortée par des ministres incompétents qui mentent au peuple et qui s’accusent las uns les autres pour fuir leurs responsabilités… Image qui est confortée par vos colères exprimées publiquement contre les malfaçons, les mauvaises réalisations, le gaspillage des deniers de l’Etat mais qui n’ont aucun effet sur la mauvaise gouvernance parce que les institutions de contrôle et de protection des biens de l’Etat sont parasitées et paralysées par l’incompétence et l’absence d’une volonté politique de combattre l’archaïsme, l’infantilisme et la malhonnêteté dans les sphères du pouvoir.
C’est ce qui pousse les jeunes à fuir le pays par haine et par peur du système.
Vous avez l’exécrable habitude de commencer votre discours par des analyses indiscutables et de l’achever par des accusations contre les victimes d’une politique à courte vue.
Essayez donc de marquer un arrêt et de faire un bilan de conscience.
Pourquoi les hommes honnêtes comme Mellouk et Mentouri sont jetés en prison, écartés, écrasés, tandis que les médiocres et les malhonnêtes sont chouchoutés ?
Pourquoi l’Europe, l’Amérique, l’Australie et le Canada s’ouvrent-ils généreusement aux compétences qui sont marginalisées en Algérie ?
Pourquoi en dépit des liquidités considérables dont nous disposons la classe dirigeante n’est-elle pas en mesure de répondre aux attentes élémentaires d’une nation en plein désarroi ?
Pourquoi le fisc et les magistrats ne se sentent ni le devoir ni le droit d’engager des procédures contre l’enrichissement sans cause qu’étalent les criminels à « col blanc » aux yeux de tous ? MAIS EN MÊME TEMPS ils s’acharnent sur les petits délinquants nés d’un système politique inéquitable qui n’a pas cherché à instaurer les équilibres qui sont indispensables à toutes les sociétés en construction ?
Vous suffit-il de vous mettre publiquement en colère et d’accuser les autres pour avoir la conscience tranquille et la satisfaction DU DEVOIR ACCOMPLI ?
Aux yeux de tous vous incarnez le pouvoir et ses démembrements souterrains et visibles.
Vous êtes responsable de tout ce que font les hommes à qui vous avez accordé votre confiance.
Mais vous ne voulez pas admettre cette évidence.
La violence des jeunes c’est la réponse à vos accusations injustes.
Vos accusations injustes qui éludent les vrais problèmes sont la source de nos inquiétudes pour l’avenir du pays car, présentement, tous les ingrédients d’une puissante déflagration sont réunis.
Les citoyens étouffent.
N’importe quel prétexte donnera aux manipulateurs de tous poils et aux opportunistes la chance d’exploiter leur désarroi et d’embraser les villes.
Et ce sera pire qu’en 1988.
MAHDI HOCINE
Quand l’injustice persécute l’honnêteté
Répondez-nous Monsieur le Président !
C’était un beau matin de Novembre, journée printanière en ce dernier virage d’un automne incertain marqué d’un grand désordre social et d’une sourde désespérance qui en rajoutent au marasme général. Désespérance engendrée par l’incompétence, l’archaïsme et l’infantilisme de la classe politique et des décideurs dont certains sont « cloués » au koursi depuis 1962 et ne veulent pas admettre qu’ils rendraient un grand service à la nation s’ils auraient la dignité de se retirer.
L’étalage du kiosque à journaux accroche l’œil. En parcourant les premières pages nous sommes étonnés par l’annonce de l’ouverture très proche du procès des magistrats faussaires. En fait il s’agissait d’un jeu de mots attrape-nigauds dont les rédactions en chef abusent à l’effet de capter l’attention des lecteurs algériens en attente de bonnes nouvelles …
Bonnes nouvelles dans le sens où un gros titre, barrant sur trois lignes la première page d’un quotidien régional, semblait suggérer un sursaut d’honneur très tardif de la magistrature nationale. Ce qui aurait été une réaction logique des juges aux déclarations inopportunes, voire insultantes à leur égard, de Chérif Abbas.
Celui-ci, en qualité de ministre des anciens moudjahidin mais se prenant pour le procureur de la république avait outrepassé ses prérogatives. C’est le moins que nous puissions penser. Car, selon la loi algérienne, Chérif Abbas n’a pas la compétence de garantir l’impunité judiciaire aux magistrats faussaires. Sauf en cas d’une décision politique émanant de l’autorité suprême de l’Etat.
Au delà de la solidarité corporative qui détourne certains fonctionnaires de la justice de leur noble mission, celle de protéger la nation et le citoyen en plaçant la loi au dessus de tous et de toutes les considérations extrajudiciaires, les tentations de déviation sont nombreuses et très fortes quand la moralité et la compétence ne constituent pas des critères de promotion dans un corps de métier aussi sensible.
Le ministre Chérif Abbas aura ainsi créé publiquement un fâcheux précédent, tout en reconnaissant l’existence de dix-mille faux Moudjahidin titulaires d’une vraie attestation communale obtenue grâce aux faux témoignages de vrais Moudjahidin …
Dix-mille faussaires !
N’est-ce pas une énormité qui conforte le citoyen ordinaire dans ses croyances et ses défiances. Surtout à l’égard de l’Etat.
A savoir :
L’indépendance de la justice en Algérie n’est qu’un leurre …
Un gros mensonge politique à répétition…
Une insulte à l’intelligence citoyenne…
Après quinze années de silence convenu et délibéré un Ministre avoue publiquement détenir dix-mille dossiers de faussaires. Le minimum qu’il lui reste à faire c’est de démissionner. Il devient lui-même justiciable. La pudeur et le sens de l’honneur interdisant à un Moudjahid de conviction de se taire pendant si longtemps sur le crime de trahison.
Chérif Abbas était membre et secrétaire général de l’Organisation Nationale des anciens Moudjahidin avant d’accéder au poste de Ministre.
Ce qui aggrave son cas.
A ce niveau de la hiérarchie son rôle n’étant pas de protéger des criminels en se substituant à la justice mais de laisser à chacun d’assumer ses responsabilités.
Sous un deuxième angle de lecture les déclarations de Chérif Abbas vont à contre-courant de tous les efforts et des considérables dépenses consentis dans une campagne de propagande étatique vantant les principes constitutionnels de la séparation des pouvoirs judiciaires et politiques.
Publicité on ne peut plus mensongère.
De toutes les manières le citoyen ordinaire n’y a jamais cru. Tout naïf qu’il soit il n’est pas prêt de gober que, sous le système politique hybride actuel , des juges jouiront d’une mince marge de liberté de conscience quand des barons du sérail ou leurs protégés sont impliqués dans des crimes de droit commun. Sauf, bien entendu, dans les périodes des purges politiques et des actions ponctuelles de « moralisation » téléguidées comme en connaissent toutes les dictatures populistes dés que les rapports de force au sommet basculent en faveur d’un clan.
C’est imprévisible et violent comme tout ce que font les dictateurs.
En Algérie cela avait commencé par le fratricide de l’été 1962, puis le coup d’Etat de Ben Bella contre Benkhedda et la confiscation de la souveraineté citoyenne, ensuite la destitution de Benbella par Boumediene avant le Chadlisme débridé qui avait préparé le lit à tous les désordres, à tous les extrémismes sous des slogans inoubliables comme ‘’ Pour une vie meilleure’’ dans une période où l’Algérie était sous hypothèque du FMI, du club de Paris, de la Banque Mondiale et autres usuriers de la finance internationale.
La suite n’est pas moins dramatique :
Le « chahut » de gamins en 1988, le viol de la constitution en 1990, l’assassinat de Boudiaf en 1992, enfin le règne de la terreur, de la mafia et de la misère à cause d’un multipartisme au garde-à-vous et vorace attiré par… le partage de la rente et les privilèges du système de cooptation.
Trop récent le procès de Khalifa Bank nous a fourni le plus mauvais exemple d’une justice sous pression en la personne d’une présidente de Cour qui ne se sentait pas le droit de faire son travail…
Le droit de rechercher la vérité au delà de ce qui a été décidé par des magistrats couchés de la chambre de mise en accusation.
Pourtant la loi l’autorise, l’incite même à diligenter des enquêtes complémentaires en vue d’aboutir à des verdicts équitables.
Nous avons fait un douloureux constat. Des juges qui se vantent de jouir de toutes les libertés et qui pratiquent la justice des deux poids - cent mesures, en s’excusant presque auprès du public et parfois en reconnaissant implicitement qu’ils ont une ligne rouge à ne pas franchir.
Les audiences où de hauts responsables avouent publiquement leur culpabilité et repartent tranquillement chez eux, est-ce le signe rassurant de l’exercice d’une justice indépendante ? Que des aveux si graves ne mènent pas leurs auteurs à une inculpation circonstanciée et à un jugement, c’est une violation publique et flagrante par les magistrats (sous pression !) des lois de la République qu’ils sont tenus de défendre et d'appliquer sans discrimination aucune à l’égard de tous les mis en cause dans n'importe quelle affaire.
Mme Brahimi et son équipe ne nous contrediront pas si elles maîtrisent les procédures pénales et judiciaires.
Pire.
Les responsables en question, coupables avérés, continuent d’exercer leurs fonctions dans les hautes sphères ministérielles, administratives, électives, syndicales du pays.
Où est donc l’indépendance dont se prévalaient les juges de Blida ?
Et ce n’est pas un précédent.
Nous en avons vu d’autres dont le plus révoltant est lié à la personnalité haïssable de l’ancien premier ministre Ouyahia qui, après avoir lancé son opération tape-à-l’œil « mains propres », fut convoqué en qualité de témoin au tribunal de Annaba.
Des dizaines de cadres gestionnaires incarcérés. Tous n’étaient pas irréprochables, peut-être à cause de l’article 12O qui puisait de préférence dans la catégorie des cadres médiocres et dociles qu’il récompensait d’une certaine manière en fermant les yeux sur leurs petites et grosses magouilles, la docilité étant le principal critère du système de cooptation. Mais la toute puissance de l’Etat, en la personne de Ouyahia, les avait accusés de divers crimes sans présenter des preuves exploitables par la justice contre eux.
Purge aveugle découlant d’une décision politique boiteuse qui rappelle l’inénarrable lutte contre les fléaux sociaux d’un Chadli Bendjedid fraîchement intronisé empereur d’une dictature à visage « humain ».
Spectacle désolant d’un système politique qui s’obstine à regarder en arrière et à ignorer les convulsions sociales et les revendications d’une société mature qui désire s’impliquer dans le choix et dans la construction de son avenir.
Purge aveugle, découlant d’une décision politique boiteuse qui a brisé des dizaines de familles et provoqué la mort d’un cadre en prison. Tout cela avec la complicité de magistrats politisés, dociles et incompétents qui ont été incapables de ficeler des dossiers pour justifier l’inculpation et la détention préventive des « coupables » présumés.
A la barre du tribunal l’Ouyahia national reconnaitra sans se faire prier qu’il s’agissait de brimade. Son exclamation restera un point noir dans les annales judiciaires du pays :
- Hada dolme ! (C’est une brimade, c’est un abus d’autorité !)
Lui, l’instigateur de l’opération « mains propres » s’accusait en pleine audience du tribunal d’avoir exercé des brimades (dolme) contre des gestionnaires.
Il s’était accusé sans s’en rendre compte. Bien sûr, il n’était plus chef de gouvernement au moment où se déroulait le procès. Mais les magistrats n’avaient pas eu le courage de lui rappeler son rôle de destructeur qui s’était servi de l’appareil judiciaire pour démanteler le secteur productif en diabolisant des cadres qui en assuraient le fonctionnement minimum sans être libres d’exercer et d’assumer pleinement leurs responsabilités de gestionnaires. C’était pour plaire au FMI.
Et pour plaire au FMI il fallait se montrer plus ultralibéral que les Américains qui ont le patriotisme de protéger leur agriculture et leur industrie créatrices de richesses et d’emplois EN AGGRAVANT le chômage et la misère dans les pays sous-développés.
C’était un beau matin de Novembre.
Journée printanière en ce dernier virage d’un automne incertain, marqué d’un grand désordre social et d’une sourde désespérance qui en rajoutent au marasme général. Désespérance engendrée par l’incompétence, l’archaïsme et l’infantilisme de la classe politique et des décideurs dont certains (beaucoup devrais-je écrire) sont cloués au Koursi depuis 1962 et ne veulent pas admettre qu’ils rendront un inestimable service à la nation s’ils auront la dignité de se retirer.
Nous achetons le journal. Nous l’ouvrons. L’information ne correspond pas à ce que disait le gros titre en ouverture.
Mauvaise nouvelle.
Le procès annoncé pour le 26 Novembre 2007 ne sera pas celui des magistrats faussaires.
Ceux- ci demeureront encore pendant très longtemps au dessus de la loi, intouchables.
Des barons du système en ont décidé ainsi. N’en déplaise aux légalistes.
Le 26 Novembre 2007 sera jugé Mellouk Benyoucef ; ce fonctionnaire consciencieux qui a révélé quelques petites vérités. Envers et contre tous il avait soulevé le couvercle de l’un des puits les plus secrets des magouilles politiques alors que tous les barons et les nervis du sérail avaient la certitude qu’aucun commis de l’Etat au niveau d’un ministère n’oserait porter à la connaissance du petit peuple un trafic au relent d’une haute trahison.
Le 26 Novembre 2007 l’honnête Mellouk Benyoucef se retrouvera, une fois de plus, confronté à ses persécuteurs, aux chasseurs de sorcières.
Son crime :
Avoir brisé le silence sur des traîtres tapis en divers endroits des sphères politiques, judiciaires, administratives économiques syndicales, associatives, culturelles du pays. Des traîtres et des trafiquants, en amont et en aval, protégés par des réseaux de corruption au sein d’un pouvoir à plusieurs têtes.
Le 26 Novembre 2007 un ancien Moudjahid de la première heure (???) qui fut ministre des anciens Moudjahidin, Mohamed Djeghaba, sera l’accusateur contre un ancien Moudjahid, Mellouk Benyoucef, qui a dénoncé de faux Moudjahidin.
Quelle situation paradoxale !
La logique de toutes les logiques supposerait (exigerait) que l’ancien ministre des anciens Moudjahidin qui serait un vrai Moudjahid de la première heure, Mohamed Djeghaba, fût la première autorité morale et politique à soutenir l’action solitaire de salubrité engagée par le fidèle patriote Mellouk Benyoucef.
Mais dans notre beau pays éclaté les femmes et les hommes qui font usage des vocables « logiquement » ou « normalement » sont regardés comme des martiens, considérés comme des attardés mentaux, traités comme des rescapés de l’Âge de pierre.
Le 26 Novembre 2007 l’homme de conviction, Mellouk Benyoucef, se retrouvera, une fois de plus, traqué par les chasseurs de « sorcières » qui ne lui pardonneront jamais d’avoir été dans son travail plus sérieux qu’il ne l’est permis en haut-lieu où tout ce qui est demandé au commis de l’Etat est de ne pas réfléchir, de ne pas chercher à comprendre, d’obéir , de se taire, d’applaudir, de manger comme un goinfre, d’être servile, bête, discipliné, sans conviction , sans conscience. Ce qui l’autorise automatiquement d’être malhonnête, nageur en eau trouble, mafioso, magouilleur, dévergondé, milliardaire, au dessus des lois, intouchable…
Le 26 Novembre 2007 un ancien Moudjahid de la première heure (???) qui fut ministre de l’intérieur, Mohamed Salah Mohammadi, sera le deuxième accusateur contre l’ancien Moudjahid Mellouk Benyoucef qui n’a pas voulu que des Mounafikine, des traîtres, des faux témoins et des faussaires souillent la noble qualité de combattant de la liberté.
Quelle situation paradoxale !
La logique de toutes les logiques supposerait (exigerait) que l’ancien ministre de l’intérieur fût le plus farouche défenseur de l’action solitaire de salubrité engagée par l’honnête commis de l’Etat à qui sa hiérarchie avait confié la charge de contrôler des dossiers administratifs et qui avait fait correctement son travail .
Mais dans notre pays très mal gouverné les femmes et les hommes qui sont efficaces, qui font correctement leur travail sont honnis, rejetés, clochardisé, persécutés, traînés devant les tribunaux, condamnés par des juges assermentés*.
Une expression populaire circule dans l’espace maghrébin. Malheureusement cette expression s’applique à tout notre continent et au monde arabo-musulman :
- En Algérie léfhel (l’étalon) on le castre.
En 1992 Mellouk Benyoucef, honnête citoyen et fonctionnaire irréprochable, fut jeté à la rue puis incarcéré comme un vulgaire criminel de droit commun. De notre point de vue il méritait (il mérite toujours) la médaille du mérite et la légion d’honneur pour son civisme, son courage, son abnégation et sa fidélité aux valeurs de Novembre 1954. Très peu parmi ceux qui ont été décorés par vous et par vos prédécesseurs peuvent se prévaloir d’être demeurés autant que lui fidèles à ces valeurs.
De l’indépendance à ce jour le système politique algérien a broyé , clochardisé et exilé des centaines de Mellouk , de Mentouri, de Mahmoudi qui se sont révoltés contre le mensonge politique, la trahison l’escroquerie morale, la fourberie, la falsification de l’histoire …
*Voir le cas Benbitour, Mentouri, Benachenou entre bien d’autres.
Après quinze ans de silence convenu voici que le nouveau ministre des anciens Moudjahidin, Chérif Abbas, se voit contraint d’avouer l’existence de dix-mille faussaires en s’empressant d’écarter l’éventualité d’une action de justice contre eux .
Sans honte.
Des trafiquants et des manipulateurs de la mémoire soustraits à la justice par un ancien moudjahid (?) de la première heure, n’est-ce pas une autre trahison ?
Que cache cette immunité inconcevable pour un esprit sain ?
Nous suggérons une piste en espérant qu’elle soit fausse.
Un procès contre les magistrats faussaires contraindra les juges d’instruction d’ouvrir un dossier plus explosif : celui des faux témoins qui sont de vrais Moudjahidin pris dans le tourbillon du trafic d’influence, de la corruption et du syndrome du mercenariat.
En vendant à vil prix leur honneur ces faux témoins ont piétiné la mémoire de leurs compagnons d’armes tombés au combat anticolonialiste.
Y a-t-il plus haute trahison ?
En avouant l’existence de dix mille-faux Moudjahidin Chérif Abbas a disculpé Mellouk tout en attirant l’attention sur trente-mille faux témoins impunis puisque la validation d’une attestation communale exige trois témoignages signés par trois anciens Moudjahidin reconnus par l'ONM.
Ceci si nous nous en tiendrons au chiffre insignifiant de dix-mille faussaires recensés par le ministre. Chiffre insignifiant par rapport à la réalité.
Comme Mellouk Benyoucef, aucun Moudjahid de conviction ne supportera de voir la noble qualité d’anticolonialiste négociée sous la table comme une marchandise de contrebande.
Nous vous posons une question sans détour, monsieur le président.
Au cours de votre premier mandat présidentiel Mellouk Benyoucef avait contacté les services de la présidence en vue d’obtenir votre arbitrage.
Qu’est-ce qui a motivé votre mutisme sur un dossier aussi brûlant ?
Un dossier qui révèle une criminelle instrumentalisation de la mémoire collective, éclabousse l’autorité morale de l’Etat et confirme l’asservissement de la justice par les rentiers du système. Pourquoi les services de la présidence avaient-ils exigé de lui de leur remettre les originaux des dossiers qu’il détenait pour se protéger contre les ennemis de la vérité qui l’auraient liquidé physiquement depuis longtemps ?
Un jour nous avons vu des photographies et des séquences filmées où, fier comme un coq, Abdelmoumen Khalifa plastronnait à vos côtés avant et après que vous l’ayez élevé au niveau des hauts dignitaires de la nation.
Nous avions imaginé les mêmes photographies et les mêmes séquences filmées. Mais à la place de l’escroc de bas étage et vil serviteur de la mafia politico-financière algérienne il y avait des femmes et des hommes qui furent persécutés par les barons du système rentiers. Des hommes et des femmes de conviction qui furent clochardisés, exclus, exilés, torturés pour avoir commis le crime de rester honnêtes et fidèles aux vrais valeurs de Novembre, de dénoncer l’incurie et la trahison, de se révolter contre la mauvaise gouvernance, l’archaïsme et le pillage, de militer pour un Etat de droit et du Savoir.
Boudiaf l’aurait fait.
Pas vous, car vous êtes trop attiré par le clinquant, par l’accessoire malgré votre expérience politique.
Dans votre dernier discours vous avez reproché aux jeunes de s’être écartés des valeurs de Novembre.
Qui leur a inculqué ces valeurs ?
Tous les Algériens nés après l’indépendance ont eu le malheur de fréquenter une école qui leur a enseigné une histoire tronquée, peu exaltante, pendant que d’autres circuits d’information leur présentaient d’autres visions plus crédibles.
Pour eux, en 1962 des Moudjahidin ont assassiné d’autres Moudjahidin uniquement pour le Koursi.
Pour eux la guerre du Koursi se poursuit à ce jour et les condamne à vivre en marge de l’existence.
Pour ces jeunes, dont vous semblez méconnaître ou négliger sciemment les aspirations, les valeurs de Novembre c'est la liberté, c'est la participation à la construction du pays, c’est un travail, un logement décent, une justice équitable, la sécurité, des élus qui sont comptables de leurs crimes et méfaits devant les électeurs et devant la justice.
Et parce qu’ils n’ont pas eu tout cela, ils ne rêvent plus que de quitter le pays de n'importe quelle manière, même en prenant le risque de mourir en mer.
Hasard du calendrier, entre votre discours et le voyage de Sarkozy à Constantine, des milliers de jeunes ont profité d’un match de foot pour répondre à leur manière à vos propos qui éludent les vrais problèmes.
C’était le 22 Novembre 2007.
Pendant le déroulement de la rencontre sportive et après la sortie du stade, en présence des forces de l’ordre, des agents de sécurité, des journalistes et de monsieur tout le monde. Un défilé en apparence festif à travers les principales artères de la ville de Constantine mais la virulence des slogans scandés à tue-tête exprime haine et rejet à l’égard de la classe dirigeante en ciblant votre personne qui symbolise à leurs yeux l’Etat de non droit et le mauvais père qui s’empiffre dans les hôtels super luxe et laisse ses enfants sans un quignon de pain.
La décence nous interdit de rependre ici le couplet chanté par des milliers de jeunes qui ont appris à contourner les règles étouffantes de l’état d’urgence. Nous en tirons la conclusion qu’ils vous accusent de les avoir abandonnés à eux-mêmes comme un mauvais père. Ils accusent Sarkozy d’ajouter à leur malheur en fermant les frontières de la France où ils pensent avoir une chance sur deux d’accéder à la dignité humaine par le travail.
Que répondrez-vous à ces jeunes qui sont prêts à n’importe quel sacrifice pour quitter le pays où ils se sentent inutiles, écrasés, indésirables, méprisés, de trop ?
Suffit-il de les nourrir de discours que contredisent leur vécu au quotidien, leur désarroi, leur grande misère morale ?
Suffit-il de leur faire chanter Kassaman que des traîtres ont plus d’une fois tronqué, castré, parce que l’ancienne puissance coloniale ne supporte plus d’être citée dans un couplet pour ses crimes abjects, crimes contre l’humanité dont elle tire gloire et fierté et qu’elle désire effacer de notre mémoire en les requalifiant d’actes civilisateurs (voir la loi du 23 février 2005 qui a été voté sous la pression de Zarkozy par calcul électoraliste).
Suffit-il de mettre en doute leur patriotisme après leur avoir enseigné une Histoire falsifiée, orientée, peu crédible ?
Qu’avez-vous à leur proposer dans l’immédiat pour qu’ils puissent admettre que leur avenir et l’avenir de leur pays sont liés alors qu’ils subissent une cruelle ségrégation quand ils réclament un droit des plus élémentaires ?
Ils ont en tête l’image d’une Algérie où les hommes qui ont les capacités de construire sont tenus à l’écart des centres de projection, de réflexion et décision.
Qu’avez-vous fait pour changer cette noire image qui les révolte ?
Dans des pays où des dizaines de Mellouk, de Benachenou, de Benbitour et de Mentouri sont relégués sur des voies de garage parce qu’ils n’obéissent pas à des injonctions nuisibles à l’intérêt national, l’espoir d’un avenir motivant restera toujours une utopie.
Dans un pays où des milliers de médiocres, de khobzistes, d’escrocs accèdent très facilement à des responsabilités administratives, politiques, économiques, culturelles, syndicales pour sévir, se servir et se servir encore et encore, l’espoir d’un avenir motivant restera toujours très loin.
Or, les jeunes et les citoyens ordinaires ont de la gouvernance en Algérie cette image haïssable. Image qui est confortée par des ministres incompétents qui mentent au peuple et qui s’accusent las uns les autres pour fuir leurs responsabilités… Image qui est confortée par vos colères exprimées publiquement contre les malfaçons, les mauvaises réalisations, le gaspillage des deniers de l’Etat mais qui n’ont aucun effet sur la mauvaise gouvernance parce que les institutions de contrôle et de protection des biens de l’Etat sont parasitées et paralysées par l’incompétence et l’absence d’une volonté politique de combattre l’archaïsme, l’infantilisme et la malhonnêteté dans les sphères du pouvoir.
C’est ce qui pousse les jeunes à fuir le pays par haine et par peur du système.
Vous avez l’exécrable habitude de commencer votre discours par des analyses indiscutables et de l’achever par des accusations contre les victimes d’une politique à courte vue.
Essayez donc de marquer un arrêt et de faire un bilan de conscience.
Pourquoi les hommes honnêtes comme Mellouk et Mentouri sont jetés en prison, écartés, écrasés, tandis que les médiocres et les malhonnêtes sont chouchoutés ?
Pourquoi l’Europe, l’Amérique, l’Australie et le Canada s’ouvrent-ils généreusement aux compétences qui sont marginalisées en Algérie ?
Pourquoi en dépit des liquidités considérables dont nous disposons la classe dirigeante n’est-elle pas en mesure de répondre aux attentes élémentaires d’une nation en plein désarroi ?
Pourquoi le fisc et les magistrats ne se sentent ni le devoir ni le droit d’engager des procédures contre l’enrichissement sans cause qu’étalent les criminels à « col blanc » aux yeux de tous ? MAIS EN MÊME TEMPS ils s’acharnent sur les petits délinquants nés d’un système politique inéquitable qui n’a pas cherché à instaurer les équilibres qui sont indispensables à toutes les sociétés en construction ?
Vous suffit-il de vous mettre publiquement en colère et d’accuser les autres pour avoir la conscience tranquille et la satisfaction DU DEVOIR ACCOMPLI ?
Aux yeux de tous vous incarnez le pouvoir et ses démembrements souterrains et visibles.
Vous êtes responsable de tout ce que font les hommes à qui vous avez accordé votre confiance.
Mais vous ne voulez pas admettre cette évidence.
La violence des jeunes c’est la réponse à vos accusations injustes.
Vos accusations injustes qui éludent les vrais problèmes sont la source de nos inquiétudes pour l’avenir du pays car, présentement, tous les ingrédients d’une puissante déflagration sont réunis.
Les citoyens étouffent.
N’importe quel prétexte donnera aux manipulateurs de tous poils et aux opportunistes la chance d’exploiter leur désarroi et d’embraser les villes.
Et ce sera pire qu’en 1988.
MAHDI HOCINE
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