HISTOIRE
En 1947, des parlementaires algériens dénonçaient le colonialisme
Coup de théâtre au palais Bourbon
Des parlementaires algériens rêvaient de voir l’Algérie rattachée définitivement à la France qu’ils avaient servie corps et âme. Ils aimaient la France mais ils semblent se rendre compte que les colons européens, chrétiens et juifs, sont les forces productives sur lesquels s’appuie la République française pour asseoir définitivement sa domination sur le pays. Le système des deux collèges était une réplique de l’apartheid.
Par Mahdi Hocine
En 1947, des parlementaires algériens dénonçaient le colonialisme
Coup de théâtre au palais Bourbon
Des parlementaires algériens rêvaient de voir l’Algérie rattachée définitivement à la France qu’ils avaient servie corps et âme. Ils aimaient la France mais ils semblent se rendre compte que les colons européens, chrétiens et juifs, sont les forces productives sur lesquels s’appuie la République française pour asseoir définitivement sa domination sur le pays. Le système des deux collèges était une réplique de l’apartheid.
Par Mahdi Hocine
En 1947, la population algérienne était composée de huit millions d’autochtones de deux cents mille Français et de huit cents mille Européens de diverses nationalités (surtout des Italiens et des Espagnols). Le premier collège regroupait les Européens et quelques autochtones qui ont démontré leur amour pour la France. Le second collège rassemblait les autochtones. C’était un peu le tri hitlérien entre la race supérieure. La voix d’un Européen vaut celles de dix électeurs autochtones à tous les votes organisés en Algérie sous le régime colonial. Et c’était là la moindre des ségrégations.
M. Bentaleb était soldat, gendarme, caïd, conseiller général et enfin parlementaire, successivement. Une belle carrière en somme d’un Algérien promu au premier collège. Que lui est-il arrivé pour que, malgré tous les privilèges dont il bénéficiait, il ait tenu un langage vraiment révolutionnaire à l’époque ?
C’était en 1947, au palais Bourbon, au cours du débat sur le statut organique de l’Algérie.
Surprenant ! Le caîd Bentaleb a tenu presque le même langage revendicatif que les indépendantistes Lamine Débaghine et le groupe représentant Massali El Hadj, mettant à nu le système colonial et ses injustices, dénonçant le racisme, l’absence de démocratie et d’égalité des droits et des devoirs des citoyens en Algérie où les autochtones étaient tenus à l’écart de tout.
Nous croyons qu’un élément très fort a brutalement éveillé les consciences aussi bien chez les Algériens qui se croyaient totalement intégrés en qualité de citoyens français que chez un petit nombre d' Européens qui se mettront à combattre la ségragation sans remettre en cause le système colonial, à l'exemple d'Albert Camus.
Nous croyons qu’un élément très fort a brutalement éveillé les consciences aussi bien chez les Algériens qui se croyaient totalement intégrés en qualité de citoyens français que chez un petit nombre d' Européens qui se mettront à combattre la ségragation sans remettre en cause le système colonial, à l'exemple d'Albert Camus.
Ce sont les massacres du 8 mai 1945 et les discriminations qui ont fait apparaître le visage hideux du colonialisme.
Au moment où M. Edouard Herriot invite à la tribune le député assimilationniste algérien, M. Bentaleb, les ultras de l’Algérie française rigolent entre eux. Un caïd à leurs yeux, c’est un béni oui-oui, toujours au garde-à-vous, qui tient le langage que lui dictent ses maîtres. Il est payé pour dire "vive la France, que sa mère patrie c'est la France" et il le dira.
Mais cette fois ci, d’entrée, l'intervention du Caïd sentira le soufre et apportera de l’eau au moulin des anticolonialistes. Un réquisitoire inattendu prononcé d’une voix mesurée. Du fiel, de bout en bout, qui emplira le palais Bourbon d’une atmosphère de malaise.
«…l’Algérie est française et musulmane : quand vous parlez de l’Algérie française vous vexez les uns et les autres. Vous créez des divisions lorsque vous dites l’Algérie française ! Est-il besoin de crier si fort que l’Algérie est française. Personne n’a jamais dit le contraire. Vous savez, je ne suis ni messaliste ni partisan des amis du Manifeste. Je suis un fellah, un pur musulman, digne de ce nom, digne de ma race et qui aime la France…
Depuis cent ans, bien que nous représentions plus des trois cinquièmes de la population, nous sommes traités en inférieurs. Pourquoi avoir réservé la construction de routes goudronnées et d’écoles aux seuls centres de colonisation et n’avoir rien fait dans les tribus, dans les douars où nos populations sont totalement dépourvues d’instruction et ne connaissant pas cette belle langue française, cette belle culture, cette belle civilisation française qui fait notre administration.
J’ai eu l’honneur de recevoir chez moi quatre députés, des membres du MRF et des communistes. Je leur ai montré que je n’exagère pas et je leur ai fait toucher du doigt la réalité : nos enfants nus, nos femmes dans l’impossibilité de se soigner et accouchent dans les plus pénibles conditions, nos vieillards sont sous alimentés. 90 pour cent des enfants musulmans n’ont jamais mangé de viande, sont nus et sans chaussures, n’ont jamais dormi sur un matelas.
L’assemblée doit connaître toutes ces choses, il faut la mettre en face de la réalité.
Chez nous, il n’existe pas d’école. Trois milliers d’enfants âgés de sept à dix huit ans sont privés de toute instruction. Je peux prouver qu’un million d’enfants sont sans scolarité.
C’est une honte pour nous de penser que trois millions d’enfants sont sans instruction. Il est en outre déplorable que quinze à vingt personnes couchent dans un gourbi, entassées comme des moutons les unes sur les autres, sans hygiène.
L’année dernière nous avons perdu 15 à 25 pour cent de nos chefs de famille âgés de trente à quarante cinq ans. Ils ont laissé derrière eux un grand nombre d’orphelins. La plupart sont morts de paludisme sans qu’aucun secours ne leur ait été apporté. Il n’y a même pas des baraques pour servir de dispensaires dans nos campagnes et où l’on aurait permis de sauver quelques vies.
Il n’y a pas d’eau non plus, tout juste pour boire, pas du tout pour les soins hygiéniques. Dans les tribus lointaines du sud, les musulmans sont obligés de faire des étapes de vingt à trente kilomètres pour chercher de l’eau. S’ils peuvent en ramener une vingtaine de litres, ils la conservent précieusement pour l’alimentation et ne s’en servent pas pour se laver.
Au nom de toutes ses populations dont l’état de misère est effroyable et dont le loyalisme à la France est absolu, je déclare à l’assemblée qu’il y a une œuvre urgente à accomplir en Algérie. L’équipement sanitaire est à faire, la scolarisation à développer, le téléphone à installer, l’habitat à améliorer.
C’est bien de proclamer que l’Algérie est française mais il vaudrait mieux lui apporter tout de suite les améliorations indispensables.
L’Algérie en est encore au stade de 1830.
Chaque fois que l’Allemagne a attaqué la France, celle-ci a procédé à la mobilisation générale et chaque fois les musulmans ont répondu à son appel et, avec l’aide de Dieu, ce déploiement de forces a connu le succès.
Monsieur Serre (un député de France élu par les colons sur une liste d’Oran), a fait toute à l’heure un réquisitoire très sévère. Il a demandé que 200 000 européens viennent s’installer en Algérie. Mais est-ce que vous êtes capables de nourrir d’abord les 8 000 000 de musulmans ?
Mais ne pensez-vous pas qu’il serait préférable de commencer par améliorer la situation des huit millions de musulmans qui y vivent déjà ?»
M. Bentaleb s’adresse à M. Serre
«D’après vos déclarations vous acceptez les Espagnols, les Italiens, les Maltais, les Grecs et les Israélites et vous n’acceptez pas les Musulmans.
En 1870, vous avez accepté de donner la citoyenneté française aux israélites. Vous l’avez ensuite accorder à des Maltais et à des Italiens… Vous ne pouvez plus alors parler de démocratie.. Vous avez voté, en 1946, une loi prévoyant que les (Algériens) titulaires du certificat d’études et les anciens combattants seraient (deviendraient) citoyens (français).
Si vous reniez cette loi qui a été votée dans une assemblée souveraine nous considérons ce geste comme un acte de racisme.
Vous ne pouvez plus alors parler de démocratie si vous rejetez tout ce que vous avez promis (aux Algériens) vous agissez comme les hitlériens.
La force n’est ni dans la bombe atomique ni dans les armes. Elle est dans la pensée et dans la volonté de chacun…
Le monde entier a détesté Hitler lorsqu’il a traité les petits peuples en races inférieures.
Qu’a fait Hitler ? Il se croyait le plus puissant du monde, le plus grand ingénieur. Il a voulu tout dominer, tout écraser. Raciste dans l’âme. Il a déshonoré les petites peuples. Il a même refusé de leur donner le droit de parler. Il a renié sa signature.
Et vous (la France) voudriez en faire autant ?
Vous demandez à la France de rétracter, de répudier ses engagements en abrogeant l’ordonnance du 7 mars 1944 et la loi du 5 octobre 1946, loi qui admettait dans le premier collège les jeunes musulmans titulaires du certificat d’études primaires ou ceux qui avaient le titre d’ancien combattant, les fils des mutilés, les unijambistes, les gueules cassées, les aveugles de guerres.
Rendez-nous nos morts, rendez leurs membres à ceux qui les ont perdus, rendez la vue à ceux qui l’ont perdue sur le champ de bataille des ennemis de la France et nous vous ferons cadeau du statut de l’Algérie.
M. Serre, si vous êtes capable de nous rendre nos morts, nous vous ferons cadeau du statut de l’Algérie mais tout ceci est de l’utopie et vous ne le pouvez pas.
Nous avons mélangé notre sang avec celui des vôtres. Des soldats musulmans ont porté sur leurs dos des officiers français qui étaient restés étendus sur les champs de bataille ennemis.
Vous n’avez pas le droit de refuser ce que vous avez promis à ces anciens combattants, aux hommes de cette race glorieuse et courageuse. Car notre sang s’est mêlé à votre sang. Nous avons combattu côte à côte et vous ne pouvez nous chasser.
Vous ne pouvez nous chasser de vos rangs. Vous ne pouvez pas, contre nous, vous servir de la bombe atomique, ni des armes secrètes, ni de la menace.
Toute notre vie nous avons crié et nous crierons : vive la France !
Nous regrettons les positions de nos collègues qui font des promesses et se rétractent, qui votent des lois et ne les appliquent pas.
Au moment où M. Edouard Herriot invite à la tribune le député assimilationniste algérien, M. Bentaleb, les ultras de l’Algérie française rigolent entre eux. Un caïd à leurs yeux, c’est un béni oui-oui, toujours au garde-à-vous, qui tient le langage que lui dictent ses maîtres. Il est payé pour dire "vive la France, que sa mère patrie c'est la France" et il le dira.
Mais cette fois ci, d’entrée, l'intervention du Caïd sentira le soufre et apportera de l’eau au moulin des anticolonialistes. Un réquisitoire inattendu prononcé d’une voix mesurée. Du fiel, de bout en bout, qui emplira le palais Bourbon d’une atmosphère de malaise.
«…l’Algérie est française et musulmane : quand vous parlez de l’Algérie française vous vexez les uns et les autres. Vous créez des divisions lorsque vous dites l’Algérie française ! Est-il besoin de crier si fort que l’Algérie est française. Personne n’a jamais dit le contraire. Vous savez, je ne suis ni messaliste ni partisan des amis du Manifeste. Je suis un fellah, un pur musulman, digne de ce nom, digne de ma race et qui aime la France…
Depuis cent ans, bien que nous représentions plus des trois cinquièmes de la population, nous sommes traités en inférieurs. Pourquoi avoir réservé la construction de routes goudronnées et d’écoles aux seuls centres de colonisation et n’avoir rien fait dans les tribus, dans les douars où nos populations sont totalement dépourvues d’instruction et ne connaissant pas cette belle langue française, cette belle culture, cette belle civilisation française qui fait notre administration.
J’ai eu l’honneur de recevoir chez moi quatre députés, des membres du MRF et des communistes. Je leur ai montré que je n’exagère pas et je leur ai fait toucher du doigt la réalité : nos enfants nus, nos femmes dans l’impossibilité de se soigner et accouchent dans les plus pénibles conditions, nos vieillards sont sous alimentés. 90 pour cent des enfants musulmans n’ont jamais mangé de viande, sont nus et sans chaussures, n’ont jamais dormi sur un matelas.
L’assemblée doit connaître toutes ces choses, il faut la mettre en face de la réalité.
Chez nous, il n’existe pas d’école. Trois milliers d’enfants âgés de sept à dix huit ans sont privés de toute instruction. Je peux prouver qu’un million d’enfants sont sans scolarité.
C’est une honte pour nous de penser que trois millions d’enfants sont sans instruction. Il est en outre déplorable que quinze à vingt personnes couchent dans un gourbi, entassées comme des moutons les unes sur les autres, sans hygiène.
L’année dernière nous avons perdu 15 à 25 pour cent de nos chefs de famille âgés de trente à quarante cinq ans. Ils ont laissé derrière eux un grand nombre d’orphelins. La plupart sont morts de paludisme sans qu’aucun secours ne leur ait été apporté. Il n’y a même pas des baraques pour servir de dispensaires dans nos campagnes et où l’on aurait permis de sauver quelques vies.
Il n’y a pas d’eau non plus, tout juste pour boire, pas du tout pour les soins hygiéniques. Dans les tribus lointaines du sud, les musulmans sont obligés de faire des étapes de vingt à trente kilomètres pour chercher de l’eau. S’ils peuvent en ramener une vingtaine de litres, ils la conservent précieusement pour l’alimentation et ne s’en servent pas pour se laver.
Au nom de toutes ses populations dont l’état de misère est effroyable et dont le loyalisme à la France est absolu, je déclare à l’assemblée qu’il y a une œuvre urgente à accomplir en Algérie. L’équipement sanitaire est à faire, la scolarisation à développer, le téléphone à installer, l’habitat à améliorer.
C’est bien de proclamer que l’Algérie est française mais il vaudrait mieux lui apporter tout de suite les améliorations indispensables.
L’Algérie en est encore au stade de 1830.
Chaque fois que l’Allemagne a attaqué la France, celle-ci a procédé à la mobilisation générale et chaque fois les musulmans ont répondu à son appel et, avec l’aide de Dieu, ce déploiement de forces a connu le succès.
Monsieur Serre (un député de France élu par les colons sur une liste d’Oran), a fait toute à l’heure un réquisitoire très sévère. Il a demandé que 200 000 européens viennent s’installer en Algérie. Mais est-ce que vous êtes capables de nourrir d’abord les 8 000 000 de musulmans ?
Mais ne pensez-vous pas qu’il serait préférable de commencer par améliorer la situation des huit millions de musulmans qui y vivent déjà ?»
M. Bentaleb s’adresse à M. Serre
«D’après vos déclarations vous acceptez les Espagnols, les Italiens, les Maltais, les Grecs et les Israélites et vous n’acceptez pas les Musulmans.
En 1870, vous avez accepté de donner la citoyenneté française aux israélites. Vous l’avez ensuite accorder à des Maltais et à des Italiens… Vous ne pouvez plus alors parler de démocratie.. Vous avez voté, en 1946, une loi prévoyant que les (Algériens) titulaires du certificat d’études et les anciens combattants seraient (deviendraient) citoyens (français).
Si vous reniez cette loi qui a été votée dans une assemblée souveraine nous considérons ce geste comme un acte de racisme.
Vous ne pouvez plus alors parler de démocratie si vous rejetez tout ce que vous avez promis (aux Algériens) vous agissez comme les hitlériens.
La force n’est ni dans la bombe atomique ni dans les armes. Elle est dans la pensée et dans la volonté de chacun…
Le monde entier a détesté Hitler lorsqu’il a traité les petits peuples en races inférieures.
Qu’a fait Hitler ? Il se croyait le plus puissant du monde, le plus grand ingénieur. Il a voulu tout dominer, tout écraser. Raciste dans l’âme. Il a déshonoré les petites peuples. Il a même refusé de leur donner le droit de parler. Il a renié sa signature.
Et vous (la France) voudriez en faire autant ?
Vous demandez à la France de rétracter, de répudier ses engagements en abrogeant l’ordonnance du 7 mars 1944 et la loi du 5 octobre 1946, loi qui admettait dans le premier collège les jeunes musulmans titulaires du certificat d’études primaires ou ceux qui avaient le titre d’ancien combattant, les fils des mutilés, les unijambistes, les gueules cassées, les aveugles de guerres.
Rendez-nous nos morts, rendez leurs membres à ceux qui les ont perdus, rendez la vue à ceux qui l’ont perdue sur le champ de bataille des ennemis de la France et nous vous ferons cadeau du statut de l’Algérie.
M. Serre, si vous êtes capable de nous rendre nos morts, nous vous ferons cadeau du statut de l’Algérie mais tout ceci est de l’utopie et vous ne le pouvez pas.
Nous avons mélangé notre sang avec celui des vôtres. Des soldats musulmans ont porté sur leurs dos des officiers français qui étaient restés étendus sur les champs de bataille ennemis.
Vous n’avez pas le droit de refuser ce que vous avez promis à ces anciens combattants, aux hommes de cette race glorieuse et courageuse. Car notre sang s’est mêlé à votre sang. Nous avons combattu côte à côte et vous ne pouvez nous chasser.
Vous ne pouvez nous chasser de vos rangs. Vous ne pouvez pas, contre nous, vous servir de la bombe atomique, ni des armes secrètes, ni de la menace.
Toute notre vie nous avons crié et nous crierons : vive la France !
Nous regrettons les positions de nos collègues qui font des promesses et se rétractent, qui votent des lois et ne les appliquent pas.
Ils font comme Hitler.
Ils ne nous donnent même pas la parole.
Vous ne pouvez pas dédaigner notre race… Nous voulons être aux côtés de la France et sous sa protection…
Or, vous ne pouvez vraiment considérer que les voix de dix musulmans (autochtones) valent la voix d’un Français, un Maltais ou un Italien.
Or, vous ne pouvez vraiment considérer que les voix de dix musulmans (autochtones) valent la voix d’un Français, un Maltais ou un Italien.
Nous musulmans, nous nous y refusons catégoriquement».
M. Serre interrompt l’orateur en piétinant l’usage qui veut que l’autorisation d’intervenir soit demandée au président de la séance ou à l’orateur.
«Il n’y a aucun étranger dans le premier collège. Il n’y a que des citoyens français»
M. Bentaleb rétorque avec agacement !
«Cela c’est la démagogie ! Vous n’êtes ni dans la logique ni dans la vérité…
M. Bentaleb marque un arrêt de quelques secondes puis sa voix gronde.
«C’est à la fois la colère et le dépit d’un homme qui a cru en la France et qui découvre soudain que la France voulait bien tout lui donner sauf en faire un citoyen de plein droit comme elle l’avait fait pour des Maltais, des Espagnols, des Italiens, des Polonais, des Allemands, des Belges, juifs et chrétiens, installés de fraîche date en terre algérienne pour occuper d’immenses territoires dont les propriétaires ont été soit exterminés, soit déportés, soit poussés vers l’exil au Moyen-Orient soit asservis dans leurs propriétés».
M. Serre interrompt l’orateur en piétinant l’usage qui veut que l’autorisation d’intervenir soit demandée au président de la séance ou à l’orateur.
«Il n’y a aucun étranger dans le premier collège. Il n’y a que des citoyens français»
M. Bentaleb rétorque avec agacement !
«Cela c’est la démagogie ! Vous n’êtes ni dans la logique ni dans la vérité…
M. Bentaleb marque un arrêt de quelques secondes puis sa voix gronde.
«C’est à la fois la colère et le dépit d’un homme qui a cru en la France et qui découvre soudain que la France voulait bien tout lui donner sauf en faire un citoyen de plein droit comme elle l’avait fait pour des Maltais, des Espagnols, des Italiens, des Polonais, des Allemands, des Belges, juifs et chrétiens, installés de fraîche date en terre algérienne pour occuper d’immenses territoires dont les propriétaires ont été soit exterminés, soit déportés, soit poussés vers l’exil au Moyen-Orient soit asservis dans leurs propriétés».
«Mon esprit se révolte quand je vois que mon fils, qui a le certificat d’études, ne vote pas avec moi. Mon fils s’est assis sur les mêmes bancs que ses frères français et aujourd’hui ses frères français vont voter dans un collège et lui dans un collège différent installé dans un wagon à bestiaux !
… Si vraiment il existe une démocratie, une égalité, une fraternité – et j’emploie ces termes dans leurs sens plein et véritables – sans malentendu, sans erreur, sans chantage ni pression d’aucune sorte. Vous ne pouvez pas admettre cette situation. Et logiquement mon esprit se révolte lorsque je vois toutes ces races admises dans le collège français avant les musulmans.
…Tant qu’il y aura deux collèges, tels que certains voudraient les concevoir, je me refuse à proclamer l’Algérie française. Je parlerai d’Algérie musulmane avec 20% d’autres races parmi lesquelles une petite minorité de Français.
…Voilà ! Réfléchissez et la justice de Dieu triomphera. Et un jour vous n’aurez rien à regretter. Car ce n’est pas avec la force des armes ni avec les bombes atomiques que les peuples peuvent vivre d’accord. La raison et l’honneur doivent nous servir de guides pour gagner la paix et écarter la guerre…»
En 1947, au palais Bourbon à Paris, un député algérien avait donc conseillé à l’Etat français de ne pas user de la répression, de la discrimination et de l’injustice contre les autochtones pour gagner la paix et écarter la guerre.
… Si vraiment il existe une démocratie, une égalité, une fraternité – et j’emploie ces termes dans leurs sens plein et véritables – sans malentendu, sans erreur, sans chantage ni pression d’aucune sorte. Vous ne pouvez pas admettre cette situation. Et logiquement mon esprit se révolte lorsque je vois toutes ces races admises dans le collège français avant les musulmans.
…Tant qu’il y aura deux collèges, tels que certains voudraient les concevoir, je me refuse à proclamer l’Algérie française. Je parlerai d’Algérie musulmane avec 20% d’autres races parmi lesquelles une petite minorité de Français.
…Voilà ! Réfléchissez et la justice de Dieu triomphera. Et un jour vous n’aurez rien à regretter. Car ce n’est pas avec la force des armes ni avec les bombes atomiques que les peuples peuvent vivre d’accord. La raison et l’honneur doivent nous servir de guides pour gagner la paix et écarter la guerre…»
En 1947, au palais Bourbon à Paris, un député algérien avait donc conseillé à l’Etat français de ne pas user de la répression, de la discrimination et de l’injustice contre les autochtones pour gagner la paix et écarter la guerre.
Venant d’un «coopté» de l’administration, repu, bénéficiant de très larges privilèges pour son dévouement à la «mère patrie» la France, le mot guerre a jeté un froid glacial dans l’amphi. Les parlementaires et les ministres français habitués aux courbettes des béni-oui-oui de service, ont accusé le coup. Par son intervention d’une rare lucidité et d’un rare courage. M. Bentaleb a eu le mérite de tenir un langage franc appuyé par des preuves indiscutables alors que son rôle dans l’hémicycle était de magnifier les «bienfaits» du colonialisme en Algérie. Il n’avait pas revendiqué l’indépendance mais il avait laissé entendre qu’il prendrait les armes contre sa «mère patrie» la France, si elle, s’entêterait à maintenir les mesures d’exclusion qui frappaient les autochtones :
- «Ce n’est pas avec la force des armes ni avec les bombes atomiques que les peuples peuvent vivre d’accord. La raison et l’honneur doivent nous servir de guides pour gagner la paix et écarter la guerre».
M. Bentaleb avait basculé ce jour-là dans le mouvement des indépendantistes sans s’en rendre compte.
Les sieurs Nicolas Sarkozy et Douste Blazy n'ont pas eu l’intelligence d’analyser le cri de révolte du député algérien, dont le fils votait et voyageait dans un wagon à bestiaux, réservé exclusivement aux autochtones, des sous-humains des sous-citoyens.
- «Ce n’est pas avec la force des armes ni avec les bombes atomiques que les peuples peuvent vivre d’accord. La raison et l’honneur doivent nous servir de guides pour gagner la paix et écarter la guerre».
M. Bentaleb avait basculé ce jour-là dans le mouvement des indépendantistes sans s’en rendre compte.
Les sieurs Nicolas Sarkozy et Douste Blazy n'ont pas eu l’intelligence d’analyser le cri de révolte du député algérien, dont le fils votait et voyageait dans un wagon à bestiaux, réservé exclusivement aux autochtones, des sous-humains des sous-citoyens.
Dix voix d’Algériens ne valent qu’une seule voix d’un électeur français ou français d’adoption importé d’Europe pour piller les richesses du peuple algérien. Trois millions d'enfants algériens étaient interdis de scolarité, pas de centre de santé, pas de route, pas de logements décents, pas d'eau, pas de travail pour les Algériens
Plus d’un siècle après l’invasion et l'occupation.
Plus d’un siècle après l’invasion et l'occupation.
Quelle belle image, en 1947, du colonialisme positif de Nicolas Sarkozy et les nostalgiques qu'il courtisait en 2005.
Et ils ont l’indécence de continuer de parler en 2012 d’effet positif et de nier les génocides du système colonial en Algérie et partout où il a sévi.
Oui, le colonialisme a été positif pour les envahisseurs et les colons importés de toute l'Europe qui ont remis en esclavage les Algériens sur leurs propres lopins de terre.
C’est au tour d’un député français de France de prendre la parole. Il avait entrepris un voyage d’études en prévision du débat sur le projet du statut organique de l’Algérie. C’était une véritable enquête sur le terrain, son rapport est accablant. Il se résume en une phrase. Le système colonial est un crime contre l’humanité.
En 1947 le député, M. André Marty réclame la fin du colonialisme qui est contraction avec tous les principes républicains de 1789, selon lui.
Ecoutons le parler de ce qu’il a vu en 1947 en Algérie :
- «Ce qui frappe le visiteur qui arrive en Algérie, c’est la misère épouvantable qui étreint la grande majorité de la population. Sur toutes les routes, on rencontre les travailleurs, leurs femmes, leurs enfants misérables, pieds nus, grelottant l’hiver sous des vêtements en loques et une enfance à peine vêtue de hardes. Les logements sont en terre battue, dans lesquels sont entassés des familles de 8, 10 et 12 enfants. Autour des villes, on trouve ce que l’on appelle les bidonvilles, c’est-à-dire des baraques bâties avec des boîtes de conserves, des toiles de sacs et des morceaux de planche, sans eau, sans égouts.
Naturellement, la tuberculose, la typhoïde, les maladies contagieuses font des ravages effroyables. Quand au trachome, les quelques médecins ophtalmologistes qui vivent en Algérie ne connaissent jamais de repos ; de 5 heures du matin à 10 heures du soir, ce sont des files interminables d’aveugles qui s’allongent devant leur porte.
Dans les grandes villes, l’eau manque. Oran en est toujours à l’eau salée ; en six ans, il n’a pas encore été possible d’y amener de l’eau douce.
Pour les fellahs, pas de maisons, pas de routes, pas d’assistance sociale.
Quant aux ouvriers des villes, les lois françaises ne leur sont applicables que dans les conditions spéciales et on trouve, par exemple, des mineurs comme ceux de Ouled Amar, qui sont obligés pour se rendre à leur travail, de faire dix kilomètres à pied matin et soir et de traverser une rivière à gué et, quand elle est en crue, à la nage.
Or, tout près de la mine, on trouve des maisonnettes inhabitées, mais qui ne sont pas réservées aux musulmans. Quant aux salaires, le tarif syndical serait de 210 francs, mais les ouvriers touchent 141 francs et personne ne les protège.
Si nous passons à l’enseignement, point n’est besoin de beaucoup insister. On l’a dit, plus d’un million d’enfants musulmans ne savent ni lire ni écrire. Le bénéfice de l’éducation est donné à peu près à 153 000 enfants. On comprend les conséquences, d’un tel état des choses.
Le voyageur qui traverse Alger, pour ne pas aller plus loin, est assailli d’essaims d’enfants en loques qui mendient et se battent pour un morceau de pain.
Quant aux hommes, c’est la ruée vers les navires pour venir en France de manière à gagner un peu d’argent pour en envoyer à leurs familles.
Un peuple qui s’expatrie, qui abandonne sa famille pour gagner de l’argent est un peuple malheureux.
Nous avons vu, nous Français qui avons été amenés par les circonstances à passer quelques temps en Algérie, des malheureux qui vont, tous les matins, fouiller dans les poubelles pour trouver à manger. Alors que, dans les mêmes rues, le soir, s’étale le luxe le plus scandaleux qu’on ait jamais vu.
Rue d’Isly, rue Michelet, les magasins sont archi-pleins depuis un an et demi, mieux garnis que les magasins même de Paris. Ils sont éclairés au néon. Tout ce qu’on désire, on peut l’obtenir en vente libre…
On, comprend très bien, alors, la raison de la misère de la population algérienne.
Comment s’étonner que dans de telles conditions les populations algériennes soient soulevées d’un mécontentement profond et d’une juste aspiration à une vie digne d’être vécue ?
D’autant plus qu’on leur a promis cette vie durant la grande guerre contre le fascisme allemand et pour la liberté à laquelle ils ont participé et qu’ils ont vu en Europe, au cours de la guerre, d’autres peuples, d’autres modes de vie.
Par conséquent, il faut déterminer les causes d’une telle situation et les remèdes à y apporter. Je le ferai naturellement très brièvement pour ne pas abuser des instants de l’assemblée.
Le problème, vos le comprenez bien est de nourrir, de vêtir, de loger, de soigner, d’instruire, d’élever ce peuple …
Or, depuis la guerre, le niveau de vie des populations algériennes est allé s’amenuisant. Les récoltes sont insuffisantes, les ressources industrielles locales le sont également. Cela indique l’ampleur du problème à résoudre.
Dans sa conférence de presse du 28 mai 1946 M. le gouverneur général de l’Algérie a déclaré :
- En 1871, chaque habitant de l’Algérie, disposait de cinq quintaux (de blé) par an.
En 1900, il ne disposait que de quatre quintaux
En 1940, il ne disposait que de deux quintaux et demi
Aujourd’hui, avec une bonne récolte, il n’a plus que deux quintaux pour se nourrir (en 1947).
Voilà, pourquoi il y a la famine en Algérie.
A cause de la distribution des terres. Une drôle de distribution… Les uns ont des domaines immenses qui équivalent à cinq ou six départements français, les autres ont des mauvais lopins de terre… On cultive la vigne et aussi ce qu’on appelle les agrumes, mais pour l’exportation… on a pas assez de céréales, pas assez de blé et la population meurt de faim….
Voilà, le propre de la colonisation.
Oui, le colonialisme a été positif pour les envahisseurs et les colons importés de toute l'Europe qui ont remis en esclavage les Algériens sur leurs propres lopins de terre.
C’est au tour d’un député français de France de prendre la parole. Il avait entrepris un voyage d’études en prévision du débat sur le projet du statut organique de l’Algérie. C’était une véritable enquête sur le terrain, son rapport est accablant. Il se résume en une phrase. Le système colonial est un crime contre l’humanité.
En 1947 le député, M. André Marty réclame la fin du colonialisme qui est contraction avec tous les principes républicains de 1789, selon lui.
Ecoutons le parler de ce qu’il a vu en 1947 en Algérie :
- «Ce qui frappe le visiteur qui arrive en Algérie, c’est la misère épouvantable qui étreint la grande majorité de la population. Sur toutes les routes, on rencontre les travailleurs, leurs femmes, leurs enfants misérables, pieds nus, grelottant l’hiver sous des vêtements en loques et une enfance à peine vêtue de hardes. Les logements sont en terre battue, dans lesquels sont entassés des familles de 8, 10 et 12 enfants. Autour des villes, on trouve ce que l’on appelle les bidonvilles, c’est-à-dire des baraques bâties avec des boîtes de conserves, des toiles de sacs et des morceaux de planche, sans eau, sans égouts.
Naturellement, la tuberculose, la typhoïde, les maladies contagieuses font des ravages effroyables. Quand au trachome, les quelques médecins ophtalmologistes qui vivent en Algérie ne connaissent jamais de repos ; de 5 heures du matin à 10 heures du soir, ce sont des files interminables d’aveugles qui s’allongent devant leur porte.
Dans les grandes villes, l’eau manque. Oran en est toujours à l’eau salée ; en six ans, il n’a pas encore été possible d’y amener de l’eau douce.
Pour les fellahs, pas de maisons, pas de routes, pas d’assistance sociale.
Quant aux ouvriers des villes, les lois françaises ne leur sont applicables que dans les conditions spéciales et on trouve, par exemple, des mineurs comme ceux de Ouled Amar, qui sont obligés pour se rendre à leur travail, de faire dix kilomètres à pied matin et soir et de traverser une rivière à gué et, quand elle est en crue, à la nage.
Or, tout près de la mine, on trouve des maisonnettes inhabitées, mais qui ne sont pas réservées aux musulmans. Quant aux salaires, le tarif syndical serait de 210 francs, mais les ouvriers touchent 141 francs et personne ne les protège.
Si nous passons à l’enseignement, point n’est besoin de beaucoup insister. On l’a dit, plus d’un million d’enfants musulmans ne savent ni lire ni écrire. Le bénéfice de l’éducation est donné à peu près à 153 000 enfants. On comprend les conséquences, d’un tel état des choses.
Le voyageur qui traverse Alger, pour ne pas aller plus loin, est assailli d’essaims d’enfants en loques qui mendient et se battent pour un morceau de pain.
Quant aux hommes, c’est la ruée vers les navires pour venir en France de manière à gagner un peu d’argent pour en envoyer à leurs familles.
Un peuple qui s’expatrie, qui abandonne sa famille pour gagner de l’argent est un peuple malheureux.
Nous avons vu, nous Français qui avons été amenés par les circonstances à passer quelques temps en Algérie, des malheureux qui vont, tous les matins, fouiller dans les poubelles pour trouver à manger. Alors que, dans les mêmes rues, le soir, s’étale le luxe le plus scandaleux qu’on ait jamais vu.
Rue d’Isly, rue Michelet, les magasins sont archi-pleins depuis un an et demi, mieux garnis que les magasins même de Paris. Ils sont éclairés au néon. Tout ce qu’on désire, on peut l’obtenir en vente libre…
On, comprend très bien, alors, la raison de la misère de la population algérienne.
Comment s’étonner que dans de telles conditions les populations algériennes soient soulevées d’un mécontentement profond et d’une juste aspiration à une vie digne d’être vécue ?
D’autant plus qu’on leur a promis cette vie durant la grande guerre contre le fascisme allemand et pour la liberté à laquelle ils ont participé et qu’ils ont vu en Europe, au cours de la guerre, d’autres peuples, d’autres modes de vie.
Par conséquent, il faut déterminer les causes d’une telle situation et les remèdes à y apporter. Je le ferai naturellement très brièvement pour ne pas abuser des instants de l’assemblée.
Le problème, vos le comprenez bien est de nourrir, de vêtir, de loger, de soigner, d’instruire, d’élever ce peuple …
Or, depuis la guerre, le niveau de vie des populations algériennes est allé s’amenuisant. Les récoltes sont insuffisantes, les ressources industrielles locales le sont également. Cela indique l’ampleur du problème à résoudre.
Dans sa conférence de presse du 28 mai 1946 M. le gouverneur général de l’Algérie a déclaré :
- En 1871, chaque habitant de l’Algérie, disposait de cinq quintaux (de blé) par an.
En 1900, il ne disposait que de quatre quintaux
En 1940, il ne disposait que de deux quintaux et demi
Aujourd’hui, avec une bonne récolte, il n’a plus que deux quintaux pour se nourrir (en 1947).
Voilà, pourquoi il y a la famine en Algérie.
A cause de la distribution des terres. Une drôle de distribution… Les uns ont des domaines immenses qui équivalent à cinq ou six départements français, les autres ont des mauvais lopins de terre… On cultive la vigne et aussi ce qu’on appelle les agrumes, mais pour l’exportation… on a pas assez de céréales, pas assez de blé et la population meurt de faim….
Voilà, le propre de la colonisation.
On comprend très bien dans ces conditions, le mécontentement de la grande masse des musulmans…
On parle de certaines propagandes.
Ecoutez !
Quand le pauvre fellah, qui meurt de faim, voit ces immenses plantations de vignes que font valoir les gros propriétaires français et qui ne lui servent à rien, seriez-vous de bonne humeur si vous étiez dans une telle situation ?
Certainement pas (Applaudissements à l’extrême gauche de l’amphi).
Mais il y a plus. Tout le monde sait que, dans un pays comme l’Algérie, la question essentielle est celle de l’eau. Or, on assiste au même phénomène :
L’eau est pour les riches, mais pas pour les pauvres.
Les grands domaines sont irrigués, le pauvre fellah n’a pas d’eau.
Les grands domaines sont irrigués, le pauvre fellah n’a pas d’eau.
Je cite des faits, non pas des faits lointains quelconques, mais récents, relevés en juillet dernier (1947).
Voici, par exemple, un petit fellah de Biskra, qui a été combattant de 1939-40 et de 1942-1945, deux citations, 15 blessures, cinq ans de front.
Il a eu l’idée de creuser lui-même un puits, grâce auquel il irrigue son petit champ.
Seulement, à côté de lui est un seigneur,
M. Constant Dufour, gros propriétaire, un fasciste.
Il était un pro-hitlérien sous l’occupation et il se déclare toujours fasciste. Ce monsieur possède 10 000 hectares. Il est clair que le petit champ du pauvre fellah ne le gêne pas beaucoup. Mais il a eu peur de la concurrence. Ses dix mille hectares sont arrosés par sept barrages érigés sur l’oued de Biskra illégalement, sans autorisation préfectorale. Ils sont donc bien irrigués. Malgré cela, il a estimé que le petit fellah, qui possède cent arbres fruitiers et soixante et un palmiers, pouvait lui créer une concurrence dangereuse. Il a fait combler son puits, l’a fait arrêter par l’administration et l’a fait mettre en prison.
Comment avec un pareil régime, les Algériens peuvent-ils être satisfaits ?
Le fellah fait sortir de l’eau de la terre. On lui fait boucher son puits parce qu’il va concurrencer un gros colon pro-hitlérien.
Il en est ainsi partout.
Dans le sud de Tébessa, près de la frontière tunisienne, le sol est extrêmement riche. Il suffirait d’un peu d’irrigation pour avoir des cultures florissantes. Or, les fellahs meurent sur leurs terres. Ils meurent de faim parce qu’ils n’ont pas d’eau. L’administration ne les connaît pas.
Le mouton qui est l’animal qui vit le mieux en Algérie, a évidemment besoin d’eau et de près. Et bien l’année dernière et il y a deux ans, les moutons ont crevé par centaines de milliers parce qu’ils n’avaient pas d’eau.
Pourquoi n’ont-ils pas eu d’eau ?
Les résultats des recherches sont parfaitement clairs.
Les géologues sont à cet égard catégoriques : il y a d’immenses nappes souterraines d’eau dans les Hauts-Plateaux. Il suffit de les faire monter. Comment ? comme on a fait par exemple au Turkistan où des moteurs de petites dynamos mues par un moteur à vent chargent des accumulateurs qui actionnent des pompes faisant monter l’eau des puits… Il suffit de déclencher des initiatives individuelles et collectives, mais on ne veut rien faire, les moutons crèvent et la population est affamée.
C’est ça le régime colonial.
Un peu avant que M. le ministre de l’Intérieur vienne à Alger, j’ai vu moi-même y débarquer, non pas les tracteurs, dont les paysans ont besoin mais des tanks de l’artillerie. Ce n’est pas ainsi qu’on tire un pays de la misère.
Ce n’est pas en faisant défiler dans les rues d’Alger des tanks et des canons, mais en y envoyant des camions, des tracteurs, de l’essence, seule manière de gagner le cœur d’un peuple…
C'est le système colonial donc qui ne veut d’aucune manière développer dans le pays l’industrie et l’agriculture…
Au point de vue ouvrier, je n’ai pas besoin d’insister beaucoup non plus : le bilan est simple. Par suite de la famine dans les campagnes, les villes connaissent un afflux de main-d’oeuvre, mais non qualifiée et, par conséquent, elles bénéficient d’une énorme masse de manœuvres qu’on peut embaucher à bas prix…
Quant à la réglementation que nous connaissons en France, les syndicats ouvriers algériens ont toutes les peines du monde à les faire appliquer.
Voici un fait parmi beaucoup d’autres : aux mines du Kouif, les ouvriers malades ou blessés vont passer la visite. Voici comment le médecin les reçoit :
- Reviens au travail
- Mais docteur je suis malade
- Tu feras un autre travail, moins pénible, mais reviens.
L’ouvrier dit :
- Eh bien ! Je vais aller au syndicat
Le médecin répond :
-Vous êtes des mouches. On vous écrasera comme des mouches, vous et votre syndicat.
C’est cela le colonialisme
Est-ce qu’un médecin français a le droit de parler ainsi ? Est-ce qu’il ne salit pas la corporation, des médecins ?
Au lieu seulement d’essayer de soigner les hommes qui vont le trouver, il les insulte et les menace.
Parlant de l’Assemblée algérienne, le parlementaire André Marty exprime sa consternation :
«La première fois que nous avons visité l’immeuble où cette assemblée délibèrerait nous avons pu lire, au-dessus des portes les noms des délégations séparées. C’est ainsi que nous avons lu ces mots :
Colons, Non colons, Arabes, Kabyles.
Une drôle de démarcation, vous le voyez, qui nous rappelait un peu les trois ordres des Etats généraux ! Les menants d’un côté, les seigneurs et le clergé de l’autre…
En effet, en Algérie existe une division administrative, dite commune de plein exercice. On voudrait pouvoir dire, comme en France ; mais pas dépasser le tiers du nombre des élus. Drôle de conseil municipal. En somme, une commune de l’an 1 200 était certainement plus avancée que celle que l’on appelle, de plein exercice, en Algérie. (Applaudissements à l’extrême gauche des l’amphi.
A côté sont les communes, dites communes mixtes, c’est-à-dire placée sous la double autorité d’un administrateur et d’un réseau de caïds. C’est en somme un système purement féodal. Or, j’ai entendu dire que le 14 juillet 1789 la féodalité avait disparu en France. Eh bien ! en Algérie, elle existe et aggravée, bien que les populations algériennes soient majeures depuis bien longtemps…
Alors, quand on vient nous dire ce sont des départements français...
Voici, par exemple, un petit fellah de Biskra, qui a été combattant de 1939-40 et de 1942-1945, deux citations, 15 blessures, cinq ans de front.
Il a eu l’idée de creuser lui-même un puits, grâce auquel il irrigue son petit champ.
Seulement, à côté de lui est un seigneur,
M. Constant Dufour, gros propriétaire, un fasciste.
Il était un pro-hitlérien sous l’occupation et il se déclare toujours fasciste. Ce monsieur possède 10 000 hectares. Il est clair que le petit champ du pauvre fellah ne le gêne pas beaucoup. Mais il a eu peur de la concurrence. Ses dix mille hectares sont arrosés par sept barrages érigés sur l’oued de Biskra illégalement, sans autorisation préfectorale. Ils sont donc bien irrigués. Malgré cela, il a estimé que le petit fellah, qui possède cent arbres fruitiers et soixante et un palmiers, pouvait lui créer une concurrence dangereuse. Il a fait combler son puits, l’a fait arrêter par l’administration et l’a fait mettre en prison.
Comment avec un pareil régime, les Algériens peuvent-ils être satisfaits ?
Le fellah fait sortir de l’eau de la terre. On lui fait boucher son puits parce qu’il va concurrencer un gros colon pro-hitlérien.
Il en est ainsi partout.
Dans le sud de Tébessa, près de la frontière tunisienne, le sol est extrêmement riche. Il suffirait d’un peu d’irrigation pour avoir des cultures florissantes. Or, les fellahs meurent sur leurs terres. Ils meurent de faim parce qu’ils n’ont pas d’eau. L’administration ne les connaît pas.
Le mouton qui est l’animal qui vit le mieux en Algérie, a évidemment besoin d’eau et de près. Et bien l’année dernière et il y a deux ans, les moutons ont crevé par centaines de milliers parce qu’ils n’avaient pas d’eau.
Pourquoi n’ont-ils pas eu d’eau ?
Les résultats des recherches sont parfaitement clairs.
Les géologues sont à cet égard catégoriques : il y a d’immenses nappes souterraines d’eau dans les Hauts-Plateaux. Il suffit de les faire monter. Comment ? comme on a fait par exemple au Turkistan où des moteurs de petites dynamos mues par un moteur à vent chargent des accumulateurs qui actionnent des pompes faisant monter l’eau des puits… Il suffit de déclencher des initiatives individuelles et collectives, mais on ne veut rien faire, les moutons crèvent et la population est affamée.
C’est ça le régime colonial.
Un peu avant que M. le ministre de l’Intérieur vienne à Alger, j’ai vu moi-même y débarquer, non pas les tracteurs, dont les paysans ont besoin mais des tanks de l’artillerie. Ce n’est pas ainsi qu’on tire un pays de la misère.
Ce n’est pas en faisant défiler dans les rues d’Alger des tanks et des canons, mais en y envoyant des camions, des tracteurs, de l’essence, seule manière de gagner le cœur d’un peuple…
C'est le système colonial donc qui ne veut d’aucune manière développer dans le pays l’industrie et l’agriculture…
Au point de vue ouvrier, je n’ai pas besoin d’insister beaucoup non plus : le bilan est simple. Par suite de la famine dans les campagnes, les villes connaissent un afflux de main-d’oeuvre, mais non qualifiée et, par conséquent, elles bénéficient d’une énorme masse de manœuvres qu’on peut embaucher à bas prix…
Quant à la réglementation que nous connaissons en France, les syndicats ouvriers algériens ont toutes les peines du monde à les faire appliquer.
Voici un fait parmi beaucoup d’autres : aux mines du Kouif, les ouvriers malades ou blessés vont passer la visite. Voici comment le médecin les reçoit :
- Reviens au travail
- Mais docteur je suis malade
- Tu feras un autre travail, moins pénible, mais reviens.
L’ouvrier dit :
- Eh bien ! Je vais aller au syndicat
Le médecin répond :
-Vous êtes des mouches. On vous écrasera comme des mouches, vous et votre syndicat.
C’est cela le colonialisme
Est-ce qu’un médecin français a le droit de parler ainsi ? Est-ce qu’il ne salit pas la corporation, des médecins ?
Au lieu seulement d’essayer de soigner les hommes qui vont le trouver, il les insulte et les menace.
Parlant de l’Assemblée algérienne, le parlementaire André Marty exprime sa consternation :
«La première fois que nous avons visité l’immeuble où cette assemblée délibèrerait nous avons pu lire, au-dessus des portes les noms des délégations séparées. C’est ainsi que nous avons lu ces mots :
Colons, Non colons, Arabes, Kabyles.
Une drôle de démarcation, vous le voyez, qui nous rappelait un peu les trois ordres des Etats généraux ! Les menants d’un côté, les seigneurs et le clergé de l’autre…
En effet, en Algérie existe une division administrative, dite commune de plein exercice. On voudrait pouvoir dire, comme en France ; mais pas dépasser le tiers du nombre des élus. Drôle de conseil municipal. En somme, une commune de l’an 1 200 était certainement plus avancée que celle que l’on appelle, de plein exercice, en Algérie. (Applaudissements à l’extrême gauche des l’amphi.
A côté sont les communes, dites communes mixtes, c’est-à-dire placée sous la double autorité d’un administrateur et d’un réseau de caïds. C’est en somme un système purement féodal. Or, j’ai entendu dire que le 14 juillet 1789 la féodalité avait disparu en France. Eh bien ! en Algérie, elle existe et aggravée, bien que les populations algériennes soient majeures depuis bien longtemps…
Alors, quand on vient nous dire ce sont des départements français...
Dans un département français en France la féodalité n'existe plus.
(Applaudissements à l’extrême gauche de l’amphi).
Je vais plus loin: il n’y a jamais eu de divisions racistes en France, même sous la féodalité, tandis qu’en Algérie elles existent.
On dresse une barrière pour empêcher des hommes, même s’ils sont élus, de siéger… Ainsi, premièrement, toute une partie de la population de ces départements; les huit neuvièmes environ, ne se voit appliquer les lois de la République française que sous réserve d’un décret spécial…
Deuxièmement, la majorité de la population (les autochtones) ne jouit pas des droits et libertés de la République française…
Troisièmement : le statut juridique des huit neuvièmes de la population (les autochtones) ne relève pas du code civil français.
Quatrièmement : les libertés municipales, telles qu’elles sont instituées en France, n’existent pas en Algérie…»
Que répondront les parlementaires français qui, en 2005, ont tenté de laver le système colonial de ses crimes sans nom ?
M. Bentaleb rêvait du rattachement de l’Algérie à la France mais sans discrimination aucune entre les citoyens d’une grande nation. Son itinéraire est éloquent. De bout en bout au service de la France : policier, gendarme, caïd, conseiller général, parlementaire, ancien combattant contre le colonialisme allemand en France et en Europe, aussi dure, aussi vrai, sans rien cacher de ses ressentiments, de ses espoirs déçus, c’est que le système colonial ressemblait vraiment à l’apartheid, au nazisme et au sionisme. Le caïd Bentaleb était le premier «béni oui-oui» qui, à la tribune du Parlement français, à oser faire le rapprochement entre le régime hitlérien et le système colonial.
Je vais plus loin: il n’y a jamais eu de divisions racistes en France, même sous la féodalité, tandis qu’en Algérie elles existent.
On dresse une barrière pour empêcher des hommes, même s’ils sont élus, de siéger… Ainsi, premièrement, toute une partie de la population de ces départements; les huit neuvièmes environ, ne se voit appliquer les lois de la République française que sous réserve d’un décret spécial…
Deuxièmement, la majorité de la population (les autochtones) ne jouit pas des droits et libertés de la République française…
Troisièmement : le statut juridique des huit neuvièmes de la population (les autochtones) ne relève pas du code civil français.
Quatrièmement : les libertés municipales, telles qu’elles sont instituées en France, n’existent pas en Algérie…»
Que répondront les parlementaires français qui, en 2005, ont tenté de laver le système colonial de ses crimes sans nom ?
M. Bentaleb rêvait du rattachement de l’Algérie à la France mais sans discrimination aucune entre les citoyens d’une grande nation. Son itinéraire est éloquent. De bout en bout au service de la France : policier, gendarme, caïd, conseiller général, parlementaire, ancien combattant contre le colonialisme allemand en France et en Europe, aussi dure, aussi vrai, sans rien cacher de ses ressentiments, de ses espoirs déçus, c’est que le système colonial ressemblait vraiment à l’apartheid, au nazisme et au sionisme. Le caïd Bentaleb était le premier «béni oui-oui» qui, à la tribune du Parlement français, à oser faire le rapprochement entre le régime hitlérien et le système colonial.
Mais il était le seul «béni oui-oui» à avoir envisagé la possibilité d’une guerre anticolonialiste en Algérie et de le proclamer à la même tribune, en 1947.
Quant à M. Marty, c’est un Français de conviction, révolté de voir que le système colonial en Algérie maintenait les populations algériennes dans l’ignorance et l’esclavage, les privant des droits, les plus élémentaires : justice, école, santé, trvail, logements décents, routes, électricité, dont jouissaient tous les colons et non colons importés d’Europe pour faire de l’Algérie un territoire français.
Des hommes comme M. Marty étaient rares en 1947.
Ils seront nombreux après le déclenchement de la Guerre de Libération. Pour l’honneur de la République française ils combattront le colonialisme en Algérie et partout dans le monde. Car ils considéraient le système colonial, comme le nazisme et le sionisme, un crime contre l’humanité.
Le débat de 1947 au palais Bourbon, comme nous l’avons vu, a été l’occasion pour les parlementaires algériens et quelques députés français élus en France de mettre en exergue les crimes innommables du colonialisme.
Qu’ils fussent élus sous la casquette gaulliste, communiste, centriste, assimilationniste ou indépendantiste, ils avaient tous revendiqué la fin du système colonial inhumain. Clairement ou implicitement. Les uns exprimant le désir de voir l’Algérie entrer dans l’Union française avec la Martinique, la Réunion, la Guadeloupe etc… Les autres revendiquent sans détour l’indépendance.
Tirant sa force d’une puissante armée et d’une police structurée à la manière de la gestapo, l’Etat français avait répondu au mécontentement des députés algériens par des réformettes insignifiantes et des promesses jamais tenues, ne donnant satisfaction ni aux pro-français ni aux anticolonialistes.
Il continuera d’user de massacres, de répression et de corruption comme avant le 8 mai 1945. Ce qui fera le bonheur des colons ; des miséreux français et européens devenus en Algérie des propriétaires terriens, des commerçants, des entrepreneurs, alors qu’ils n’avaient pas une petite chance de manger à leur faim en Europe sans l’assistance de l’armée du salut.
Le bâton contre les indépendantistes, la carotte aux «bons» arabes qui ne croyaient pas à la défaite politique et militaire du colonialisme et ne demandaient que l’égalité en droits et en devoirs de tous les «Algériens» sans distinction d’origine et de religion.
En 1951, se déroulera un autre débat que les indépendantistes mettront à profit pour démontrer que rien n’a changé sous le régime colonial et que les promesses de l’Etat français sont restées lettres mortes (1).
Un nouveau fait : l’un des intervenants s’interroge et interroge le président du conseil et le gouvernement sur les fraudes électorales massives organisées par l’administration et les colons en Algérie.
Intervention remarquable et remarquée qui reste, hélas, d’actualité dans tous les pays anciennement colonisés par les puissances européennes.
Cette intervention fut brève, pertinente et mal venue dans la mesure où elle dévoilait l’implication directe du gouverneur général en Algérie dans l’organisation de la fraude, même sans le nommer.
Son auteur, M. Derdour Djamel, député de Constantine, messaliste, n’en était pas à sa première «incartade». Au cours du débat de 1947, il avait scandalisé la classe politique française en assimilant l’armée et la police activant en Algérie à la Gestapo allemande. En 1951, à la tribune du palais Bourbon, il récidivera pour nous faire découvrir l’une des facettes hideuses de l’administration coloniale qui use de la répression contre les Arabes et du bourrage des urnes pour offrir la victoire à ses candidats.
Ironie du sort, après les années soixante, la République française a encouragé ses méthodes dans ses anciennes colonies que les intellectuels et la presse occidentale désignaient sous le vocable risible de «républiques bannières». Ceci nous oblige de répéter le proverbe qui dit : «Le chameau regarde la bosse des autres chameaux, mais il oublie la sienne».
Prochainement, pour rafraîchir les mémoires défaillantes et pour en finir définitivement avec le concept honteux de «l’effet positif» du colonialisme, nous reprendrons la déclaration complète de M. Derdour.
Quant à M. Marty, c’est un Français de conviction, révolté de voir que le système colonial en Algérie maintenait les populations algériennes dans l’ignorance et l’esclavage, les privant des droits, les plus élémentaires : justice, école, santé, trvail, logements décents, routes, électricité, dont jouissaient tous les colons et non colons importés d’Europe pour faire de l’Algérie un territoire français.
Des hommes comme M. Marty étaient rares en 1947.
Ils seront nombreux après le déclenchement de la Guerre de Libération. Pour l’honneur de la République française ils combattront le colonialisme en Algérie et partout dans le monde. Car ils considéraient le système colonial, comme le nazisme et le sionisme, un crime contre l’humanité.
Le débat de 1947 au palais Bourbon, comme nous l’avons vu, a été l’occasion pour les parlementaires algériens et quelques députés français élus en France de mettre en exergue les crimes innommables du colonialisme.
Qu’ils fussent élus sous la casquette gaulliste, communiste, centriste, assimilationniste ou indépendantiste, ils avaient tous revendiqué la fin du système colonial inhumain. Clairement ou implicitement. Les uns exprimant le désir de voir l’Algérie entrer dans l’Union française avec la Martinique, la Réunion, la Guadeloupe etc… Les autres revendiquent sans détour l’indépendance.
Tirant sa force d’une puissante armée et d’une police structurée à la manière de la gestapo, l’Etat français avait répondu au mécontentement des députés algériens par des réformettes insignifiantes et des promesses jamais tenues, ne donnant satisfaction ni aux pro-français ni aux anticolonialistes.
Il continuera d’user de massacres, de répression et de corruption comme avant le 8 mai 1945. Ce qui fera le bonheur des colons ; des miséreux français et européens devenus en Algérie des propriétaires terriens, des commerçants, des entrepreneurs, alors qu’ils n’avaient pas une petite chance de manger à leur faim en Europe sans l’assistance de l’armée du salut.
Le bâton contre les indépendantistes, la carotte aux «bons» arabes qui ne croyaient pas à la défaite politique et militaire du colonialisme et ne demandaient que l’égalité en droits et en devoirs de tous les «Algériens» sans distinction d’origine et de religion.
En 1951, se déroulera un autre débat que les indépendantistes mettront à profit pour démontrer que rien n’a changé sous le régime colonial et que les promesses de l’Etat français sont restées lettres mortes (1).
Un nouveau fait : l’un des intervenants s’interroge et interroge le président du conseil et le gouvernement sur les fraudes électorales massives organisées par l’administration et les colons en Algérie.
Intervention remarquable et remarquée qui reste, hélas, d’actualité dans tous les pays anciennement colonisés par les puissances européennes.
Cette intervention fut brève, pertinente et mal venue dans la mesure où elle dévoilait l’implication directe du gouverneur général en Algérie dans l’organisation de la fraude, même sans le nommer.
Son auteur, M. Derdour Djamel, député de Constantine, messaliste, n’en était pas à sa première «incartade». Au cours du débat de 1947, il avait scandalisé la classe politique française en assimilant l’armée et la police activant en Algérie à la Gestapo allemande. En 1951, à la tribune du palais Bourbon, il récidivera pour nous faire découvrir l’une des facettes hideuses de l’administration coloniale qui use de la répression contre les Arabes et du bourrage des urnes pour offrir la victoire à ses candidats.
Ironie du sort, après les années soixante, la République française a encouragé ses méthodes dans ses anciennes colonies que les intellectuels et la presse occidentale désignaient sous le vocable risible de «républiques bannières». Ceci nous oblige de répéter le proverbe qui dit : «Le chameau regarde la bosse des autres chameaux, mais il oublie la sienne».
Prochainement, pour rafraîchir les mémoires défaillantes et pour en finir définitivement avec le concept honteux de «l’effet positif» du colonialisme, nous reprendrons la déclaration complète de M. Derdour.
Ainsi, nous espérons avoir fait honneur aux parlementaires algériens et français qui, en 1947, avaient eu la témérité de tirer les premiers coups de feu contre le colonialisme, au palais Bourbon, alors qu’ils jouissaient des privilèges des Français du 1er Collège.
Ce qui nous révèle le haut degré de leur patriotisme.
L’histoire officielle a occulté ce volet du combat libérateur pour des raisons politicardes.
Synthèse et commentaire de Hocine Mahdi
Synthèse et commentaire de Hocine Mahdi
(1) – Le statut organique a été adopté par le Parlement mais n’a pas été appliqué
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