Crime contre notre mémoire
«Guelma, avec Sétif et Kherrata, resteront dans l’inconscient collectif l'une des pages les plus sanglantes de l’indicible barbarie coloniale. Nous nous y sommes rendus, en marge des festivités officielles, pour les besoins d’une chronique. La loi négationniste de Douste-Blazy du 23 février 2005 exige de nous une vigoureuse réaction en signe de soutien aux historiens et humanistes français qui se sont mobilisés en vue d’obtenir l’abrogation de l’ensemble des articles après avoir imposé à Chirac l’annulation de l’article quatre de cette loi impensable.» De Constantine, Hocine Mahdi, notre nouvel ancien collaborateur, jette un regard cru sur les massacres du 8 mai 1945 à la lumière (noire) de la loi du 23 février 2005.
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Semaine du 24 au 30 Mai 2006
Crime contre notre mémoire
Questions à Jacques Vergès
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Crime contre notre mémoire
Guelma, avec Sétif et Kherrata, resteront dans l’inconscient collectif un épisode des plus sanglants de l’indicible barbarie coloniale européenne.
Nous nous y sommes rendus, en marge des festivités officielles, pour les besoins d’une chronique. La loi négationniste de Douste-Blazy du 23 février 2005 exige de nous une vigoureuse réaction en soutien aux historiens et aux humanistes français qui se sont mobilisés en vue d’obtenir l’abrogation de ce texte, après avoir imposé au président Chirac l’annulation de l’article quatre de cette loi impensable.
A Héliopolis, nous avons rencontré quelques membres du conseil municipal, le responsable local des moudjahidine et l’inévitable (pas dans le sens péjoratif) M. Fnides, seul survivant des rares témoins du massacre de Kef Bomba en 1945.
C’était l’une des sombres illustrations des ratonnades menées dans plusieurs villes d’Algérie par des milices formées de colons, de fonctionnaires, de policiers en civil. Des manifestations pacifiques noyées dans le sang. Chrétiens et juifs importés d’Europe contre musulmans d’Algérie ? Pas seulement !
Le drapeau algérien avait flotté au dessus des têtes des manifestants dont certains avaient prononcé le mot sacrilège, «indépendance».
Un simple rappel aux alliés d’une promesse faite aux autochtones : «Engagez-vous dans l’armée française. Dès que Hitler sera vaincu, vous aurez votre indépendance…»
Les Américains, les Anglais et les Français avaient besoin qu'on leur rappelât que la parole donnée engage l’honneur. Les manifestations pacifiques du 8 Mai 1945 à Sétif, Constantine, Guelma étaient à la fois la célébration de la victoire des alliés sur le fascisme et la revendication d’un droit reconnu à tous les peuples par la société des nations : l’autodétermination.
Les colons n’avaient pas apprécié.
Fnides Mohamed avait un peu moins de vingt ans. En ce jour maudit, il se trouvait sur les auteurs de Kef Bomba avec un compagnon. En contrebas de son poste d’observation, les miliciens alignèrent cinquante-quatre captifs et ouvrirent le feu.
Quand, quatre ou cinq mois plus tard, les miliciens revinrent sur le lieu du massacre, Fnides Mohamed était présent. Cette fois, de nombreux habitants d’Héliopolis étaient sur place. Les colons déterrèrent les cadavres et les chargèrent sur un camion. Direction la carrière de chaux. Les assassins installèrent des barrages autour du site. Sûrement pour ne pas être dérangés dans leur sale besogne. Aucun Arabe ne fut autorisé à passer. Il y eut un incessant va-et-vient de camions entre la carrière et les villages des environs puis une forte odeur de chair brûlée, odeur pestilentielle qui brûle la gorge et les yeux. Les fours à chaux étaient devenus des fours crématoires à l’hitlérienne.
La quête de la vérité historique est difficile quand les services officiels, autorités militaires et civiles, abandonnent le champ des opérations aux miliciens. L’encouragement des carnages est doublé d’une carence administrative. Pas de rapport officiel, pas de cadavre… donc juridiquement pas de crime, pas de coupable. Ainsi, nous nous sommes trouvés ballottés entre des versions contradictoires d’un historien à l’autre. Pour nous, cela avait commencé en 2005, avec ce qui nous semblait être une tentative de relativiser les crimes du colonialisme en Algérie. Bien qu’il ne dispose d’aucune preuve, M. Harbi affirme qu'aucun être vivant ne fut grillé. Mensonge flagrant. Pourquoi ? Quand un historien ment de la sorte avec l’assurance d’un chercheur rigoureux qui a exploré toutes les pistes qui mènent à la vérité, il pose plus de questions qu'il n'en solutionne. Car dans le domaine de l'histoire, les mensonges et les manipulations ne sont pas fortuits. Ni gratuits d'ailleurs.
Toutes les enquêtes commencent par l’audition du témoin principal. M. Fnides est bien connu : radio, télévision et journaux avaient diffusé son témoignage dans les années quatre-vingt. Nous nous devions de l’écouter.
A-t-on brûlé des cadavres seulement dans les fours ? M. Fnides : «Il ment celui qui répondra à cette question. Les miliciens avaient encerclé la carrière. Nous étions très loin. Pas un seul Arabe n’a pu voir ce qui se passait. Les mauvaises odeurs nous disaient que des être humains étaient dévorés par le feu. Personne ne se posait des questions. Vivants ou morts, c’étaient des Algériens et seulement des Algériens.»
Un autre moujahid intervient : «Des brûlés vifs, nous en connaissons trois frères. Les Maazem. Ils furent torturés, ligotés en fagot, arrosés d’essence. Le reste, vous le devinez sans mal. Un spectacle effroyable.»
«Il y a des questions qui resteront éternellement sans réponse. En ces mois de folie meurtrière du deuxième et du troisième trimestres de 1945, Combien d’Algériens ont été grillés de la sorte ? Combien ont été jetés morts et vivants dans les fours ? Longtemps après leur forfait et pendant leurs grosses beuveries du samedi soir des colons, des policiers, des fonctionnaires avaient eu un bon sujet de conversation : le «rôti de bougnoule ». Bavardages obscènes qui n’amusent et ne procurent de l'orgasme qu'aux fascistes. De la haine, de la haine et de la haine…»
Cependant, pas un seul document exploitable qui confirme ou infirme les témoignages des rares survivants. C’est pour cela que des écrivains, des chroniqueurs, des historiens aussi rigoureux que Jacques Vergès, dont nous saluons le formidable travail contre la barbarie du colonialisme à travers le monde, sont embarrassés quand nous les interrogeons sur les sources de telle ou telle information qu’ils nous communiquent.
Après cette discussion, nous retournons à la carrière de chaux. Deux hommes nous accompagnent.
Où sont les fours ? On nous montre une plateforme rectangulaire revêtue de ciment et d’une stèle d’une indicible laideur peinturlurée à la va-vite à l’occasion de la visite de cinq ministres, accompagnés de Jacques Vergès, Nicole Dreyfus, Jean=Louis Planche, Mohamed Ould Si Kaddour El Corso, Zoubir Chaouch Ramdane et d’une délégation d’historiens et de professeurs d’université, ainsi que de représentants de l’association nationale du 8-Mai-1945.
Nous sommes sidérés.
M. Fnides nous décrit ce que furent les fours et leur fonctionnement : «Par là, il y avait des rails. Un âne tirait les wagons remplis de pierres jusqu’au sommet de la stèle…»
Impossible d’imaginer la hauteur et la largeur des fours.
«Qui a rasé les fours ?»
Personne ne répond. La colère nous fait oublier que nous sommes des invités officieux.
«Mais c’est un crime contre notre mémoire. C’est un crime contre notre histoire.»
M. Fnides répond : «C’est la mairie.»
Quand ce crime contre notre mémoire a-t-il été commis ?
Nous sommes en face du responsable des moudjahidine, qui prétend ne rien savoir. Quant à nous, nous croyons qu’il a participé au crime. Il se retire d’ailleurs. Nous pensons qu’il était au courant de tout ce qui se faisait à Héliopolis.
M. Fnides brise encore le silence : «Cela doit être dans les années 1980.»
Pas étonnant du tout. C’était la décennie de tous les reniements, de toutes les trahisons. Même l’hymne Kassaman fut amputé de ses vers qui incriminent nommément la France et dénoncent ses crimes abjects.
Viennent-ils seulement de se rendre compte qu'en rasant les fours, ils avaient offert un cadeau inespéré au colonialisme ? Effacer une preuve aussi criante, aussi accablante d’un crime contre l’humanité…
Bêtise d’élus incompétents ? Décision de moudjahidine incultes qui rasent les symboles de la terreur pour se libérer de douloureux souvenirs ?
Mais autour de ces gens, il y a des associations dont les membres connaissent la valeur historique de certains sites qui constituent des pièces à conviction pour les chercheurs et pour les magistrats du TPI autant que pour les historiens.
Pendant des décennies, les autorités nationales et locales ont dépensé des milliards en zerdas pour la célébration du 8 mai 1945. Pourtant, elles ont escamoté la preuve la plus solide qu’elles détenaient contre la barbarie coloniale à Guelma.
Qu’aurait coûté la reconstitution des fours, de la dizaine de mètres de rails, de la remise en état d’un ou de deux wagons et de l’aménagement du site en un musée des massacres ? Sans doute moins cher qu’un séjour de 24 heures d’une délégation de cinq ministres. Sans doute aussi moins cher que la hideuse stèle qui ressemble à des centaines d’autres semées à travers tout le pays. Alors que Héliopolis est à classer avec Auschwitz et Oradour-sur-Glane dans la symbolique de l’holocauste.
L’oubli commence au moment où un peuple commet l’irréparable action de déchirer une page de son histoire. Et les fours à chaux, si modestes soient-ils en volume, sont une page de notre histoire.
Je doute fort que ne me démentiront pas sur ce point Mohamed Ould Si Kaddour El-Corso, Jacques Vergès, Nicole Dreyfus, Jean Louis Planche, le ministre des Moudjahidine, le recteur de l’université de Guelma et Khalida Messaoudi Toumi.
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2ème articticle
Malheureusement, un historien algérien vivant en France s’est aligné sur les positions de B. H. Levy, de Elie Wiésel, des colons, de L’OAS, du sionisme et des négationnistes. Ancien révolutionnaire de gauche, il relativise les crimes abjects du colonialisme en Afrique, en Asie, en Amérique latine, en Australie, à seule fin de ne pas déposséder l’Etat sioniste d’une exclusivité sur les termes génocide, holocauste, crime contre l’humanité qui sont devenus un fonds de commerce très juteux.
Un exemple : les fours à chaux d’Héliopolis et de Villars.
L’historien en question a affirmé plus d’une fois, en conférence et à travers la presse, que seuls des cadavres ont été incinérés dans les fours à chaux en vue de fausser les conclusions d’une commission d’enquête qui fut dépêchée de Paris. Par contre, vous, vous avez souvent soutenu que des vivants y furent carbonisés (corrigez moi si je me trompe).
Où est la vérité ? Quelles sont vos sources ?
En 1987, le dossier de l’hebdomadaire Algérie Actualité «Que veulent les juifs ?» avait scandalisé les médias euro-américains parce que la majorité des moyens de communication en France avaient très habilement brodé dans la manipulation et la désinformation. Les journalistes algériens ont été accusés d’antisémitisme et d’avoir composé leur prose sous votre orientation. C’était faux. Par un heureux concours de circonstances, j’avais participé à ce dossier. Sans avoir eu la chance et l’honneur ni de vous rencontrer ni d’assister à l’une de vos nombreuses conférences tenues en Algérie. Et je le regrette infiniment.
En toute franchise, j’aurais été très fier si j’avais écrit mon article sous votre dictée.
Jean Daniel, directeur de L’Observateur, s’était singularisé de ses confrères en demandant aux hautes autorités de notre pays de nous punir. Mais il y eut pire que lui.
Pour se désolidariser hypocritement des auteurs du dossier qui avait dérangé les lobbies sionistes et leurs serviteurs très actifs en Europe et en Amérique, deux personnalités algériennes "historiques» avaient adressé une lettre à J. Daniel… Lettre que celui-ci s’était empressé, toute affaire cessante, d’exhiber avec des larmes de joie plein les yeux, parce que dans ses rêves les plus fous il n’aurait jamais imaginé que l’historien Mohamed Harbi et le zaïm Hocine Ait Ahmed lui enverraient un texte qui traduisait si magnifiquement les sentiments qu’il espérait et appelait de ses vœux depuis si longtemps (c’est J. Daniel qui s’exprime).
Au nom des droits de l’homme (façon BHL et Elie Wiésel) et de la légitimité révolutionnaire à l’algérienne, vous voilà accusé de chercher à associer les crimes contre l’humanité commis par le boucher de Lyon aux bavures du colonialisme français à travers le monde. Vous voilà accusé de manipulation morale, de manipulation de la vérité historique,
de manipulation juridique, parce que les sionistes ont décrété que seuls les juifs ont été victimes de génocide.
Où se situent ces prétendues manipulations par rapport à vos actes et à vos écrits militants ?
Nous connaissons votre admirable stratégie de vous servir des tribunaux et des causes perdues d’avance pour revendiquer les droits de tous les peuples opprimés à un traitement équitable devant le tribunal international. Sur quelles bases morales et juridiques et selon quels critères philosophiques ou bien humanistes nos deux «historiques» sus cités considèrent que ce qu’ont fait pendant des siècles les puissances coloniales européennes dans le Tiers Monde est moins grave que ce qu’à fait Hitler pendant cinq ans en Europe ?
Pourquoi ne pas répertorier tous les génocides et ne pas œuvrer à la réalisation du Tribunal de l’histoire qui mettrait les magistrats du Tribunal international face à leurs responsabilités afin que les générations futures ne connaissent plus de Sabra, Chattila, Kherrata, El-Amrya, Oradour-sur-Glane, Jéricho, Bethléem, Auschwitz, Héliopolis ?
Pourquoi le million d’enfants irakiens morts des conséquences du boycott US (mis en œuvre par l’ONU) est-il considéré comme un «dégât collatéral» d’une mission civilisatrice alors qu’il s’agit d’un crime de nature nazie ?
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«Guelma, avec Sétif et Kherrata, resteront dans l’inconscient collectif l'une des pages les plus sanglantes de l’indicible barbarie coloniale. Nous nous y sommes rendus, en marge des festivités officielles, pour les besoins d’une chronique. La loi négationniste de Douste-Blazy du 23 février 2005 exige de nous une vigoureuse réaction en signe de soutien aux historiens et humanistes français qui se sont mobilisés en vue d’obtenir l’abrogation de l’ensemble des articles après avoir imposé à Chirac l’annulation de l’article quatre de cette loi impensable.» De Constantine, Hocine Mahdi, notre nouvel ancien collaborateur, jette un regard cru sur les massacres du 8 mai 1945 à la lumière (noire) de la loi du 23 février 2005.
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Semaine du 24 au 30 Mai 2006
Crime contre notre mémoire
Questions à Jacques Vergès
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Guelma, avec Sétif et Kherrata, resteront dans l’inconscient collectif un épisode des plus sanglants de l’indicible barbarie coloniale européenne.
Nous nous y sommes rendus, en marge des festivités officielles, pour les besoins d’une chronique. La loi négationniste de Douste-Blazy du 23 février 2005 exige de nous une vigoureuse réaction en soutien aux historiens et aux humanistes français qui se sont mobilisés en vue d’obtenir l’abrogation de ce texte, après avoir imposé au président Chirac l’annulation de l’article quatre de cette loi impensable.
A Héliopolis, nous avons rencontré quelques membres du conseil municipal, le responsable local des moudjahidine et l’inévitable (pas dans le sens péjoratif) M. Fnides, seul survivant des rares témoins du massacre de Kef Bomba en 1945.
C’était l’une des sombres illustrations des ratonnades menées dans plusieurs villes d’Algérie par des milices formées de colons, de fonctionnaires, de policiers en civil. Des manifestations pacifiques noyées dans le sang. Chrétiens et juifs importés d’Europe contre musulmans d’Algérie ? Pas seulement !
Le drapeau algérien avait flotté au dessus des têtes des manifestants dont certains avaient prononcé le mot sacrilège, «indépendance».
Un simple rappel aux alliés d’une promesse faite aux autochtones : «Engagez-vous dans l’armée française. Dès que Hitler sera vaincu, vous aurez votre indépendance…»
Les Américains, les Anglais et les Français avaient besoin qu'on leur rappelât que la parole donnée engage l’honneur. Les manifestations pacifiques du 8 Mai 1945 à Sétif, Constantine, Guelma étaient à la fois la célébration de la victoire des alliés sur le fascisme et la revendication d’un droit reconnu à tous les peuples par la société des nations : l’autodétermination.
Les colons n’avaient pas apprécié.
Fnides Mohamed avait un peu moins de vingt ans. En ce jour maudit, il se trouvait sur les auteurs de Kef Bomba avec un compagnon. En contrebas de son poste d’observation, les miliciens alignèrent cinquante-quatre captifs et ouvrirent le feu.
Quand, quatre ou cinq mois plus tard, les miliciens revinrent sur le lieu du massacre, Fnides Mohamed était présent. Cette fois, de nombreux habitants d’Héliopolis étaient sur place. Les colons déterrèrent les cadavres et les chargèrent sur un camion. Direction la carrière de chaux. Les assassins installèrent des barrages autour du site. Sûrement pour ne pas être dérangés dans leur sale besogne. Aucun Arabe ne fut autorisé à passer. Il y eut un incessant va-et-vient de camions entre la carrière et les villages des environs puis une forte odeur de chair brûlée, odeur pestilentielle qui brûle la gorge et les yeux. Les fours à chaux étaient devenus des fours crématoires à l’hitlérienne.
La quête de la vérité historique est difficile quand les services officiels, autorités militaires et civiles, abandonnent le champ des opérations aux miliciens. L’encouragement des carnages est doublé d’une carence administrative. Pas de rapport officiel, pas de cadavre… donc juridiquement pas de crime, pas de coupable. Ainsi, nous nous sommes trouvés ballottés entre des versions contradictoires d’un historien à l’autre. Pour nous, cela avait commencé en 2005, avec ce qui nous semblait être une tentative de relativiser les crimes du colonialisme en Algérie. Bien qu’il ne dispose d’aucune preuve, M. Harbi affirme qu'aucun être vivant ne fut grillé. Mensonge flagrant. Pourquoi ? Quand un historien ment de la sorte avec l’assurance d’un chercheur rigoureux qui a exploré toutes les pistes qui mènent à la vérité, il pose plus de questions qu'il n'en solutionne. Car dans le domaine de l'histoire, les mensonges et les manipulations ne sont pas fortuits. Ni gratuits d'ailleurs.
Toutes les enquêtes commencent par l’audition du témoin principal. M. Fnides est bien connu : radio, télévision et journaux avaient diffusé son témoignage dans les années quatre-vingt. Nous nous devions de l’écouter.
A-t-on brûlé des cadavres seulement dans les fours ? M. Fnides : «Il ment celui qui répondra à cette question. Les miliciens avaient encerclé la carrière. Nous étions très loin. Pas un seul Arabe n’a pu voir ce qui se passait. Les mauvaises odeurs nous disaient que des être humains étaient dévorés par le feu. Personne ne se posait des questions. Vivants ou morts, c’étaient des Algériens et seulement des Algériens.»
Un autre moujahid intervient : «Des brûlés vifs, nous en connaissons trois frères. Les Maazem. Ils furent torturés, ligotés en fagot, arrosés d’essence. Le reste, vous le devinez sans mal. Un spectacle effroyable.»
«Il y a des questions qui resteront éternellement sans réponse. En ces mois de folie meurtrière du deuxième et du troisième trimestres de 1945, Combien d’Algériens ont été grillés de la sorte ? Combien ont été jetés morts et vivants dans les fours ? Longtemps après leur forfait et pendant leurs grosses beuveries du samedi soir des colons, des policiers, des fonctionnaires avaient eu un bon sujet de conversation : le «rôti de bougnoule ». Bavardages obscènes qui n’amusent et ne procurent de l'orgasme qu'aux fascistes. De la haine, de la haine et de la haine…»
Cependant, pas un seul document exploitable qui confirme ou infirme les témoignages des rares survivants. C’est pour cela que des écrivains, des chroniqueurs, des historiens aussi rigoureux que Jacques Vergès, dont nous saluons le formidable travail contre la barbarie du colonialisme à travers le monde, sont embarrassés quand nous les interrogeons sur les sources de telle ou telle information qu’ils nous communiquent.
Après cette discussion, nous retournons à la carrière de chaux. Deux hommes nous accompagnent.
Où sont les fours ? On nous montre une plateforme rectangulaire revêtue de ciment et d’une stèle d’une indicible laideur peinturlurée à la va-vite à l’occasion de la visite de cinq ministres, accompagnés de Jacques Vergès, Nicole Dreyfus, Jean=Louis Planche, Mohamed Ould Si Kaddour El Corso, Zoubir Chaouch Ramdane et d’une délégation d’historiens et de professeurs d’université, ainsi que de représentants de l’association nationale du 8-Mai-1945.
Nous sommes sidérés.
M. Fnides nous décrit ce que furent les fours et leur fonctionnement : «Par là, il y avait des rails. Un âne tirait les wagons remplis de pierres jusqu’au sommet de la stèle…»
Impossible d’imaginer la hauteur et la largeur des fours.
«Qui a rasé les fours ?»
Personne ne répond. La colère nous fait oublier que nous sommes des invités officieux.
«Mais c’est un crime contre notre mémoire. C’est un crime contre notre histoire.»
M. Fnides répond : «C’est la mairie.»
Quand ce crime contre notre mémoire a-t-il été commis ?
Nous sommes en face du responsable des moudjahidine, qui prétend ne rien savoir. Quant à nous, nous croyons qu’il a participé au crime. Il se retire d’ailleurs. Nous pensons qu’il était au courant de tout ce qui se faisait à Héliopolis.
M. Fnides brise encore le silence : «Cela doit être dans les années 1980.»
Pas étonnant du tout. C’était la décennie de tous les reniements, de toutes les trahisons. Même l’hymne Kassaman fut amputé de ses vers qui incriminent nommément la France et dénoncent ses crimes abjects.
Viennent-ils seulement de se rendre compte qu'en rasant les fours, ils avaient offert un cadeau inespéré au colonialisme ? Effacer une preuve aussi criante, aussi accablante d’un crime contre l’humanité…
Bêtise d’élus incompétents ? Décision de moudjahidine incultes qui rasent les symboles de la terreur pour se libérer de douloureux souvenirs ?
Mais autour de ces gens, il y a des associations dont les membres connaissent la valeur historique de certains sites qui constituent des pièces à conviction pour les chercheurs et pour les magistrats du TPI autant que pour les historiens.
Pendant des décennies, les autorités nationales et locales ont dépensé des milliards en zerdas pour la célébration du 8 mai 1945. Pourtant, elles ont escamoté la preuve la plus solide qu’elles détenaient contre la barbarie coloniale à Guelma.
Qu’aurait coûté la reconstitution des fours, de la dizaine de mètres de rails, de la remise en état d’un ou de deux wagons et de l’aménagement du site en un musée des massacres ? Sans doute moins cher qu’un séjour de 24 heures d’une délégation de cinq ministres. Sans doute aussi moins cher que la hideuse stèle qui ressemble à des centaines d’autres semées à travers tout le pays. Alors que Héliopolis est à classer avec Auschwitz et Oradour-sur-Glane dans la symbolique de l’holocauste.
L’oubli commence au moment où un peuple commet l’irréparable action de déchirer une page de son histoire. Et les fours à chaux, si modestes soient-ils en volume, sont une page de notre histoire.
Je doute fort que ne me démentiront pas sur ce point Mohamed Ould Si Kaddour El-Corso, Jacques Vergès, Nicole Dreyfus, Jean Louis Planche, le ministre des Moudjahidine, le recteur de l’université de Guelma et Khalida Messaoudi Toumi.
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Hocine Mahdi
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2ème articticle
Questions à Jacques Vergès
J’ai attendu quarante ans ce jour où je rencontrerai l’homme qui affronte, les mains nues, la mort pour clamer haut et fort que tous les peuples qui furent colonisés et le sont encore ont subi et continuent de subir, sous le regard complice des Nations unies, des exactions contenant tous les éléments du code pénal international qui déterminent le génocide, l’holocauste, les crimes contre l’humanité et les massacres crapuleux qui ont permis aux magistrats de Nuremberg de condamner les nazis. Inexplicablement, les magistrats de la Haye, contre toute logique, ont disqualifié tous ces carnages en de simples actions de maintien de l’ordre sous la pression de Washington, Londres et Paris.Malheureusement, un historien algérien vivant en France s’est aligné sur les positions de B. H. Levy, de Elie Wiésel, des colons, de L’OAS, du sionisme et des négationnistes. Ancien révolutionnaire de gauche, il relativise les crimes abjects du colonialisme en Afrique, en Asie, en Amérique latine, en Australie, à seule fin de ne pas déposséder l’Etat sioniste d’une exclusivité sur les termes génocide, holocauste, crime contre l’humanité qui sont devenus un fonds de commerce très juteux.
Un exemple : les fours à chaux d’Héliopolis et de Villars.
L’historien en question a affirmé plus d’une fois, en conférence et à travers la presse, que seuls des cadavres ont été incinérés dans les fours à chaux en vue de fausser les conclusions d’une commission d’enquête qui fut dépêchée de Paris. Par contre, vous, vous avez souvent soutenu que des vivants y furent carbonisés (corrigez moi si je me trompe).
Où est la vérité ? Quelles sont vos sources ?
En 1987, le dossier de l’hebdomadaire Algérie Actualité «Que veulent les juifs ?» avait scandalisé les médias euro-américains parce que la majorité des moyens de communication en France avaient très habilement brodé dans la manipulation et la désinformation. Les journalistes algériens ont été accusés d’antisémitisme et d’avoir composé leur prose sous votre orientation. C’était faux. Par un heureux concours de circonstances, j’avais participé à ce dossier. Sans avoir eu la chance et l’honneur ni de vous rencontrer ni d’assister à l’une de vos nombreuses conférences tenues en Algérie. Et je le regrette infiniment.
En toute franchise, j’aurais été très fier si j’avais écrit mon article sous votre dictée.
Jean Daniel, directeur de L’Observateur, s’était singularisé de ses confrères en demandant aux hautes autorités de notre pays de nous punir. Mais il y eut pire que lui.
Pour se désolidariser hypocritement des auteurs du dossier qui avait dérangé les lobbies sionistes et leurs serviteurs très actifs en Europe et en Amérique, deux personnalités algériennes "historiques» avaient adressé une lettre à J. Daniel… Lettre que celui-ci s’était empressé, toute affaire cessante, d’exhiber avec des larmes de joie plein les yeux, parce que dans ses rêves les plus fous il n’aurait jamais imaginé que l’historien Mohamed Harbi et le zaïm Hocine Ait Ahmed lui enverraient un texte qui traduisait si magnifiquement les sentiments qu’il espérait et appelait de ses vœux depuis si longtemps (c’est J. Daniel qui s’exprime).
Au nom des droits de l’homme (façon BHL et Elie Wiésel) et de la légitimité révolutionnaire à l’algérienne, vous voilà accusé de chercher à associer les crimes contre l’humanité commis par le boucher de Lyon aux bavures du colonialisme français à travers le monde. Vous voilà accusé de manipulation morale, de manipulation de la vérité historique,
de manipulation juridique, parce que les sionistes ont décrété que seuls les juifs ont été victimes de génocide.
Où se situent ces prétendues manipulations par rapport à vos actes et à vos écrits militants ?
Nous connaissons votre admirable stratégie de vous servir des tribunaux et des causes perdues d’avance pour revendiquer les droits de tous les peuples opprimés à un traitement équitable devant le tribunal international. Sur quelles bases morales et juridiques et selon quels critères philosophiques ou bien humanistes nos deux «historiques» sus cités considèrent que ce qu’ont fait pendant des siècles les puissances coloniales européennes dans le Tiers Monde est moins grave que ce qu’à fait Hitler pendant cinq ans en Europe ?
Pourquoi ne pas répertorier tous les génocides et ne pas œuvrer à la réalisation du Tribunal de l’histoire qui mettrait les magistrats du Tribunal international face à leurs responsabilités afin que les générations futures ne connaissent plus de Sabra, Chattila, Kherrata, El-Amrya, Oradour-sur-Glane, Jéricho, Bethléem, Auschwitz, Héliopolis ?
Pourquoi le million d’enfants irakiens morts des conséquences du boycott US (mis en œuvre par l’ONU) est-il considéré comme un «dégât collatéral» d’une mission civilisatrice alors qu’il s’agit d’un crime de nature nazie ?
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Hocine Mahdi
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