Wednesday, December 06, 2006

Constantine Splendeur et délabrement Par Mahdi H.


Région
www.lejourdalgerie.com/Editions/061106/une/Lejour.htm
http://www.lejourdalgerie.com/Editions/061106/Rubriques/Region.htm

Constantine
Splendeurs et délabrement

06/11/06
Cirta, cité millénaire…
Nid d’aigle perché au sommet d’une masse rocheuse impressionnante.
Forteresse naturellement protégée par un large et profond abîme au pied duquel serpente Oued R’mel.
Sept ponts relient les deux rives de la ville dont le centre est la réplique d’un quartier d’une agglomération du sud de la France. Construction coloniale conçue au-dessus des ruines de plusieurs civilisations qui racontent cinq mille ans de l’histoire de l’humanité.
Cirta était assurément l’une des plus belles villes du monde grâce à son incomparable socle rocheux d’une hauteur vertigineuse qui vous donne la sensation que les oiseaux voltigent sous vos pieds.
Du pont Sidi Rached votre regard embrasse l’enchevêtrement en forme de pyramide du vieux quartier qui conserve de beaux restes des vestiges romains, puniques, arabes et ottomans. Souika, en ruine…
Quartier aux cent palais dont peu de gens soupçonnent l’existence à cause de l’aspect extérieur très quelconque des bâtisses.
Souika victime de la cupidité des «élus» et de l’inculture de ses habitants implantés suite à l’exode rural provoqué par la création en 1958 des zones interdites qui devaient permettre à l’armée française d’isoler la résistance algérienne…
Souika livrée aux démolisseurs, c’est un tableau de désolation.
On serait tenté de penser que l’aviation américaine a transité par là avant de raser l’Irak, le Liban et l’Afghanistan.
De l’avenue de Roumanie au pont Sidi M’cid la promenade était un ravissement. Des chemins et des escaliers descendent le long de la falaise jusqu’au bord de l’oued, à quelques pas des chutes d’eau fascinantes pendant les fortes crues de l’hiver. L’abandonce du gibier attirait chasseurs et braconniers, mais les touristes préféraient le safari photos. Si vous empruntez le boulevard de l’abîme (1) en direction de l’hôpital vous avez un magnifique panorama qui englobe les monts de Chettaba, la vallée de B’kira, les plaines du Hamma. Avant, c’était les vergers et les potagers qui alimentaient Constantine.
Aujourd’hui, c’est du béton, du béton et du béton…
Des bidonvilles en béton conçus dans un désordre inouï sans le moindre souci esthétique. Constantine fut assurément belle.
Elle a perdu son âme et son charme depuis des lustres.
Malek Haddad affirmait que nulle part ailleurs le ciel n’est plus bleu qu’à Constantine.
C’est toujours vrai.
Sans doute parce que la bêtise des «élus» n’est en mesure d’influer en aucun cas sur la couleur du ciel.
Quant à la ville ?
La pauvre !
Il lui est arrivé ce qui arrive à une très belle fille mariée de force successivement à des hommes frustrés, négligents, égoïstes, bêtes, méchants, insensibles à la beauté, ne sachant pas apprécier les besoins d’une plante fragile qui exige des soins constants pour conserver son charme. Constantine...
Rien ne m’est plus pénible que d’en parler.
Je suis incapable de prendre le recul de la neutralité. Car j’ai du mal à comprendre et à admettre le niveau de délabrement qu’elle a atteint en trente cinq ans. Ceux qui l’ont connue dans les années soixante et la revoient maintenant sauront certainement mesurer l’ampleur des dégradations qui l’ont défigurée.
Ils en seront révoltés
D’autant plus que presque tous les «élus» qui se sont succédé à l’APC et à l’APW appartiennent au corps de l’enseignement (comme l’UGTA) ou bien sont des universitaires (médecins, architectes, ingénieurs, urbanistes, économistes, gestionnaires d’entreprises publiques). Toutes obédiences confondues : FLN, RND, MSP, FIS, PT et autres.
Que dire ? Que penser ?
Aujourd’hui, Constantine est un gros bourg où s’épanouissent tous les fléaux. Ses beaux quartiers se lézardent de partout, ses nouvelles constructions l’enlaidissent, ses sites historiques sont à l’abandon. Elle a été réduite à la sinistre image des hommes qui ont pris la responsabilité de la gérer depuis les premières années de l’Indépendance… Des hommes qui n’ont jamais quitté la mentalité du douar. Malgré des études supérieures et de longs séjours en milieu urbain ils ont été incapables de moderniser une cité au passé prestigieux.
Tout ce qui était précieux sur le plan culturel et historique a été négligé, livré à la prédation, bradé, pillé. La vieille ville fut partiellement rasée avec l’arrière-pensée de rétrocéder les terrains constructibles récupérés aux requins de la finance mafieuse.
Pourtant elle était classée patrimoine national et attendait des expertises de l’Unesco pour une inscription sur le registre du patrimoine universel.
Raser Souika la millénaire et construire à la place des ensembles de haut standing. Ce plan fut cautionné par des «élus» sur commande dont l’un d’entre eux siègeait au Sénat.
La Syrie, l’Italie, le Maroc, la Grèce, l’Egypte, l’Espagne ont intelligemment intégré leurs quartiers historiques à l’extension moderne des villes et ont en fait des sources de revenus plus sûres que l’agriculture et le pétrole.
Chez nous on rase aveuglement.
Chez nous on déchire sans état d’âme des pages entières de notre riche histoire qui reste encore tabou. Car des hommes ont décidé que l’Algérie n’existait pas avant la «venue» des Arabes. Ils ont essayé par tous les moyens d’effacer de notre mémoire les siècles antéislamiques comme s’ils ont honte que l’Algérie ne fusse pas musulmane avant la naissance du Prophète Mohammed (QSSSL).
Si vous désirez mesurer les crimes et les méfaits de la mauvaise gestion de Constantine, essayez de répondre à quelques questions qui, normalement n’ont pas lieu d’être :
Quelle est la ville au monde dont les jardins publics sont des buvettes et des mahchachates à ciel ouvert ? Le commerce et la consommation des psychotropes et de l’alcool ont fait fuir de ces espaces de détente les honnêtes citoyens.
Quelle est au monde l’autorité municipale qui ferme le plus beau jardin public du centre-ville parce qu’elle est incapable d’entretenir les parterres de fleurs et d’assurer la sécurité ?
Des vendeurs de n’importe quoi le squattent.
Quelle est au monde l’autorité municipale qui ferme les yeux quand des constructions illicites poussent comme de la mauvaise herbe sur des espaces communaux incessibles comme les trottoirs, les dépendances des écoles, les placettes publiques ?
C’est à partir de là que vous pouvez vous faire une idée sur les outrages qu’a subis l’antique cité numide…
Cirta qui fut certainement un centre de rayonnement culturel et cultuel en une période où les hommes avaient le sens du devoir car guidés par un idéal de bâtisseurs et de solidarité humaine !
Ce n’est hélas plus le cas
La cupidité et la bêtise ont saccagé des joyaux de l’architecture universelle.
Quant à l’esprit des «élus» il est résumé dans une brève déclaration de l’un d’entre eux devant un parterre d’artistes en ouverture d’une cérémonie en leur honneur en 2005. «Nous rendons grâce à Dieu de nous avoir envoyé un wali (un préfet) qui veut travailler pour la ville».
Et les «élus» à quoi servent-ils ?
A mal gérer en attendant que Dieu daigne placer au-dessus de leurs têtes un honnête fonctionnaire qui les contraindra de faire leur travail en brandissant la menace de les destituer ou de les traîner en justice ?
Haddad Malek affirmait que nulle part ailleurs qu’à Constantine le ciel n’est aussi bleu.
Qu’il me permette de dire que nulle part ailleurs qu’à Constantine la bêtise humaine et la cupidité n’ont commis autant de ravages.
Impunément.
----------------

Par Hocine Mahdi

---------------------------
(1) Actuellement boulevard Zighout Youcef
Haut



No comments: