Amies lectrices, amis lecteurs,
Je devais écrire ce texte. Dans tout ce que je raconte et dans tout le mal que l'on m'a fait, deux hommes seulement m'intriguent : le directeur d'El Watan* Omar Belhouchet et le rédacteur en chef Fayçal Mettaoui que je respectais beaucoup en raison du harcèlement judiciaire qu'ils subissaient. Ils étaient en première ligne du combat pour la liberté d'expression et les droits de l'homme. Je ne pouvais croire qu'ils cautionneraient des mensonges en étouffant ma voix. Ils avaient refusé de publier mon droit de réponse. Ils avaient refusé de m'écouter. J'ai remis en main propre à Belhouchet, Mettaoui, Mancéron**, Fodil Boumala des documents qui prouvaient que Mohamed Harbi leur a menti. Presque tous les "grands" journaux et journalistes francophones avaient piétiné les règles déontologiques en étouffant ma voix mais rien ne m'a autant choqué que la complicité aveugle de Belhouchet et Mettaoui avec Mohamed Harbi. A ce jour (7 ans après) je me demande pourquoi des hommes aussi libres ont piétiné mon droit légal et moral à me défendre contre des accusations injustes.
Hocine Mahdi
*) El Watan, le Quotidien d'Oran, la Tribune, le Jeune Indépendant, Liberté ont tous reçu une copie de mon drooit de réponse.
**)Historien français et président de Reporter Sans Frontière
-----------------------------------------------------------------------------------------------
Parfois nous sommes coincer entre le désir d'exprimer une opinion qui va à contre courant des idées reçues et le devoir de recueillir des informations contrôlables qui se recoupent avec l'opinion que nous nous faisons sur une personnalité que tout le monde fait semblant d'oublier ou d'ignorer qu'elle a joué un rôle très important dans la confiscation de la souveraineté citoyenne, du détournement de la révolution et de la mise en place des règles d'opacité et de gouvernance archaïque du régime actuel. Régime de la pensée unique et de l'exclusion qui, derrière un discours généreux puis redondons, a constamment oeuvré pour vider l'être humain algérien de ses convictions, de son génie, de ses rêves pour en faire un tube digestif, un schizophrène, un perturbé, un psychopathe, un incivique qui n'est dérangé en rien de vivre au milieu de la saleté et ne se gène nullement de jeter ses ordures devant la porte et sous les fenêtres des voisins.
Nous avons commencé à nous poser des questions sur "l'éminent" historien Mohammed Harbi le jour où il avait commencé à dénoncer avec une extrême violence les persécutions, l'oppression, la torture, les assassinats politiques qui, selon lui, n'étaient devenus un système de gouvernance qu'après le coup d'Etat de 1965.
Première question :
Pourquoi l'intellectuel Mohammed Harbi n'a pas dénoncé les persécutions, l'oppression, la torture, les assassinats politiques quand Ben Bella était président de la république et lui était directeur du cabinet présidentiel, idéologue du FLN de 1962 à Juin 1965, éditorialiste de l'hebdomadaire Révolution Africaine et intervenait sur le quotidien El Moudjahid que la presse internationale qualifiait de voix officielle, c'est-à-dire d'instrument de propagande du Pouvoir symbolisé par le visage jovial d'Ahmed Ben Bella.
Naturellement nous avons fouillé dans les archives des périodiques et du quotidien El Moudjahid. Les éditoriaux sur Révolution Africaine et les déclarations de Mohamed Harbi reprises par les quotidiens nationaux ne sont que de lamentables écrits d'un propagandiste chevronné. Il avait la hantise du complot et de la main des puissances étrangères derrière la moindre critique contre le pouvoir en place. Tous les opposants politiques qui critiquaient Ben Bella étaient selon lui des comploteurs ou des agents des puissances étrangères.
C'était son langage.
Par conséquent les kidnapping, les disparitions, la torture, les internements dans les camps du Sud de triste mémoire, les assassinats politiques étaient pour protéger le pays, son gouvernement et son peuple.
Mohammed Harbi vivait à l'époque l'exaltante expérience d'un intellectuel de la bonne école parvenu au sommet du pouvoir d'où il voyait les choses sous le même angle que les propagandistes syriens voient aujourd'hui les manifestants que massacre sans pitié l'armée de Bachar le lion en papier hygiénique parce qu'ils revendiquent l'instauration d'un Etat de droit sans le président actuel, ni sa famille, ni ses généraux, ni ses ministres, ni ses chébiha, ni son parti baâth, ni ses députés qui ont bloqué la Syrie pendant soixante ans dans le statut de la propriété privée d'une tribu.
Ce n'est qu'une fois chassé du pouvoir par le coup d'Etat de 1965 que Mohammed Harbi s'est rendu compte soudainement que la torture, les enlèvements, l'internement, les assassinats politiques sont un mal absolu à dénoncer et à combattre mais de l'autre côté de la mer. Pour ne pas sentir le déplacement d'air que produit la matraque qui fracasse le crâne d'un opposant.
En découvrant soudainement, après sa chute du sommet de l'échelle, les vertus de la démocratie.
Les chroniqueurs, lecteurs, chercheurs qui auront la curiosité de lire ses éditoriaux et ses interventions dans la presse écrite de 1963 à 1965 pourront faire la comparaison avec ses écrits et ses virulentes déclarations après 1965. Ils seront sidérés par le virage en tête d'épingle que Mohammed Harbi avait négocié d'un jour à l'autre comme s'il avait réinventé le fil à couper le beurre. Mais pour passer du propagandiste dévoué d'une dictature à l'opposant sans concession il fallut qu'il goûtât une petite dose d'arbitraire et d'humiliation et surtout être chassé du Palais d'où il pouvait se permettre de ne voir que la partie émergée de l'iceberg et de défendre l'indéfendable.
Comment se fait il qu'un honnête intellectuel ait pu cautionner par ses silences, ses omissions, ses non-dits l'arbitraire du régime contre des patriotes de l'envergure de Mohammed Boudiaf par dizaines qui ne revendiquaient qu'une constituante, le pluralisme politique, l'élévation du sigle FLN au statut de patrimoine national, un Etat de droit, des élections réellement libres ? Ce que tous les peuples arabes revendiquent massivement et dans les rues, en se faisant assassiner par centaines depuis décembre 2010
Il est évident qu'en cette période très délicate de la construction de l'Etat algérien Mohammed Harbi ne travaillait pas au service du pays mais était engagé au service d'un homme ou d'un clan soit par loyauté soit par calcul politique. Car il était l'un des rares borgnes au milieu d'une tribu d'aveugles sur le plan intellectuel. Il était une bougie dans un tunnel en forme de serpentin. C'était cela le pouvoir de Ben Bella : quelques intellectuels et une nuée d'analphabètes qui géraient des postes de commandes stratégiques.
Mais plus grave encore.
Comment se fait il qu'un honnête intellectuel ait pu être la tête pensante, le bras droit, l'homme de confiance d'un politicien qui avait menacé de brûler l'Algérie si on ne lui donnerait pas le poste de premier président de la république algérienne indépendante, forçant le président du GPRA Benkhedda à se désister, à ne pas déposer sa candidature pour l'élection présidentielle ?
On disait et on dit toujours que Benyoucef Benkhedda avait pris une sage décision en démissionnant. C'était la seule manière d'épargner une guerre civile à la congolaise à notre pays où stationnait encore une partie de l'armée française. En ce moment là l'armée nationale populaire était divisée en deux blocs antagonistes : les planqués du Maroc contre les planqués de la Tunisie qui auraient préalablement liquidé les cadres militaires les plus en vue de l'intérieur avant 1962 (Abane Ramdane et autres).
Personnellement, à l'époque, rien et personne ne pouvaient m'enlever de l'esprit que Ben Bella était un produit du réseau Focard que le général De Gaulle avait chargé de sélectionner les futurs dictateurs africains avant d'accorder une indépendance fictive aux colonies françaises. Le concept de De Gaulle était que le pétrole et les richesses naturelles de l'Afrique doivent demeurer sous le contrôle de l'Elysée grâce à des Africains qui dirigeront leurs pays encadrés et protégés par l'armée et les services de sécurité français.
Il n'y a qu'à consulter les archives pour constater que ce sont les services français de propagande qui présentaient Ben Bella comme le chef de la révolution algérienne à chaque fois qu'ils évoquaient le sort des cinq captifs. En effet depuis le détournement de l'avion qui transportait Mohammed Boudiaf, Ait Ahmed, Ahmed Ben Bella et Mustapha Lacheraf du Maroc vers la Tunisie la presse française en Algérie et en France avait inventé un identifiant pour le groupe des prisonniers : - "Ben Bella et ses compagnons".
Ce n'était pas innocent.
La preuve :
En 1962 les petits peuples en Algérie et en France n'avait en mémoire que le nom de Ben Bella considéré comme le père de la révolution.
En 1992, quand Mohamed Boudiaf fut nommé chef de l'Etat, les Algériens âgés de 40 ans posaient une question saugrenue : qui est ce Boudiaf ? d'où sort-il ?
C'était la plus belle réussite de la propagande française avant l'indépendance.
Mais après l'indépendance ce sont Ben Bella et Boumédiene qui mettront tout en oeuvre pour que les révolutionnaires de la première heure soient effacés de notre mémoire et de l'histoire écrite pour nos écoliers et lycéens (les femmes et les hommes de demain).
Nous n'aurions jamais pris la liberté d'affirmer que le grand révolutionnaire doublé d'un "éminent" historien, l'icône Mohammed Harbi, ne travaillait pas pour le pays mais au service d'un homme.
Aujourd'hui nous le faisons parce que c'est lui même qui vient enfin de confirmer ce que tout le monde savait en livrant à l'opinion les secrets (de Polichinelle) de la promotion au sein de la sphère du pouvoir; des pouvoirs devrais-je dire. Nous étions au courant bien sûr mais quand une vérité aussi importante est dite publiquement par une éminence, qui a directement participé à la construction des fondations du régime actuel de la rente et de la médiocrité, nous sommes libérés de la crainte d'être injustement accusés de malveillance, de jalousie, d'aigris, d'écrivaillons en mal de publicité.
Voici les aveux de Mohammed Harbi :
Dans un entretien annoncé en gros et en gras comme un important évènement, en première page, par El Watan du 3 janvier 2012, intitulé "Nos gouvernants disent n'importe quoi" l'éminent historien révèle à l'opinion comment les jeunes loups diplômés comme lui montaient en grade. Il y a quarante ans cela aurait pu être un bon scoop. Aujourd'hui c'est du super réchauffé mais c'est bon à prendre.
-"Les critères de sélection du personnel sont ceux de la loyauté personnelle, de l'appartenance à une cour servile, de la soumission dénuée de sens critique. Ne parvenaient au sommet de la pyramide que des exécutants obéissants et autoritaires, d'où cette sélection à rebours responsable de la "médiocrité" progressive de ce qu'on appelle, à tort, la classe politique. Une classe où chaque niveau s'édifie sur la manipulation du niveau inférieur"-.
Peut-on être plus clair ?
A l'évidence non !
Avant et après l'indépendance le régime politique algérien a toujours fonctionné de la sorte. Les guerres intestines entre clans (voir l'histoire des trois B) avaient même failli étouffer les maquis de l'intérieur à cause de la mauvaise humeur de quelques personnalités.
Bien qu'il était l'un des rares intellectuels de bon niveau que comptait le sérail avant 1965 il serait d'une naïveté enfantine de croire que Mohammed Harbi ait pu échapper à cette règle immuable. Il ne se serait jamais retrouvé au sommet de la hiérarchie politique, dans le giron présidentiel immédiat, si lui même ne remplissait pas les conditions qu'il a dévoilées dans son entretien avec El Watan publié le 3 janvier 2012.
-"Appartenance à une cour servile... Soumission dénuée de sens critique..."-.
Ces critères s'appliquaient sans exception, y compris à son cas avant et après 1965.
Par exemple :
De 1963 à 1965 Mohammed Harbi savait absolument tout sur les enlèvements, la torture, l'internement dans les camps inhumains du Sud, les assassinats politiques. Il n'en parlait que pour critiquer les victimes de l'arbitraire. Il se ridiculisera dans une polémique contre Mohammed Boudiaf qui était enterré dans un camp hérité du système concentrationnaire colonial. D'autant plus que Ben Bella emprisonnait, torturait, assassinait et exilait tous les opposants qui s'obstinaient dans une position suicidaire en rejetant les propositions alléchantes que leur faisaient ses hommes de main : se retirer de la scène politique contre une généreuse dotation financière, des villas, des magasins, des usines etc.
Mohammed Harbi, l'homme debout d'aujourd'hui, était donc couché quand le régime sous Ben Bella ne torturait et n'assassinait que les patriotes sincères qui luttaient pacifiquement pour un Etat de droit dès les premières années de l'indépendance. Des femmes et des hommes qui sont restés debout jusqu'au bout malgré la torture, malgré l'internement, malgré les menaces de mort, malgré l'exil. Des femmes et des hommes qui n'ont jamais brouté aux râteliers du régime dictatorial de Ben Bella dans une période où Mohammed Harbi se complaisait dans les rôles du propagandiste debout à l'horizontal et des hommes à tout faire du dictateur.
Personne ne peut tricher avec l'Histoire. Mohammed Harbi moins que les autres parce que ses écrits de propagandiste sont aujourd'hui à la portée de tous ceux qui désirent vérifier.
Nous avons attendu près de cinquante ans pour lire enfin une petite vérité dite par l'éminent historien Mohammed Harbi dont les ouvrages sont truffés de non-dits.
Ce n'est qu'en répondant à un autre dinosaure comme lui qu'il a dégurgité un petit quelque chose des non-dits et nous a renseignés bien involontairement sur ses aptitudes à taire et à manipuler des vérités historiques que tôt ou tard révèleront des penseurs libres.
Sa polémique avec le ministre de l'intérieur Daho Ould Kablia ne nous apprend rien. Les deux hommes sont du même moule. Les deux antagonistes ne sont pas crédibles tant ils nous ont caché des vérités essentielles en près de 50 ans d'indépendance.
L'éminent historien, l'icône intouchable Mohammed Harbi s'est finalement démasqué.
Un rappel indispensable à la compréhension de cette chronique.
En 1987 il avait défendu le colonialisme français et le sionisme contre une dizaine de journalistes algériens et l'Eminent avocat anticolonialiste et antisioniste (mais pas antisémite) Jacques Vergès. Il avait adressé à Jean Daniel, éditorialiste et directeur du Nouvel Obs, une lettre co signée avec Hocine Ait Ahmed au titre d'anciens cadres de la révolution algérienne pour se démarquer des journalistes algériens. Notez que le démocrate Jean Daniel avait demandé au dictateur Chadli Bendjid de jeter en prison les insolents journalistes qui ne pensaient pas comme lui et comme le désiraient les lobbies sionistes. J'ai contribué au dossier d'Algérie Actualité par un article dont de larges extraits ont été repris par la presse française y compris le Monde.
Mohammed Harbi aurait gagné à être moins servile vis à vis du sionisme et du colonialisme français.
Sur ce point précis : à qui le génocide de Gaza a donné raison ?
Aux journalistes algériens et à Jacques Vergès.
A qui a donné raison la loi de Février 2005 magnifiant le colonialisme ?
Aux journalistes algériens et à Jacques Vergès.
En 2005 Mohammed Harbi a déclaré à El Watan que les fours à chaux d'Helliopolis et de Vilars, près de Guelma, n'ont servi qu'à incinérer des cadavres.
Pourquoi et d'où sont venus les cadavres ?
C'étaient des musulmans qui furent assassinés en Mai 1945 parce qu'ils étaient des musulmans (des bougnoules, des biques, des bicots).
Par qui ?
Par des soldats, des gendarmes, des policiers et des colons français.
Des centaines de musulmans qui furent hâtivement enterrés n'importe où ensuite ils furent déterrés et réduits en cendre dans des fours à chaux pour fausser une enquête d'une commission de parlementaires débarquée de Paris.
Pour notre éminent historien ce ne serait qu'un fait divers banal qui ne mérite pas la désignation de crime de guerre ou de crime contre l'humanité.
Malheureusement Mohammed Harbi n'est plus la seule "éminence" grise du pays qui relativise aujourd'hui les crimes du colonialisme pour préserver et renforcer les relations économiques franco algériennes et aider Nicolas Sarkozy à flatter l'égo de l'électorat "Algérie Française" que se dispute l'UMP et le FN de Marine Le Pen.
Hocine Mahdi
Le 1O janvier 2012
P.S.
Quand en 2005, en présence de son ami l'historien Merrouche Lemnouar et de mon ami Khelassi Abdelouhab* (un cousin de l'historien Khelassi), je lui avait posé des questions sur les sujets cités plus haut Mohammed Harbi avait lancé contre moi une pétition en France et en Algérie qui a été signée par des centaines d'intellectuels qui ne savaient rien mais avaient pris ses divagations pour paroles d'évangile ou coraniques. J'ai relevé des noms d'intellectuels honnêtes comme madame Badinter.
Ce rappel est important pour confirmer que ni l'historien Mohammed Harbi ni le ministre Daho Ould Kablia ne sont crédibles quand ils s'accusent mutuellement. Mais il est bon que des dinosaures se mordent la queue sur des sujets qui restent encore tabous chez nous. Comme celui des archives dont des milliers de documents ont disparu ou ont été sciemment détruits.
Oui nos gouvernants disent n'importe quoi.
Mohammed Harbi aussi dit n'importe quoi mais ses délires sont pris pour des vérités indiscutables par des professionnels de la presse que la déontologie contraint à être sans parti pris lorsque ils publient des interventions contestables. Le droit de réponse étant un bon instrument pour corriger les erreurs, les abus, les manipulations et la mauvaise foi.
Le 10 janvier 2012
*)
Ni journaliste ni photographe ne m'ont accompagné à la cafétéria de l'hôtel comme l'a écrit dans sa lettre Mohammed Harbi. Personne n'est monté à sa chambre pour l'agresser. La direction de l'hôtel aurait ameuté les services de sécurité et la pollice. En ces temps là les consignes de sécurité étaient d'une grande sévérité.