Sunday, March 16, 2008

Constantine / Journée nationale des handicapés «Mon frère me bat, mon père se délecte de ma douleur»



Constantine / Journée nationale des handicapés
«Mon frère me bat, mon père se délecte de ma douleur»
En m’installant dans un coin de la salle d’attente d’un service social de l’APC de Constantine, je me suis retrouvé témoin d’une discussion bouleversante. Témoin involontaire. Le hasard en a décidé ainsi. C’était jour de fête… Ce devait être un jour de fête en l’honneur de tous les handicapés d’Algérie. J’attendais un responsable pour en parler avec lui et recueillir quelques informations. Mais les propos que j’ai entendus sans le vouloir sont révélateurs de l’insuffisance des actions qui sont entreprises par les autorités locales et les associations en faveur de cette catégorie de citoyens.
La douleur n’est ni visible ni audible. Les souffrances morales sont insupportables d’autant plus qu’elles sont internes et pernicieuses à l’image d’un virus. La dignité de l’être humain exige de souffrir jusqu’à la limite, sans gémir, discrètement. Mais la peur également. Deux femmes handicapées étaient assises près de moi, l’une, une sexagénaire, l’autre, âgée entre 35 et 40 ans. La première écoutait. La plus jeune se confiait avec un grand dégoût pour la vie et pour les hommes. Elle avait le visage tuméfié, des bleus aux jambes et aux bras. Elle a parlé de bosses et de plaies à la tête. Témoin involontaire d’une souffrance indicible ma conscience ne me permet pas de garder le silence. Par contre, elle m’autorise à ne dire que l’essentiel, la discussion entre deux femmes qui semblaient avoir décidé de faire abstraction de ma présence mérite une halte.
- Il a 20 ans mon frère. Quand il me bat, mon père savoure le spectacle.
- Est-ce l’enfant de la deuxième épouse ?
- Non. Nous avons germé dans le même ventre.
- Pourquoi il vous bat ?
- Pour rien… Pourquoi mon père ne me protège pas ?
- C’est la question qui me tourmente. Je crois que je suis de trop à la maison. Je n’ai pas eu la chance de mourir… J’ai décidé d’aller vivre à Diar errahma, loin de Constantine… Mon père n’aura plus le plaisir de me voir me tortiller sous les coups de son fils. Les deux femmes sont des handicapées. Ma présence dans la salle était motivée par des obligations d’ordre professionnel. Cette bouleversante scène, brève mais très significative, nous oriente vers des questions auxquelles nous ne pensons pas parce qu’il ne nous viendra jamais à l’esprit l’idée qu’un jeune homme martyriserait sa sœur aînée handicapée avec le consentement de son père qui ressent du plaisir ou laisse faire. C’est trop monstrueux. Croire ou douter n’est pas le problème. Il y a tellement de choses inimaginables qui arrivent autour de nous. Ces confidences ont le mérite de mettre en exergue l’inexistence de cellules d’écoute et de soutien psychologique dans l’organigramme des services sociaux des APC et autres établissements qui sont chargés des problèmes des handicapés. Une femme qui est martyrisée au sein de sa famille ne se plaindra pas aux autorités, mais elle parlera facilement à des femmes qui sauront la rassurer, la soutenir et la protéger. Des cellules d’écoute sont aussi nécessaires que les centres de soins. Il y a tellement de souffrances cachées que nous ne soupçonnons pas !
Par Mehdi Hocine


14 mars à Constantine

Les handicapés en fête ?

En prélude à la célébration annuelle de la Journée des handicapés qui a eu lieu le 14 mars, la direction des affaires sociales n’a pas lésiné sur les moyens à l’effet de démontrer qu’elle est sensible aux problèmes des citoyens qui ont des besoins spécifiques. Conférence, spectacle musical, exposition, distribution de tricycles, de chaises roulantes, de diplômes et de nouvelles… promesses qui s’ajoutent à celles qui ont été faites l’année dernière à la même occasion et à la même tribune et qui sont restées des… promesses. A ce propos, la fête organisée hier au centre culturel Malek-Haddad a brillé par le boycott des non-voyants. «Ne pas servir d’alibi au gaspillage des deniers publics fait en leurs noms… Eux qui ne perçoivent que 1 000 DA par mois, malgré l’engagement du ministre, Djamel Ould Abbas, de revaloriser leur pension et celle des malades chroniques non salariés. Engagement pris en 2006 et 2007». Les non-voyants posent une question pertinente : «Quel sens donner à la célébration d’une Journée des handicapés si les conditions de vie se détériorent de jour en jour, malgré les dépenses assez conséquentes consenties par l’Etat ?» Les fêtes et les réceptions dévorent une bonne partie du budget qui devrait être entièrement consacré aux équipements et à une réelle assistance aux plus démunis. Le versement d’une pension mensuelle de mille dinars étant considéré comme une insulte à la dignité humaine. Nous retenons de cette manifestation les efforts des techniciens de l’Office de fabrication d’appareillage pour handicapés. Ils enregistrent une très forte demande en bras et jambes artificiels. Pour le reste, à parler franchement, c’est une «zerda» où ne se régaleront que les opportunistes. Comme toujours.
Mehdi Hocine


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