Djamila Bouhired, l’échec du système
Le cri de détresse de DJAMILA BOUHIRED rejoint le cri de rage qu’a lancé il y a quelques années le fonctionnaire du ministère de la justice et ancien moudjahed YOUCEF MELLOUK.
L’une et l’autre ont braqué de puissants projecteurs sur les facettes cachées de deux institutions budgétivores comme des puits sans fond et qui, jusque là, s’adonnent uniquement au pompage des deniers publics pour les répartir in équitablement entre des clientèles spécifiques, boulimiques et sans mérite.
Nous citons le ministère des anciens moudjahidine et l’organisation des anciens moudjahidine avec ses multiples tentacules dont les enfants des anciens moudjahidine et les enfants de chouhada qui jouissent de la reconnaissance officielle du ministère de l’intérieur alors qu’elles pullulent de dizaines de milliers de faux moudjahidine*, de leur progéniture et de faux enfants de chouhada genre bounedjema. Ce fils de harki d’une indécente audace (comme tous les escrocs d’ailleurs) qui s’est singularisé pendant les deux campagnes de soutien à Bouteflika en 2004 et 2009.
Toute une faune de détrousseurs de cadavres…
A ceux-ci il ne faut pas faire plus que chanter à la gloire du Zaïm en place pour ramasser des privilèges en nature et en espèces à la pelle américaine même quand la misère écrase la majorité des citoyens qu’ils soient travailleurs, retraités ou chômeurs au vu du pouvoir d’achat du dinar et de la spirale inflationniste.
YOUCEF MELLOUK a été écrabouillé parce qu’il a eu la mauvaise idée de toucher au couvercle du puits de dame magouille au sein des deux institutions boulimiques, opaques et intouchables, ayant un statut particulier en Algérie. Dans un Etat de droit et d’honneur les dossiers qu’a pu rendre public YOUCEF MELLOUK auraient à coup sûr déclenché une action en profondeur de salubrité dont le résultat certain aurait été de libérer le pays des forces parasitaires qui nous barrent la route vers la paix, la reconstruction, la justice, les libertés citoyennes, le progrès.
Ne nous étonnons donc pas de voir que sous le système de la rente les honnêtes fonctionnaires de la trempe de YOUCEF MELLOUK soient jetés en prison par des juges qui ont reçu l’ordre d’appliquer la loi à l’envers. Ce n’était pas uniquement pour protéger les vrais criminels qui sont dans ce cas bien précis des… magistrats faussaires. C’était pour détourner l’attention de l’opinion publique des barons du système qui ont rendu possible et durable le trafic des coupables (pensez à l’affaire Khalifa et Sidi Said).
Ne nous étonnons donc pas de voir que sous le système de la rente les anciens moudjahidine restés fidèles au serment de novembre 1954 soient déchus de la famille autoproclamée « révolutionnaire ». Ce qui signifie automatiquement l’oubli et le dénuement. Et des milliers de vrais révolutionnaires sont morts dans l’oubli et le dénuement total après juillet 1962. Et des milliers de vrais révolutionnaires vivent dans l’oubli et le dénuement à ce jour. Leur faute : ils n’ont pas eu l’indignité de quémander à plat ventre des privilèges ou de prétendre au partage de la rente. Personne n’entend parler d’eux parce qu’ils n’ont pas eu la réputation internationale et historique de notre sœur DJAMILA qui en est restée digne jusqu’au bout. L’existence anachronique des forces parasitaires de pression est la conséquence du non droit, de la mauvaise gouvernance, du mariage contre nature des dirigeants politiques et de l’institution judiciaire, du grenouillage politico médiatique, du verrouillage médiatique, de la confiscation des libertés citoyennes. Enfin de tout ce qui légalise le crime contre la nation, le détournement des lois, le fait du prince.
Nous avons écrit cela avant et après 1988.
Si le système de non droit et de la rente a pu survivre à ce jour malgré de gros séismes c’est qu’il a utilisé des méthodes inhumaines pour appâter le ventre mou d’une société épuisée par cent trente année de lutte, aveuglée par l’ignorance et perturbée depuis l’indépendance par les contingences d’un quotidien à la limite du supportable.
Le chantage est ignoble.
Des privilèges de toutes sortes en contrepartie de courbettes et d’applaudissements dans une période où le fait de pouvoir acheté une boite de concentré de tomate, un bidon d’huile ou un boite de lait pour bébé dans un magasin de l’Etat rendait fou de bonheur le chef de famille. Cette période noire où les travailleurs -ouvriers et cadres moyens- se voyaient implicitement autorisés d’abandonner leurs postes de travail à toute heure de la journée pour aller faire la queue devant les magasins de l’Etat avant que la marchandise ne tombe sous la main des spéculateurs et de la mafia du marché noir.
Si tu veux nourrir tes enfants sans faire la queue applaudit le zaïm. La suggestion injonction s’adressait à un peuple privé de l’indispensable et livré aux affameurs. C’était une situation provoquée par le laxisme délibéré de gouvernants visant la dignité des citoyens en les forçant à ne penser qu’à la marmite et au médicament introuvable sur le marché légal pour l’enfant malade.
Mange autant que tu veux à condition que tu applaudisses autant que nous te le demandons à la gloire du zaïm. Ne pense pas, ne réfléchis pas, ne critique pas et tu n’auras plus besoin plus besoin de faire la queue pour tes achats. Ton quota de Souk el fellah te sera livré au bureau, à domicile, où tu le désires.
Couche-toi, rampe, lèche les bottes du caporal, tu auras tout.
Le marché est sordide mais il a attiré la catégorie malsaine de la société qui s’est imposée en minorité agissante et influente ayant pignon sur palais: les paresseux, les khobzistes, les girouettes, les dépravés, les prédateurs, les revanchards, les harkis masqués, les marsiens**, les faux moudjahidine, les faux enfants de chouhada, les escrocs du genre Bounedjma qui ont tout obtenu du système de la rente et ont mangé à la table du zaïm. Bien sûr grâce à la complicité rémunérée de vrais anciens moudjahidine qui ont cédé à l’attrait du lucre et de la luxure, exigeant de la nation les honoraires que demande tout mercenaire qui s’engage dans un combat qui n’est pas le sien, pour de l’argent. Aussi les faux témoignages vendus à prix d’or par de vrais moudjahidine ont fait de l’attestation communale le plus juteux des registres de commerce pour une nuée de bénéficiaires dont le passé n’est pas irréprochable pour ne pas dire plus. Au lieu d’être un acte de gratitude et de reconnaissance de la patrie pour services rendus, ce qui est préférable à tout l’or du monde quand on s’est battu par conviction pour la liberté de son pays.
Et ce n’est pas là seulement le langage d’un utopiste.
Combien sont-ils les anciens moudjahidine qui, comme DJAMILA BOUHIRED ET YOUCEF MELLOUK, avaient la possibilité de grenouiller dans les eaux malsaines de l’à-plat-ventrisme mais se sont tenus à l’écart des compromissions politiciennes, ont vertement critiqué les méfaits du système de la rente, ont choisi de vivre modestement pour pouvoir conserver intact leur prestigieux passé de combattant de la liberté ?
Ils se sont noyés dans l’anonymat, difficile donc de les dénombrer.
Combien sont-ils ceux qui comme DJAMILA BOUHIRED ET YOUCEF MELLOUK ont rejeté des offres faramineuses pour que leur participation à la guerre de libération ne serve pas de caution morale aux déviations politiciennes qui ont assassiné en 1962 le rêve collectif d’une Algérie citoyenne, équitable, solidaire, légaliste, prospère, protectrice de la dignité de ses enfants, sans discrimination.
Oui. DJAMILA BOUHIRED fut et restera à jamais l’un des plus beaux symboles du combat libérateur à l’échelle mondiale. Elle fut aussi et restera à jamais l’un des plus beaux symboles d’un magnifique mouvement révolutionnaire qui fut brisé dans le sang à l’issue d’un terrible fratricide, en I962, sous le regard moqueur de l’armée coloniale qui était en train de plier ses bagages.
Soyons logiques.
Comment attendre une bouée de sauvetage de ceux qui ont noyé le pays dans un fleuve de sang pour en devenir les maîtres ?
Ce serait attendre un peu de pitié d’un bourreau dont le métier est de couper les têtes à la chaîne.
Le cri de détresse de DJAMILA BOUHIRED est le contraire de la mendicité. Il illustre la légitime revendication d’un droit inaliénable que les gouvernants ont accaparé par le fait du prince. Les gouvernants se sont toujours servis de ce droit comme instrument de pression et de chantage contre les hommes et les femmes d’honneur qui se sont tenus loin des magouilles politiciennes par conviction, par fidélité à leur engagement moral de résistants. Nous ne doutons pas que des millions de citoyens ont saisi le sens du cri de DJAMILA.
Pour ma part grâce à ce cri et au large élan de solidarité qu’il a suscité au sein de la société algérienne j’ai obtenu la réponse à une question qui me tourmentait.
En octobre 2009 le gouvernement algérien a distribué une grande quantité de drapeaux en mobilisant des équipes qui ont fait du porte à porte pour suggérer aux récipiendaires de les suspendre à leurs balcons le premier jour de novembre 2009. Peine perdue. La célébration de l’anniversaire de la révolution était dans les cœurs. Rares étaient les balcons et les fenêtres où flottait notre beau drapeau comme le désiraient les dirigeants du pays.
Par contre une semaine avant le match de l’équipe nationale de football c’était un raz de marée de drapeau vert et blanc qui inondait le pays. Les fenêtres, les balcons, des façades entières de maisons, les rues, les têtes, les poitrines, les poignets se paraient de vert et blanc, les costumes étaient en vert et blanc, les gâteaux et les bonbons étaient en vert et blanc, les cadeaux étaient en vert et blanc. Nous n’avons vu cela qu’en 1960, 1962 et 2009. nous reverrons certainement cela en janvier et juin 2010, mais nous n’assisterons pas à une si belle communion le 5 juillet, le 20 août et le premier novembre.
A présent j’ai compris.
Les citoyens accordent tellement de valeur au drapeau national qu’ils en refusent l’exploitation par des gouvernants qui n’ont rien fait pour en être dignes.
C’est du moins l’explication qui me semble la plus plausible.
Pour être digne du drapeau il faut aimer le pays, travailler pour le pays, se sacrifier pour le pays, mourir pour le pays.
Les gouvernants n’ont rien fait de semblable.
DJAMILA BOUHIRED l’a fait avant et après l’indépendance, YOUCEF MELLOUK a sacrifié sa carrière de haut cadre de l’Etat, les footballeurs l’ont fait sans rien demander qui soit compris comme un indu indécent ou malhonnête.
L’agression contre nos joueurs en Egypte, l’incarcération de YOUCEF et l’ingratitude des gouvernants à l’égard de notre sœur à tous DJAMILA ont été ressenties de la même manière par des millions d’Algériens. Nous n’avons vu semblables élans qu’en I958 (grève des prisonniers politiques), en I96O et en I962.
Je lis dans les faits exceptionnels de novembre 2009 les signaux de l’impatience des citoyens de voir notre pays enfin placé sur les rails qui nous mèneront pacifiquement vers l’alternance, l’Etat de droit et la bonne gouvernance sans lesquels aucun pays n’émergera du sous-développement.
DJAMILA BOUHIRED fut une femme exemplaire pendant la guerre de libération. Aujourd’hui elle est punie parce qu’elle n’a pas monnayé sa caution morale à ceux qui ont brisé la révolution. Son combat actuel est le combat silencieux mais visible de millions d’algériens anonymes qui revendiquent de mille manières un Etat de droit.
Que feront les gouvernants face à cette impatience si clairement exprimée, impossible à éluder ?
Ont-ils compris que si des millions de citoyens se sont déclarés disposés de participer aux frais d’hospitalisation à l’étranger de DJAMILA c’est en réaction à l’ingratitude des révolutionnaires qui avaient étouffé la révolution pour le Koursi qu’il monopolise depuis 1962 ?
Pour ma part je suis certain qu’ils ont très bien compris mais qu’ils feront absolument tout leur possible pour que rien ne changera dans les méthodes de gouvernance et du choix des hommes qui gouverneront.
Mahdi hocine décembre 2009
*-Le ministre des moudjaidine Chérif Abbas a reconnu le traitement de dix mille dossiers de faux moudjahidine. Il cumule les fonctions de ministre et de patron de l’organisation des anciens moudjahidine.
**-Révolutionnaires de la dernière minute. Ils s’étaient engagés quelques mois avant le 19 mars 1962 et avant le 5 juillet 1962. Les combats fratricides de cette période noire de notre histoire récente ayant facilité les intrusions et les reconversions crapuleuses. Ce sont eux qui ont détourné l’attestation communale de sa véritable vocation de titre honorifique et en ont fait un registre de commerce.
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