Friday, January 06, 2012

Margaret Thatcher : Dame De Fer, Dame D'Enfer

Thatcher dame de fer, dame d'enfer et honnête fonctionnaire ?
Elle était une forte personnalité politique et avait bien marqué son temps et son pays par des mesures draconiennes ultra libérales.
Personnellement, dans les années 1980 j'avais durement réagi* à propos de ses conceptions des droits de l'homme à cinq vitesses sans oublier une chose : c'était une anglaise très liée aux américains aux yeux desquels les peuples du Tiers-Monde étaient des êtres primitifs qu'il fallait sacrifier pour le confort des êtres civilisés de l'Occident.
Sans oublier aussi que c'était une anglaise librement choisie par la majorité des électeurs anglais, qu'elle n'était pas assoiffée du pouvoir et même si elle n'a pas décroché pendant onze années ou plus elle ne le doit ni aux généraux, ni aux services (au pluriel) de sécurité, ni à la fraude flagrante et massive ni à la protection diplomatique et militaire d'une grande puissance étrangère gourmande en richesses naturelles de son pays comme c'était le cas de Ben Ali, Moubarak, Ali Abdallah Salah, et c'est le cas de Abdallah ben Abdelaziz, Mohamed VI, Bachar le syrien, Bouteflika l'algérien, les Ben Jassem et autres roitelets du Golfe.
Elle le doit à la majorité de ses concitoyens qui ont acquis par des luttes citoyennes le droit de choisir leurs dirigeants et de les sanctionner en acceptant le devoir de respecter les voix de la majorité.
C'est très important à souligner pour comprendre les massacres qui perdurent dans le monde arabe où les résultats du vote sont prévus et décidés 5 années à l'avance avec un taux de 99, 99 % même si ne voteront par procuration que les morts.
Le 4 janvier 2012 a eu lieu, en avant première à Londres, la projection d'une super production cinématographique retraçant la vie de Thatcher en politique et en son foyer avec sa petite famille comme toutes les femmes qui optent pour une carrière sans négliger pour autant le devoir conjugal qui demeure sacré dans les milieux conservateurs de la vieille Europe.
Hasard du calendrier la projection du film a coïncidé avec l'ouverture au public des archives âgées de trente ans. C'est une règle en Grande Bretagne.
Dans un document qui a fait le bonheur de la presse poeple est rapporté le premier accrochage de la dame d'enfer avec l'intendance de sa nouvelle fonction à la tête de l'Etat. A peine si elle n'avait pas accusé les commis de son ministère de dilapider les deniers publics au détriment de la morale, de l'Etat et du citoyen contribuable.
Elle venait tout juste de s'installer au logement de fonction traditionnellement mis à la disposition du chef du gouvernement.
Pourtant il ne s'agissait que de vaisselle, de draps et de petits équipements ménagers. Avant de faire ouvrir les cartons la dame de fer avait demandé à voir les factures et elle n'avait vu que du rouge à cause des prix qui lui semblaient exorbitants.
-"J'ai mes draps, j'ai ma vaisselle, j'ai mon salaire... On ne dépense pas n'importe comment les deniers publics quand on est au service de l'Etat. Rendez tout au magasin d'où vous l'avez acheté".
Magistrale leçon de civisme !
Ce qui était respectable chez la dame Thatcher c'est que, avant d'appliquer les règles de l'austérité budgétaire à ses concitoyens elle s'imposait à elle même les rigueurs du pragmatisme économique pour ne pas disposer des biens et des deniers publics comme si elle en était la propriétaire illégale mais légitimée par des élections libres et honnêtes. Elle aurait pu commander des articles cinq ou dix fois plus chers sans scandaliser les citoyens anglais, ni ceux d'en haut ni ceux d'en bas. Même si la presse de caniveau en aurait fait des gorges chaudes, car il y avait une règle : tous les nouveaux premiers ministres s'y pliaient sans rien dire.
Pas la dame de fer !
Ceci rappelle le civisme du Khalifat Omar Ben el Khottab qui n'utilisait jamais les biens et les deniers publics pour son usage personnel ou au profit de sa famille et ses amis. Même pour l'éclairage. Il allumait sa veilleuse personnelle pendant les heures où il ne travaillait pas pour l'Etat.
Revenons à notre triste époque où le pillage des biens et des deniers publics est le sport le plus pratiqué et le mieux partagé par les classes dirigeantes du Tiers-Monde, particulièrement les Arabes et les Africains chrétiens, musulmans et athées parce qu'ils ont la caution immorale des grandes puissances chez qui ils investissent et cachent les milliards détournés...
En Algérie, par exemple, on a pillé et bétonné les terres agricoles de la Mitidja ensuite l'APN chroma, sous la présidence de Bensalah, a adopté des lois légalisant le pillage. Mais ce n'est là qu'un cas parmi cent mille de la même gravité.
En Tunisie, en Egypte, en Syrie, en Libye, au Yèmen c'est pareil mais rien ne sera connu publiquement avant la chute des dictateurs. Nous ne parlons pas du Maroc, de l'Arabie Saoudite, de la Jordanie, du Qatar et autres émirats du Golfe où les rois seraient, de droit divin**, propriétaires de tout : argent, biens et êtres humains.
En plus de soixante années d'indépendance sans souveraineté pour tous les peuples quel est le dirigeant, "élu" ou porté par un coup tordu à la tête de l'Etat, dans le monde arabe et maghrébin qui a suivi le noble exemple de Omar ben el Khottab ?
Je n'en connais qu'un seul qui ait essayé d'imposer les règles civiques que respectait Thatcher mais qui étaient héritées de Omar Ben el Khottab. Il a été très tôt et sauvagement assassiné dans le dos, en mondovision et sous les yeux d'une nuée de cadres et d'agents de sécurité qui furent spécialement mobilisés en ce jour pour préserver sa vie.
C'était Mohammed Boudiaf.
En six mois de présence à la tête de l'Etat il avait lancé un plan d'action qui dérangeait le sérail et ses enquêteurs commençaient à tomber l'un après l'autre. Il était lui-même visé de l'intérieur et de l'extérieur du palais (pas de l'étranger).
Selon des gens de bonne foi le gaspillage de l'intendance à la résidence présidentielle le sidérait. Il aurait très vite décidé de vivre en simple chef de famille en annulant les protocoles tape-à-l'oeil et onéreux.
Exemple de sagesse qui ne sera suivi par aucun dirigeant algérien, avant et après lui.
Je tiens à préciser que sur le plan de la politique étrangère j'ai détesté Margaret Thatcher autant que tous les décideurs des grandes puissances qui nous maintenaient sous le degré zéro de l'humanité en s'appuyant sur nos dictateurs qu'ils équipaient, finançaient et conseillaient pour étouffer nos rêves de liberté, de justice, de progrès.
Mais comment nier à la dame de fer et d'enfer des qualités que nous souhaitons être celles de tous les responsables africains, arabes, maghrébins, à tous les échelons de la hiérarchie militaire, administrative, culturelle, cultuelle, politique.
Car si cela avait été le cas nous n'aurions jamais eu des Ben Ali, des Moubarak, des Bachar, des Belkhadem, des Ouyahia, des Bouteflika qui vivent au dessus de leurs moyens sans sentir la misère matérielle et morale de l'écrasante majorité des citoyens.
Car si cela avait été le cas aucun citoyen africain, arabe, maghrébin ne serait assassiné par un soldat ou un policier seulement parce qu'il réclamerait un peu de liberté et un peu de justice.
Car si cela avait été le cas aucun dirigeant africain, arabe, maghrébin n'aurait fait du pays une propriété privée et du peuple son ennemi à écraser dès qu'il manifeste le désir de relever la tête ou de se mettre debout.
Ce n'est pas parce que j'ai détesté la politicienne Thatcher que je dois taire des qualités qui nous font rêver.
Elle travaillait pour l'intérêt de son pays.
A nous de travailler pour le nôtre si nous sommes des hommes et si nous voulons laisser en héritage aux générations futures des valeurs qui les rendrons fières d'appartenir à cette nation et leur donneront la volonté et le courage de s'engager pour réparer les conséquences de nos échecs et de nos petites et grandes lâchetés, de nos soumissions et de nos renoncements.
Quand un peuple aspire à la dignité, à la liberté, à la justice, au progrès, aucune force ne sera en mesure de lui barrer le chemin de la lumière.
Traduction libre du poème de Abou Kacem Chabi que nous chantions enfants pendant la guerre de libération.
Il est plus que jamais d'actualité.

Hocine Mahdi

Le 8 janvier 2011

*) Chronique publiée par El Moudjahid dans les années 1980

**) Les Imams de l'Arabie saoudite ne cessent d'en faire le prêche appelant les "sujets" de tout accepter du roi.

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