Monday, May 30, 2011

Les bons, les médiocres, les truands !

En Algérie le rêve de l'écrasante majorité des citoyens est le changement radical. Le retrait des dinosaures et des méthodes archaïques de gouvernance qu'ils ont instituées depuis le coup d'Etat de Ben Bella contre Benkhedda est la seule chance du pays de sortir des ténèbres. Mais au sommet les décideurs apparents et cachés en ont décidé autrement. Ils ont confié à des caciques la mission d'organiser des palabres pour dégager une plate-forme de réformes en vue de calmer le mécontentement de la plèbe.
Si nous prenons compte du fait que ce sont les mêmes acteurs qui avaient encadré les dialogues du siècle dernier avec le cuisant échec qui a coûté deux cents mille morts et dix ans de terrorisme aveugle, nous n'avons qu'à préparer nos mouchoirs ou nos baluchons pour une harga généralisée.
Deux cents mille citoyens sacrifiés pour la survit du régime. Nous ne comptabiliserons pas les centaines de milliards de dollars de destruction, de détournement en cette décennie rouge sang où les cadavres d'innocents parsemaient nos rues.
Aujourd'hui le vieillard Bensalah revient à la table des consultations informelles. Député, président de l'APN-chromatée le siècle précédent, présentement président du sénat doré (quarante fois le salaire d'un cadre moyen pour approuver tout ce que font les gouvernants), Bensalah n'a invité que d'insignifiants chevaux de retour, des vieillards et des broutards qui sont à l'aise sous ce régime.
Ces mangeurs à tous les râteliers sont sensés fournir à Bouteflika des idées et des propositions novatrices pour sortir le pays du fond du gouffre.
Nous nous autorisons d'affirmer que c'est un navrant gaspillage de temps, d'énergie et d'argent.
Car Bouteflika est assez intelligent pour savoir ce qu'il doit faire et avec qui il doit dialoguer pour replacer l'Algérie sur les rails du progrès, de la prospérité et de la paix sociale. Jusqu'à présent il n'a pas montré dans ses actes une réelle volonté de libérer le pays d'un système sclérosé qui empêche la majorité du peuple algérien de respirer et de jouir de la lumière.
Donc ce n'est pas une surprise si les personnalités les mieux armées pour combattre les méfaits de la mauvaise gouvernance ont été exclues de cet énième round de consultations.
Les bons écartés tandis que les médiocres et les truands au palais !
En même temps l'énarque Ahmed Ouyahia, premier ministre d'un gouvernement anticorruption, a organisé des palabres avec Sidi Said Abdelmadjid indigne représentant d'une UGTA cocufiée dont les trois quarts des adhérents n'ont pas choisis leurs représentants.
Est-ce une surprise si Ahmed Ouyahia a délibérément jeté son dévolu sur le faussaire Sidi Said sans donner une seule chance aux représentants des autres syndicats qui sont plus crédibles, plus propres, par conséquent moins malléables que le justiciable Sidi Said Adelmadjid qui avait vidé les coffres de la Caisse Nationale de la retraite au profit de Moumen Khalifa ?
Les bons écartés tandis que les médiocres et les truands honorés !
En 1999 Bouteflika avait promis de changer le système de la rente mais avec les hommes qui ont fabriqué ce système.
C'est comme vouloir éteindre le feu en arrosant les flammes avec de l'huile.
Bouteflika sait ce qu'il veut et ce qu'il fait.
Tout simplement il continue de croire que le peuple de 1962 n'a pas évolué.
''Le peuple est immature''.
 Phrase injurieuse prononcée la semaine dernière par Abdelaziz Belkhaden.
Devons-nous penser que c'est sous la dictée du président?
Un peuple qui revendique la dignité, la liberté, du travail, la dissolution d'une APN et d'un sénat sans dignité, des élections vraiment libres, la participation aux choses de la cité ne peut-être qu'immature.
Nous avons bien entendu.
Nous avons bien compris.
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Hocine Hocine

 

Saturday, May 28, 2011

Hamza Khatib, âgé de treize ans, dangereux terroriste !

Comme tout le monde j'ai vu le corps d'un enfant criblé de balles.
Comme tout le monde l'ai vu le corps d'un enfant strié d'indélébiles marques de torture.
A l'évidence l'un des innombrables services de sécurité de Bachar el Assad a infligé un traitement inhumain à un enfant de treize ans accusé ou soupçonné de porter atteinte à la sûreté de l'Etat.
Les séance de torture se sont déroulées dans une cellule d'une institution de Bachar el Assad.
Les tortionnaires sont des foctionnaires ou des vacataires payés par les caisses de Bachar el Assad.
Les snipers qui ont criblé de balles l'enfant de treize ans Hamza Khatib sont des agents du régime de bachar el Assad.
Le médecin-président-dictateur Bachar el Assad est assez grand pour en tirer des conclusions.
S'il est, comme il le prétend, le président-bien-aimé de tous les Syriens il ne lui reste qu'à se tirer une balle dans la tempe.
Qui tue un enfant c'est comme s'il a tué l'espoir de toute l'humanité. Tous les médecins de la terre le proclament.

Mahdi Hocine

Congrès américain: Retour sur un spectacle Ridicule

Les "honorables" élus du Congrès américain, comme un seul homme, applaudissant à tout rompre les divagations de Benyamin Netanyahu: c'est le spectacle le plus ridicule jamais offert aux yeux du monde entier par la plus puissante institution des USA.
Nous y revenons en raison des flagrants mensonges de l'orateur concernant sa propre position à l'égard des révolutions en Tunisie et en Egypte. Il prétend vouloir voir les peuples arabes jouir de la démocratie.
C'est faux!
Une grande panique l'avait saisi dès les premières heures de l'occupation de la place Tahrir par la jeunesse insurgée. Craignant la répétition du surprenant scénario de la fuite de Ben Ali qu'a fait Netanyahu? Il a insisté auprès de Barack Obama pour sauver la tête de Moubarak, sinon le régime égyptien en y plaçant à sa tête son ami intime Omar Souleimane. Le président américain a bien essayé. Il a même délégué sa boniche Hillary Clinton avec mission d'amadouer les révolutionnaires. Celle-ci a commis la bourbe de dire aux jeunes que Moubarak était un bon président et qu'il s'engageait d'organiser des élections "libres et honnêtes". Message de la mégère: rentrez à la maison nous vous donnerons la démocratie comme nous l'avons fait pour l'Irak, le Yémen, l'Arabie Saoudite, le Bahrein et le Maroc.
Le raciste Netanyahu s'est résigné à la perte de son plus efficace allié du Moyen Orient mais il continuera de presser Barack Obama pour installer à sa place Omar Souleimane qui a toujours travaillé avec la CIA, le Mossad et les services de Mahmoud Abbas pour briser la résistance armée palestinienne. Mais la jeunesse révolutionnaire égyptienne avait une liste très précise des piliers du régime de Moubarak. C'est ainsi que, la veille de la chute du dictateur, le général Tantaoui s'est rendu au USA pour recevoir la bénédiction d'Obama qui lui confie la mission d'encadrer la révolution et la détourner de sa voie.
Benyamin Netanyahu a donc honteusement menti en disant qu'il était avec les peuples de Tunisie et d'Egypte. Tous les membres du Congrès le savaient parfaitement mais ils avaient honoré le mensonge.
Au garde-à-vous.
Sans honte.
Sans craindre de se montrer ridicules aux yeux du monde entier.
Pour une fois des chroniqueurs de la presse sioniste ont réagi comme nous contre le Congrès américain qu'ils accusent d'encourager l'extrémisme aveugle et de mettre l'Etat sioniste en danger.
Cela mérite d'être signalé.

Mahdi Hocine

Thursday, May 26, 2011

Egypte:Le Géneral Tantaoui au pied du mur !

Est-ce le dernier quart d'heure du dernier carré du régime de Moubarak ?
Pas encore mais nous n'en sommes guère éloignés.La révolution ne s'est pas arrêtée malgré les tentatives de récupération et de détournement. La jeunesse égyptienne se montre d'une vigilance à toute épreuve pour que le sang de ses martyrs ne se perde pas dans les méandres des tractations souterraines.
Le général Tantaoui, désigné en douce par Barack Obama pour sauvegarder les superstructures de l'ancien régime, souhaitait une sortie honorable pour Moubarack et sa famille.
Hier, sous la menace d'une réoccupation de la place de la Liberté par un million de manifestants ce vendredi, il a décidé d'envoyer son ancien maître en prison et de le faire inculper avec ses enfants d'assassinat, d'enrichissement illicite, d'abus de biens sociaux etc
Mieux et c'est une exigence de la jeunesse révolutionnaire, l'ouverture des frontières avec Gaza est programmée pour le 28 mai 2011. Ceci pour répondre à la déclaration de guerre lancée aux dirigeants arabes et à Barack Obama par le raciste Netanyahu sous les applaudissements du Congrès américain.
Ainsi, l'Egypte révolutionnaire est le premier pays arabe à répondre concrètement à la longue liste de provocations des hordes sionistes.
Personne n'a encore oublié que c'est de Charm Echeikh que Tzipi Livni et Mohamed Hosni Moubarak avaient annoncé le Génocide de Gaza en décembre 2008.
Désormais les Palestiniens ne sont plus isolés face au terrorisme sioniste que couvrent diplomatiquement Washington, Paris, Londre, Berlin et l'ONU d'Ocompo et de Ban ki Mon.
Il fallait bien qu'un jour un pays arabe fasse comme la Turquie d'Erdogan.
Bien sûr la logique voudrait que c'est l'Arabie Saoudite qui ferait le premier pas par la rupture de ses relations avec les hordes criminelles sionistes.
Mais patientons.
Netanyahu a été tellement arrogant, tellement insultant, tellement méprisant à l'égard des dirigeants arabes et de leur plan de paix.

Mahdi Hocine

Wednesday, May 25, 2011

La puissance de l'argent

J'ai vu.
J'ai entendu.
J'ai enfin très bien compris pourquoi et comment Washington corrompt et protège les dictateurs arabes.
J'ai enfin très bien compris pourquoi et comment le monde est gouverné par l'argent.
J'ai vu.
J'ai entendu.
Ce mardi 24 mai 2O11 j'ai enfin très bien compris comment et pourquoi l'ONU, le tribunal pénal international, la Convention de Génère,la charte universelle des droits humains sont devenus des instruments du Pentagone, de la CIA et de la Maison Blanche.
Ce mardi 24 mai 2O11 j'ai vu la plus puissante institution du plus puissant et du plus voyou Etat de la planète à genoux devant la puissance de l'argent.
J'ai vu le Congrès américain dans toute sa composante, démocrates et républicains, plus petit que les plus petits sénats des républiques bananières. Petit dans le sens de la servitude, de la soumission politique, de la prostitution morale.
Oh! Nous nous disions bien que le candidat à n'importe quelle élection au USA a tellement besoin d'argent pour sa campagne électorale. Par conséquent il doit vendre des services par anticipation aux "généreux" donateurs qui le financent en ayant des arrières pensées bien arrêtées.
C'est du donnant-donnant dans la pure tradition des souks: tractations verbales.
La mafia américaine n'a t-elle pas financé l'élection de sénateurs, de procureurs, de juges, de gouverneurs, de shérif et des candidats à la présidence?
C'était illégal. Mais que représentent les lois contre la puissance de l'argent en Amérique?
Au vu et au su de tous l'argent sale de la drogue et du crime organisé contribuait à l'élection "d'honnêtes" politiciens qui sauront renvoyer discrètement l'ascenseur.
J'ai vu.
J'ai entendu.
Ce mardi 24 mai 2O11 j'ai été effrayé par les génuflexions des démocrates et des républicains US face à la puissance de l'argent, l'AIPAC étant un "généreux" pourvoyeur de fonds des joutes électorales en Amérique.
Toutes les divagations et les contrevérités de Netanyahu ont été applaudies avec une ferveur jamais égalée, même au Likhoud.
24 fois (vingt-quatre) au moins les sénateurs se sont mis au garde-à-vous en applaudissant. Mouvements orchestrés par un homme portant une kipa pour saluer la déclaration de guerre de Netanyahu à Hussein Barack Obama, Mahmoud Abbas et aux dirigeants arabes "modérés". En vérité des dirigeants à plat ventre, préparés à toutes les humiliations, à tous les renoncements car ils n'ont jamais montré un iota de dignité face aux américains.
En ce moment Barack Obama est prisonnier de son rêve d'un deuxième mandat et Netanyahu a crapuleusement profité de cette situation pour l'humilier.
Mais qu'est-ce qui empêche les dirigeants arabes "modérés" de géler leurs relations avec le régime raciste sioniste jusqu'à l'indépendance de la Palestine?
D'autant plus que, devant le Congrès, Netanyahu s'est vanté de ses bonnes relations
avec le Qatar, l'Arabie Saoudite, Bahrein, Les Emirats, le Maroc, la Mauritanie...

Mahdi hocine

Monday, May 23, 2011

benkadri chirurgien, poète, citoyen

Benkadri Hocine

Chirurgien,

Poète,

Citoyen






Avant Propos

Dans tous les pays gouvernés normalement vous trouverez des millions de citoyens consciencieux comme Benkadri Hocine.
Sous les dictatures arabes les Benkadri vous n’en trouverez que quelques uns car ils sont ressentis comme une menace par les dictateurs qui les poussent sur les chemins de l’exil ou dans la tombe. C’est pour cela que nous avons plusieurs siècles de retard.


Texte de Mahdi Hocine
Le 24 avril 2011 Cirta, Qacentina, Constantine a perdu l’un de ses plus ardents amoureux et défenseurs : Benkadri Hocine.
Il était chirurgien émérite, poète, animateur d’une émission radio, une autre émission sur la chaîne TV satellitaire canal Algérie, journaliste, membre fondateur et président du Club de réflexion et d’initiatives. Ce club était hyper actif dans les premières années de sa création mais comme il dérangeait les parasites dans la faune des « élus » et des administrateurs locaux il a été sabordé par l’un de ses membres d’honneur, le Wali en personne, Malek Boudiaf.
Le chirurgien, je l’ai connu sur le tard malgré la bonne réputation dont il jouissait en Algérie et à l’étranger pour ses compétences de chirurgien et son respect à l’égard des malades sans distinction. Ce qui est rarissime de la part d’un professeur dans nos hôpitaux.
Quant au poète et à l’animateur d’une émission radio, qui ne le connaît pas à Constantine parmi les défenseurs de la ville ? Emission qui sera très vite étouffée sur ordre du Wali. Je tiens cette information du directeur de Cirta FM qui a exécuté cette basse besogne et qui m’a raconté, avec une pointe de fierté, de quelle manière peu élégante il avait chassé Benkadri pendant que celui-ci s’adressait en direct aux auditeurs. Une abjecte mesure de censure. Un acte arbitraire dont sont très friands les zélés promus de l’article 120 qui dirigent l’ENTV et les chaînes de radiodiffusion en Algérie, chasse gardée de la nomenklatura.
Qui n’a pas lu dans les journaux ses chroniques virulentes contre la médiocrité ambiante ?
Je ne l’ai rencontré personnellement qu’en 2010. Ce jour là l’idée m’était brusquement venue de lui parler, de voir ce qu’il avait dans la tête et dans le ventre. But : voir comment secouer les dizaines d’associations agréées qui pleurnichent sur le lamentable sort de la ville, sont absentes sur le terrain et ne se manifestent que pendant les campagnes électorales parce qu’il y a à boire et à manger. De bon matin, en sirotant ma première tasse de café de la journée, j’ai pris la décision de soumettre à son appréciation un manuscrit dont la conception a dévoré treize ans de ma vie mais qui me semblait encore à parfaire. Il n’est pas facile de parler et d’écrire sur le délabrement de Cirta sans être un procureur qui accuse. Le thème pouvait nous servir de base de discussion. Toujours est-il que ce matin là ma tête et mes jambes (ou mes pieds) m’ont conduit directement à l’hôpital. Benkadri était déjà au bloc de chirurgie. Vers 16 heures j’ai fait le pied de grue à quelques mètres de sa voiture que m’a indiquée un agent de sécurité. Je n’ai pas attendu longtemps. Nous ne nous connaissions qu’à travers nos interventions dans la presse. Je l’ai abordé avec un certain embarras. Il était accompagné par un autre médecin ou une relation :

- Monsieur Benkadri je suis journaliste indépendant. Votre temps est précieux mais nous devons nous rencontrer et discuter longuement sur Constantine. Je vous remets ce manuscrit qui contient toutes les informations sur mon parcours. Je reviendrai vous voir dans dix jours.

Il feuillette rapidement les deux volumes de deux cents pages chacun :

- Je vous promets de lire votre manuscrit et de vous donner mon avis.

Comme sur la lettre d’accompagnement j’ai écrit ‘’ à monsieur Belkadri ‘’ il m’en a fait la remarque en appuyant sur les trois premières lettres:

- Mon nom commence par B E N.

Il me tend une carte de visite :

- Téléphonez-moi avant de venir. Sinon envoyez-moi un mail.

Nous n’avons pas discuté plus d’une minute au cours de cette première rencontre. Il sortait du travail, il avait peut-être un programme serré pour le reste de la journée et je ne figurais pas sur son agenda. Il a été courtois. Je ne pouvais pas attendre plus de quelqu’un qui ne m’attendait pas et ne me connaissait pas personnellement. L’important était fait. En lisant le manuscrit il saura qui je suis et ce que je fais. La prochaine fois nous aurons au moins un sujet sérieux de conversation.
La veille du dixième jour suivant cette rencontre je l’appelle au téléphone. Il me fixe rendez-vous. A l’heure indiquée je suis sur les lieux. Lui non. Après une vingtaine de minutes d’attente je m’adresse à une infirmière :

- Bonjour madame. Monsieur Benkadri est-il au bloc ?

- Non monsieur, il est en congé.

J’esquisse un geste de colère.

- s’il est en congé pourquoi m’a-t-il donné rendez-vous ?

J’ai prononcé cette phrase en me parlant à moi-même. Pour moi le temps à une valeur et la ponctualité est un signe de respect à l’égard de l’autre. L’infirmière qui s’était éloignée de moi m’a entendu. Elle est revenue sur ses pas :

- Monsieur Benkadri vous a-t-il donné rendez-vous ici ?

- Oui madame et vous m’apprenez qu’il est parti en congé.

- Je vous recommande de patienter. Il viendra. C’est un homme qui respecte la parole donnée. Je peux vous garantir que s’il est en retard c’est indépendamment de sa volonté. Patientez, il ne ratera pas le rendez-vous.

Effectivement il est venu. Chose assez rare en Algérie où très peu de personnes accordent de l’importance au Temps, l’éminent chirurgien m’a présenté des excuses. Signe de grand sérieux et de correction. Nous grimpons deux étages. Son bureau ressemble à une bibliothèque surchargée. Les étagères sont pleines et dans tous les coins des livres et des magasines sont entassés. Benkadri m’invite à m’installer sur un siège confortable ensuite il prend une pile épaisse de CD ROM et en retire un qu’il dépose devant moi. Après cela il se dirige vers l’étagère qui est à droite de la porte d’entrée et en revient avec un opuscule qu’il me donne avant de s’asseoir.

- Monsieur Mahdi j’ai lu attentivement votre manuscrit. J’ai pris la liberté de noter quelques remarques au crayon. Si vous ne trouvez pas d’inconvénient je le garde une petite semaine ou deux.

- Même si vous le garderez pendant un mois cela ne me dérangera pas. J’ai besoin de l’avis de quelques lecteurs d’un bon niveau avant de le proposer à un éditeur ou à défaut de le lancer sur le web. J’ai le sentiment d’avoir fait un travail utile mais je ne suis pas encore satisfait de la présentation. Les textes et les commentaires sont extraits de mes articles qui ont été censuré par les journaux. Vous avez là le rapport de quarante ans d’observation, de dix ans de réflexion et trois ans de travail en solitaire. J’exprime sans retenue ma rage et ma haine contre toutes les femmes et tous les hommes qui ont exercé une responsabilité à la wilaya, à la mairie, à la direction de l’urbanisme, à celles du patrimoine et de la culture et j’en passe. De nombreux journalistes et écrivains l’ont fait à travers des articles de presse mais personne ne les a écoutés. Mon livre est une synthèse de tout cela. Il fera bouger beaucoup de parasites s’il trouvera un éditeur courageux. Je souhaite qu’il nous servira de base pour une bonne action. Des dizaines d’associations dorment. Elles passent leur temps à guetter les subventions et les visites des ministres. Tout ce qui intéresse leurs présidents c’est de manger à la table du maire ou du wali. Secouons les un peu. Vous n’avez pas besoin de mes compliments, je ne fais qu’un constat. Toutes les associations réunies n’ont pas réalisé sur le terrain le centième de ce qu’a fait le CRI. Vos articles de presse, vos actions et votre émission sur les ondes de Cirta FM devaient les sortir de leur inertie.

- Il faut plus que cela. J’ai eu grand plaisir à vous écouter. Nous n’avons pas le temps de discuter aujourd’hui. Je suis en congé mais j’ai des malades dont l’état m’inquiète un peu. J’ai décidé de les opérer pour ne pas penser à eux pendant mes vacances. Prenez bien soin du CD, c’est un exemplaire unique. Je vous prie de me le ramener à notre prochain rendez-vous. J’ai confiance en vous.

Il m’accompagne jusqu’à la porte, nous nous serrons la main :

- Soyez prudent monsieur Mahdi ; Vous êtes plus âgé que moi mais j’attire votre attention que vous êtes en train de marcher sur un champ truffé de mines. Vous devriez le savoir mais je vous parle comme à un grand frère parce qu’en lisant vos textes j’ai conclu que vous avez la tête aussi dure que le rocher de Constantine. Vos meilleurs amis vous tourneront le dos si vous aurez des problèmes avec les autorités. Votre livre est une grosse bombe à fragmentations. Il sera publié en France, en Belgique, en Suisse, au Canada, au Liban mais il vous sera très difficile de trouver un bon éditeur ici qui prendra le risque de le mettre sur le marché algérien. Je vous remercie de votre confiance.

J’ai quitté le bureau avec le sentiment d’avoir passé l’un de ces rares moments d’une grande intensité que l’on n’oublie pas facilement en compagnie d’un être profondément blessé, écorché à vif, torturé, sincère et d’une sensibilité à fleur de peau.
Dans ma vie très peu de rencontres m’ont procuré cette sensation. Je citerai les poètes Youcef Sebti, Tahar Djaout, Mustapha Kateb, Nécib Saïd et Hamid Skif, les journalistes Mouloud Larakeb, Mohamed Bouslama, George Montaron, Paul Delerce, le caricaturiste Slim : tempérament volcanique sous des apparences calmes, cœurs blessés, rêves brisés, âmes torturées parce qu’ils portent eux une profonde souffrance pour l’humanité mais n’ont qu’une plume pour semer des paroles de fraternité, de paix, d’amour, parce qu’ils croient que les êtres humains sont sur cette terre pour vivre en harmonie avec tout ce qui les entoure. Intelligence, sensibilité à fleur de peau et modestie, qualités communes aux hommes de cœur et d’esprit. Chaque minute passée en la compagnie de l’un d’entre eux est source d’émotion car ils parlent avec leur douleur, leur rage, leur joie, une grande sincérité. Ils vous écoutent avec respect et réagissent spontanément à vos propos qui leur semblent en déphasage. Pas d’hypocrisie ni de complaisance mais une grande correction.

J’ai envie de répéter qu’avant ce jour je ne connaissais Benkadri qu’à travers ses contributions pertinentes et très virulentes publiées par la presse.
Les opérations d’assainissement des sites touristiques de Constantine initiées par le CRI n’ont laissé personne indifférent à Constantine. C’était un travail gigantesque qui a nécessité de lourds moyens et beaucoup de volontaires dont une escouade de pompier qui avaient nettoyé les pentes les plus dangereuses sous le pont sidi M’cid. Un gros dépotoir, le plus gros de Constantine, créé par la mauvaise volonté et l’incivisme des habitants d’Echarâa grâce à la passivité du wali et des « élus ». Avant l’entrée en activité du CRI les associations dites de la société civile ne sortaient sporadiquement de leur sommeil que le temps d’une campagne électorale pour manifester leur amour artificiel pour le candidat choisi par l’armée et adoubé par le FLN et le RND (un FLN bis formé par la relève du vieux parti du pouvoir sclérosé qui a pris l’aspect effrayant d’un cadavre en décomposition). Le CRI se distinguait par des activités d’envergure qui faisaient courir les « m’as-tu vu » de la ville. Ceux-ci n’assistent à aucun évènement si le Wali et l’ENTV sont absents, quel que soit le talent de l’intervenant ou l’importance de l’activité.
Je dois reconnaître que j’avais une grande méfiance à l’égard du Club et de son président pour la seule raison qu’un ministre détestable et un wali sans noblesse d’âme figuraient sur la liste des membres fondateurs. De nombreux béni oui oui et opportunistes gravitaient autour du CRI. Dans mon esprit (peut-être tordu et rigide dans certains cas) la liste des membres fondateurs d’une association citoyenne ne doit pas être polluée par la présence même honorifique d’hommes et des femmes assumant les responsabilités d’un mandat électif ou occupant une haute fonction de l’Etat. C’est contradictoire dans la mesure où les sujets de friction sont très nombreux dans un pays où la souveraineté citoyenne est protégée par la Constitution mais dans la réalité elle est niée ou piétinée par les gouvernants de la base au sommet et particulièrement par les maires, les walis, les ministres, les présidents, l’armée et la police.
C’est mon opinion.
Et quand un Wali qui gère très mal une ville adhère à une association citoyenne cela ne me parait ni normal ni acceptable. Nous avons vu comment en 1999, 2004 et 2009 s’est produite la caporalisation des associations dite civiles.
Dans le bus qui me ramène chez moi je commence à lire par curiosité l’opuscule de Benkadri. Très vite la curiosité se mue en intérêt. Tous les textes sont signés par le président du CRI. Je découvre avec un certain trouble que nous avons les mêmes préoccupations et nous usons du même langage virulent, volontairement agressif, irrévérencieux. Nos critiques contre l’archaïsme des gestionnaires et la mauvaise gouvernance dégagent la même odeur de soufre, de révolte, de passion, d’implication. C’est évident : il écrivait avec son cœur, sa douleur, ses larmes, son sang, ses tripes. Les textes dégoulinent de spontanéité, de sincérité, d’abnégation, d’amour pour l’Algérie et Constantine, de rage et de colère contre les décideurs et le règne de la médiocrité qui ont fait de Cirta un immense bidonville. Bien entendu quand on écrit avec son sang, ses larmes et sa douleur on ne fait pas trop attention à l’esthétique. L’urgence et la gravité de la situation imposent le style rugueux. La littérature de combat déplait aux puristes mais contribue à l’évolution sociale grâce à la brutalité de son langage.
Je descends du bus et me dirige directement vers un cybercafé où le visionnage du CD Rom de Benkadri achève de m’étourdir. C’est presque une adaptation libre de mon manuscrit en documentaire audiovisuel. Le hasard a voulu que le chirurgien-poète et moi fassions un travail similaire avec le même esprit frondeur mais constructif que les gouvernants détestent. Mais chacun de son côté et dans l’ignorance total de ce que fait l’autre.

- Mais qu’a-t-il pensé en lisant mon manuscrit ? Pourquoi ne nous sommes pas rencontrés il y a quatre ou cinq ans ? Evidemment c’était de ma faute parce qu’il ignorait mon existence par contre, moi, j’ai vu ce qu’il a fait de bien à Constantine mais je le prenais pour un béni oui oui.

Dommage !

Il disposait d’un bon matériel. L’agrément du CRI lui ouvrait toutes les portes en lui fournissant les équipements et les moyens pour réaliser de bonnes choses.
Et il a fait du bon travail.
Le CD Rom réalisé au nom du CRI est un ‘’J’accuse’’ sans concession contre les gouverneurs, les « élus » et les administrateurs qui ont réduit Constantine à l’image détestable d’un immense dépotoir. Je désirais réaliser un documentaire de la même veine mais les producteurs du secteur privé que j’ai contacté vivaient des commandes d’entreprises publiques. S’engager avec moi représentait pour eux le risque de perdre leur seule source de revenus : l’Etat. D’autres n’osaient pas s’investir et investir dans un produit que l’ENTV achètera pour empêcher sa diffusion au public. Ce qui a été le cas d’un bon nombre de films réalisés ou achetés avec l’argent du Trésor algérien mais que les citoyens ne verront jamais.
En retirant le CD Rom du lecteur j’ai ressenti un mélange de soulagement et d’abattement.
Je soliloquais :

- Monsieur Benkadri, un grand merci. Nous avons les mêmes aspirations et vous avez réalisé une partie de ce que je désirais faire. Je croyais que vous étiez un béni oui oui qui profitait de ses relations avec les ministres et les gouverneurs locaux pour se faire mousser. Votre CD et vos textes me disent que vous avez utilisé les relations en question au bénéfice de Constantine et de ses habitants. Avec dix hommes de votre gabarit Cirta redeviendra la plus belle ville du monde. Je sais que ces femmes et ces hommes sont disséminés quelques parts mais comment les rassembler. Nous sommes deux. In cha Allah bientôt nous seront trois, puis huit, puis cent, puis six cents… Et pourquoi pas cent mille travaillant la main dans la main. C’est un rêve fou mais qui sait ? Les hommes de bonne foi ont réalisé de très belles choses en croyant qu’ils étaient fous d’en rêver. Tout est dans la volonté de se rassembler et de retrousser les manches puisque le désir nous est commun et les idées foisonnent dans nos têtes.

Je suis sorti du cybercafé plein d’optimisme. Il y a bien longtemps que je n’ai pas rencontré un citoyen algérien dans le sens plein du terme. Benkadri semblait être un intellectuel libre qui s’impliquait entièrement dans des activités d’intérêt général sans en tirer gloire et en mettant sa belle carrière professionnelle en danger. Dans sa très confortable position sociale, ils sont rares ceux qui s’engagent comme lui s’il y a un risque quelconque pour leur confort établi. Et il y a toujours des risques dans un Etat de non droit pour les citoyens de conviction engagés dans des activités d’intérêt général.
Le doute est un mal.
Les préjugés sont pires.
La confiance aveugle est aussi un mal.
Il faut avoir l’intelligence de ne pas condamner ceux qu’on ne connaît pas avant de les écouter.
Avec Benkadri je n’ai pas eu cette intelligence mais il n’est jamais tard pour bien faire et il n’y a aucune honte de reconnaître ses torts, ses erreurs, ses fautes, ses bêtises. Au contraire cela vous aide à devenir meilleurs, plus efficaces dans ce que vous entreprenez, plus justes dans vos appréciations.
Votre cœur et votre conscience ne vous tortureront pas.

Prenez le temps de vérifier, d’écouter, de poser des questions…

Notre troisième rencontre me révèlera le militant dans toute sa dimension. Avant de m’asseoir en face de lui je lui rends le CD Rom.

- Voici votre bien. Un grand merci, point à la ligne !

- Qu’en pensez-vous ?

- Répondez d’abord à ma question. Quelle a été votre réaction en lisant mon manuscrit ?

- Je pensais à écrire un livre de la même veine mais je suis trop chargé de travail. J’ai réalisé le documentaire en attendant. C’est plus rapide.

- Et moi je rêvais de faire un documentaire semblable au vôtre mais le bon matériel est trop cher pour moi. C’est avec un appareil photo ordinaire que j’ai pris plus de trois mille photos depuis 1999.

Et là Benkadri me pose la question que je ne voulais pas entendre parce qu’il n’était pas correct de répondre à côté ou d’éluder et j’avais peur de le blesser :

- Pourquoi n’étiez pas venu me voir avant. Ce n’est pas le matériel qui nous manque au CRI ? Ensemble nous aurions réalisé un documentaire plus élaboré et vous auriez eu de très belles photos pour votre livre. Le CRI était ouvert à tout le monde. J’ai lancé de nombreux appels aux bonnes volontés. Ne me dites pas que vous ne m’avez pas entendu à la radio ni lu mes interventions dans la presse.

- J’ai entendu, j’ai lu, j’ai vu, j’ai apprécié votre opération d’assainissement du ravin. C’était formidable. Du fait qu’un ministre menteur et un wali qui roule les mécaniques étaient membres d’honneur du CRI je vous ai classé dans la catégorie des béni oui oui frimeurs qui faisaient de la propagande pour Malek Boudiaf et les parasites de l’APC et de l’APW de Constantine qui exploitent les associations à des fins politiques. Plutôt me suicider qu’associer ma qualité d’écrivain, de journaliste, de poète ou de citoyen à ceux qui m’interdisent d’être un citoyen ou ne voient en moi qu’un ventre à remplir.

- J’aime bien votre compliment. Apprenez monsieur Mahdi Hocine que le wali n’a signé sa carte d’adhésion que parce que le ministre Ould Abbes était président d’honneur du CRI. Malek Boudiaf n’aimait pas notre travail sur le terrain. S’il nous tolérait c’était pour ne pas déplaire au ministre. Apprenez monsieur Mahdi Hocine que j’ai insulté Malek Boudiaf dans son bureau. Apprenez monsieur Mahdi Hocine que pour m’acheter Malek Boudiaf m’a proposé de restaurer ma villa avec l’argent de l’Etat et j’ai refusé bien que ma maison soit classée sur la liste du parc immobilier de la période coloniale, ce qui m’ouvre droit à une aide financière de la wilaya pour des travaux de réfection. Ils ne sont pas nombreux ceux qui refusent une aide financière de la wilaya à Constantine. Malek Boudiaf croyait pouvoir me remplir la bouche pour que je ne puisse pas parler. J’ai réparé ma maison avec mes économies pour conserver ma liberté de dire ce que je dois dire sans demander la permission à personne.

Benkadri a parlé sur un ton apaisé et ce n’était pas pour se justifier à mes yeux. C’était sa nature. N’empêche j’étais assommé mais heureux de savoir qu’il était de cette pâte de femmes et d’hommes qui s’accrochent de toutes leurs forces à nos valeurs morales dont les Occidentaux se sont servies pour devenir des grandes nations : la justice, l’abnégation, la vérité, le travail correct, la solidarité, le civisme, le respect de l’autre.
Son opposition au wali est l’incessant et inégal combat entre un citoyen qui s’engage, parce que la loi l’autorise de le faire, dans un travail d’utilité général et un gouverneur incivique qui exige des associations citoyennes de servir d’alibi, de se contenter de paraître, de faire de la figuration, d’applaudir comme le font nos députés, nos sénateurs, nos « élus » locaux et de picorer les miettes de la rente que se partagent les gros bonnets.
Dès le début du conflit entre le wali et Benkadri tous les membres « actifs » du bureau du CRI s’étaient retirés sur la pointe des pieds, abandonnant leur capitaine au milieu de la tempête. Opportunisme et lâcheté ont motivé la fuite de femmes et d’hommes qui étaient pourtant des amis et des collègues du chirurgien poète.
Malek Boudiaf n’en était pas à un coup tordu près contre des présidents d’associations qui lui désobéissent ou lui font de l’ombre. La presse en témoigne. Une fois il ira jusqu’à accuser le président de la fédération des associations de quartiers de détournement de fonds sans preuve. Mais acculé par son adversaire qui avait menacé de l’ester en justice pour diffamation Malek Boudiaf lèvera le drapeau blanc. La radiodiffusion Cirta FM et la presse locale servaient de tribunes aux deux belligérants dans cette chamaillerie de basse cour. J’emploi cette expression qui semblera déplacée parce que j’ai vu comment l’adversaire de Malek Boudiaf avait été « élu » président de la fédération des quartiers. C’était une grosse magouille supervisée par des cadres de la wilaya. J’étais présent au vote avec quelques journalistes. De nombreuses associations n’avaient pas été invitées ni informées de la réunion et de la création de la fédération. Il y avait eu de violentes altercations dans la salle de cinéma du complexe culturel Malek Haddad. Cela ne surprendrait personne s’il s’avèrerait que le résultat de l’élection ait été décidé dans le cabinet du wali qui entretenait de très bonnes relations avec celui qui était devenu subitement son pire ennemi à Constantine pour des raisons qui n’ont rien à voir avec la bonne moralité. Personnellement je le pense.
Cette conclusion je l’ai tirée des déclarations publiques contradictoires des deux adversaires faites pendant plusieurs jours.
Ce n’est pas le cas de Benkadri.
Ce citoyen engagé, hyper actif, libre d’esprit, ouvert, ne se voyait pas du tout cantonné dans le rôle d’un simple figurant au sein d’une société où il sentait que ses activités professionnelles et culturelles apportaient un plus aux habitants de Constantine. Ce plus, ni le gouverneur ni les « élus » locaux n’en voulaient parce qu’il mettait à nu leur paresse mentale, leur manque d’initiative, leur incurie, leur gestion crapuleuse de la ville. Le CD Rom du CRI prouve la dilapidation des deniers publics dans des travaux que des walis et des maires consciencieux n’auraient jamais validés et payés avec l’argent de l’Etat et auraient esté en justice les entrepreneurs, les bureaux d’études, les maîtres d’ouvrages. Le wali passait son temps à promettre des réalisations grandioses et à se rouler dans la fange de l’autosatisfaction et du « tout va bien » sans regarder là où tout va très mal tandis que Benkadri lui démontrait le contraire, le prenait à rebrousse-poil, refroidissait son contentement béat que dément la réalité du terrain. Malek Boudiaf a gaspillé des milliards dans la réfection des routes. Au bout de quelques mois tout est à refaire. Une expertise superficielle sur tous les chantiers prouvera que rares sont les ouvrages réceptionnés qui répondent aux normes contenues dans les cahiers des charges. Voir les bassins du jardin El Ghassiri inauguré en grandes pompes par Malek Boudiaf : une honte !
Un autre scandale est non des moindres : l’un des plus beaux sites touristiques du monde a été transformé en dépotoir (le plus grand de la ville). Ni le wali ni les « élus » n’ont bougé le petit doigt. Il a fallu que le CRI prenne l’initiative de faire le ménage pour que les autorités se réveillent et mobilisent de considérables moyens pour assainir les lieux.
C’était sous l’impulsion du citoyen engagé Benkadri.
Nos walis et nos maires n’aiment pas que les citoyens soient ou paraissent plus imaginatifs, plus créatifs, plus réactifs, plus actifs, plus volontaires, plus efficaces qu’eux. Que font-ils quand un citoyen leur montre leurs défaillances et leur proposent de bonnes solutions. Ils l’agressent, le diffament, lui ferment l’accès de leurs cabinets, l’isolent. Ils salissent les bonnes volontés, ils étouffent les belles initiatives ou les usurpent, ils brisent les élans sincères qui tentent de les arracher brutalement de leur léthargie en les forçant à travailler dans le bon sens.
C’est d’une voix amère que Benkadri m’a raconté son combat contre Malek Boudiaf et ses courtisans de l’assemblée de la wilaya. Naturellement il n’avait pas encore digéré la trahison de ses « amis » et collègues qui avaient abandonné le bateau CRI qu’aucun danger ne menaçait sérieusement. Sa douleur venait de ses « amis » qui lui avaient reproché de s’être attaqué frontalement au gouverneur de la ville au lieu de lui faire les yeux doux comme eux.

- Le wali désirait soumettre toute l’équipe à sa botte. Certainement il avait soudoyé quelques membres du bureau. J’ai défendu l’indépendance du Club. Heureusement que ma femme et mon fils mon soutenu vaillamment. Le CRI n’est pas mort. Il me survivra in cha Allah et continuera de faire du bon travail.

Le cancer qui ronge les pays arabes c’est que les citoyens de bonne volonté et créatifs sont appréhendés comme de dangereux ennemis par les gouverneurs et les « élus » paresseux ou narcissiques que les électeurs n’ont pas choisis :

- N’ayez confiance qu’en vous-même, monsieur Mahdi.

- Est-ce de la naïveté si j’ai tendance à croire qu’il y a des femmes et des hommes qui sont engagés comme vous et moi dans un travail de fond ?

- Trouvez m’en cinq seulement je suis preneur. Oui vous êtes naïf et vous allez être bien déçu.

Je me lève, me dirige vers l’étagère où étaient exposés plusieurs exemplaires de son opuscule, avec sa permission bien entendu. J’en prends un que j’ouvre pour déclamer les refrains de deux chansons qu’il a écrites sur l’Algérie et sur Constantine.

- Ces chansons qui disent votre grand amour pour le pays et la ville vous les avez écrites avec votre sang. Vous vous êtes cassé la figure mais vous ne baisserez pas les bras. Ce n’est pas votre genre. Vous ne me connaissiez pas quand vous m’aviez reçu. Vous ne me connaissiez pas quand vous m’aviez remis l’unique exemplaire de votre CD Rom dont la réalisation vous a coûté de gros efforts.

- Vous aussi vous ne me connaissiez pas quand vous m’aviez donné à lire votre manuscrit qui vous a pris treize ans de votre vie.

- Ce n’est pas pareil. Rien ne vous obligeait de me montrer le CD tandis que moi j’étais à la recherche d’un avis éclairé sur la façon inhabituelle dont j’ai conçu mon ouvrage. Je ne vous connaissais pas et j’avais de mauvais préjugés à votre égard mais j’ai cherché à vous rencontrer dès que j’ai su que le wali était l’instigateur de la suppression de votre émission de Cirta FM. N’est-ce pas troublant que nous ayons réalisé le même travail sur le même sujet et avec le même esprit d’améliorer les choses ?

- En effet si une commission de lecture aura le manuscrit et le CD Rom en main sans signature elle dira que les deux œuvres sont soit de vous soit de moi.

- Je trouve cette coïncidence extraordinaire. Nous suivons le même chemin. Il y a de nombreuses personnes qui défendent les mêmes idées que nous mais chacune est isolée dans son petit coin en rêvant de travailler avec d’autres personnes. Tout le monde se méfie de tout le monde mais le désire de rencontre est très fort. Agissons sur le terrain elles se joindront à nous. Les risques et les trahisons font partie des accidents de la vie. Quand vous animiez l’émission sur les ondes de Cirta FM les autorités détestaient votre langage brutal et sincère. Par contre les citoyens vous écoutaient sans jamais se plaindre de vous. J’ai eu l’information que le directeur de la radio vous a recommandé d’adoucir vos expressions avant de vous chasser du studio. Dernièrement c’est lui-même qui m’avait appris que c’est le wali qui lui avait ordonné de vous virer. J’ai failli l’étrangler parce qu’il se montrait fier d’avoir exécuté la basse besogne voulu par le wali au lieu de prendre votre défense pour le principe. J’avais réagi sans vous connaître personnellement. Dites moi pourquoi ?

- C’est à vous de me le dire.

- Par principes le directeur d’un média n’obéit pas à un wali qui ne fait pas son travail consciencieusement et n’aime pas entendre le langage de la vérité. La radio appartient au public et aux animateurs. Les citoyens que nous sommes avons le droit et le devoir de harceler les gouverneurs et les « élus » par nos questions, nos cris, nos écrits, nos images, notre indignation. Cirta FM est faite pour les citoyens.

- Je suis très sensible à vos réactions face au directeur de la radio. En ce moment je suis débordé par la préparation des examens. Revenez quand vous voudrez après les heures du travail. Malek Boudiaf a exercé de fortes pressions sur le directeur de l’hôpital pour m’expulser de ce bureau mais il est tombé sur un os dur. C’est ici que nous travaillons pour l’avenir de Constantine et pour lui redonner sa belle image mais bientôt nous louerons un local plus spacieux.

- Voici une autre coïncidence non moins troublante monsieur Benkadri. Moi aussi j’ai insulté le prédécesseur de Malek Boudiaf. C’était dans l’immense salle de cinéma du complexe culturel Malek Haddad qui était archi comble parce le wali devait présider la remise des prix d’un concours d’art plastique. Il y avait une poignée d’artistes venus de tous les coins d’Algérie mais le large public était venu pour la caméra de l’ENTV qui suit le wali comme une chienne bien dressée. La coutume chez nos gouverneurs c’est de laisser les invités poireauter le plus longtemps possible. Les organisateurs étaient à bout de patience. Moi j’étais complètement absorbé par un air de flûte péruvienne enchanteresse que diffusait la sono. Je planais au dessus des nuages. Soudain se produit une brutale rupture d’ambiance. La voix zélée d’un animateur couché emplit la salle avec les salamalecs de circonstances, ensuite ce sera celle du wali Nadir H’mimid qui se lance dans l’énumération de « ses réalisations » en s’octroyant des notes d’excellence pour un bilan qui l’aurait emmener directement en prison si le gouvernement et la justice du pays étaient autonomes. C’était insupportable. Je lève la main pour lui demander de changer de disque. Il m’ignore. Alors je me lève, me dirige vers lui, je lui arrache le micro pour le remettre à sa place en une seule phrase :
- ‘’Vous n’avez rien fait de bien à Constantine, vous avez volé et c’est tout !’’
Je lui rends le micro et reprends ma place sous un tonnerre d’applaudissement. Il me répondra en m’accusant de faire de la politique dans un établissement culturel. C’était justement ce que j’ai voulu lui faire comprendre. Ce n’était ni le lieu ni le moment de nous rebattre les oreilles avec le disque super usé du ‘’tout va bien’’. Les discours puant l’autosatisfaction des walis sont une insulte à l’intelligence humaine et à la fibre citoyenne. H’mimid devait comprendre que, tout wali qu’il était, rien ne l’autorisait de faire attendre ses cinq cents invités pendant plus de 90 minutes et ensuite les ennuyer avec des platitudes qui n’intéressent personne dans la salle. J’étais accompagné de mon épouse, d’une cousine et du poète Nécib Said.

Benkadri se met à rire :

- J’en ai entendu parler, cela ressemble à un coup de folie. Je me suis renseigné sur vous. Un journaliste qui traite sans motif et en public un wali de voleur cela ne passe pas inaperçu.

- Je n’ai pas réagi en journaliste et il y avait un bon motif. Je suis un citoyen très intelligent que le wali prenait pour un imbécile. Je sais qu’il a gaspiller des centaines de milliards dans la réfection des routes et des trottoirs qui n’ont pas tenu plus d’un mois alors qu’une route bien faite résiste cinquante ans au minimum. A mes yeux il est complice avec les entrepreneurs et les maîtres d’ouvrage qui ont signé les bons de réception. Une fois j’ai observé un chantier pendant des semaines. C’était du n’importe quoi. J’ai questionné l’entrepreneur qui m’a répondu : «-ce qui intéresse le maire et le wali c’est de pouvoir aligner des chiffres qui montrent qu’ils ont travaillé. La qualité des réalisations c’est le dernier de leurs soucis. Ils nous paient pour faire du mauvais travail, nous faisons du mauvais travail. S’ils ont des centaines de milliards à jeter par les fenêtres je serai un idiot de ne pas en profiter. Eux en profitent sans vergogne, pourquoi pas nous ?-». Une année après une autre entreprise a été engagée pour refaire entièrement le même tronçon de route. J’ai écrit aux journaux, à la présidence, au ministre des travaux publics ou du sabotage public, au sénat, à l’assemblée nationale, au ministre de la justice ou de l’injustice. Personne n’a bougé. Il faudra une commission d’enquête judiciaire sur tous les travaux entrepris depuis 1975 à Constantine et partout en Algérie. C’est un crime contre la nation et l’hémorragie des deniers publics continue. Vous en parlez d’ailleurs dans votre CD de la même manière que j’en parle dans mon ouvrage et c’est pour cela que celui-ci ne trouvera pas un éditeur en Algérie. En guise de punition pour sa mauvaise gestion H’mimid sera promu ministre de l’urbanisme et de l’habitat. Nous aboyons mais la caravane des médiocres, des incompétents et des mafieux poursuit son chemin. Nous crions dans un désert.

Je me lève :

- Puis-je récupérer le manuscrit ?

- Naturellement. Téléphonez avant de revenir cela vous évitera d’attendre, de vous déplacer inutilement ou de vous mettre en colère contre moi. En général je ne pose pas de lapin, je suis toujours en avance d’un quart d’heure sur mes rendez-vous.

L’infirmière l’avait certainement informé de mon pic de mauvaise humeur lors de notre précédente rencontre. Je réplique :

- Personne ne peut tuer le temps. C’est le temps qui nous dévore. Nous avons dix siècles de retard sur l’Allemagne parce que dans ce pays chaque minute
est utilisée à bon escient. Je respecte le temps des autres.


Notre quatrième rencontre se déroulera à peu près dans la même ambiance. Il avait organisé un forum sur le dialogue entre les religions. Les invités de haut niveau étaient venus de plusieurs pays. Tout semblait marcher dans de bonnes conditions. Mais un universitaire de Constantine, Abdelmadjid Merdaci, a scandalisé l’auditoire en changeant à la dernière seconde le titre de sa conférence pour se faire bien voir par les invités juifs. Benkadri fut consterné par le coup tordu de l’universitaire qui n’avait pas eu l’élégance de l’avertir avant le tirage du programme des conférences. Même les invités juifs avaient désapprouvé le coup de brosse trop flagrant de l’universitaire qui a reçu une pluie d’insultes de l’auditoire dont un bon nombre de sexagénaires traumatisés par les génocides de Jénine, Bethléem, Sabra, Chatila qui restaient d’actualité.

- Vous vous rendez compte monsieur Mahdi. C’était un ami. Je lui ai fait l’honneur de le programmer avec des intellectuels plus baraqués que lui et voyez de quelle manière il m’a remercié. J’ai été dans un grand embarras. Jamais un conférencier ne change le titre de son sujet à la seconde où il s’installe face au public. Par correction il devait m’avertir. Il désirait plaire aux invités juifs c’est compréhensible. Rien ne l’empêchait de leur faire les yeux doux à l’hôtel ou au restaurant. Vous n’avez pas vu ce qu’il a encaissé comme insultes. Je vous montrerai un jour la vidéo de la conférence. C’était malhonnête de sa part. Les conférenciers juifs avaient compris son message, ils lui ont répondu par un total mépris sur place. Ils me l’ont dit. Cela n’a pas dérangé la rédaction de la Tribune qui a publié un article élogieux sur sa conférence.

- C’est normal. L’auteur de l’article ne peut être que sa propre fille, lui-même sous un pseudonyme ou l’un de ses frères. Ils sont tous journalistes dans la famille mais ils ne sont pas tous malhonnêtes comme lui. J’en connais trois qui sont d’une grande correction et d’une belle modestie. Vous les connaissez peut-être Nordine, Djamel Edine et Abdelali. C’est la cave et le dixième étage en terme de comparaison. A moi aussi Abdelmadjid Merdaci m’a fait un coup impardonnable. Pour couvrir des mensonges de l’historien Mohamed Harbi il a lancé une pétition contre moi, m’accusant d’appartenir à une officine des services secrets. Cette pétition a été signée en Algérie et en France par des célébrités du milieu intellectuel qui ne savait rien de mon conflit avec Mohamed Harbi. Même l’honnête madame Badinter a signé. Je ne comprends pas pourquoi des gens honnêtes signent des pétitions sans regarder ce qu’il y a derrière. Abdelmadjid Merdaci me connaissait très bien. Lui et ses frères géraient le journal le Temps du Constantinois qui n’a pas fait long feu. Selon des informations à vérifier le Temps a été créé pour la campagne électorale de Mouloud Hamrouche. J’ai écrit avec eux des petites choses mais comme ils ne payaient pas les journalistes j’ai arrêté. Ecoutez bien, vous allez rire. J’ai demandé à Abdelmadjid Merdaci de publier mon droit de réponse comme le lui commande l’éthique du métier. Il a promis de le faire. Quelques jours après il m’a informé que son épouse s’était opposée à la publication de ma lettre qui contiendrait des injures contre lui. Abdelmadjid Merdaci est professeur en sciences humaines. Il enseigne un module de déontologie à qui il tord le cou dans sa pratique nauséabonde du journalisme. Vous devriez le savoir puisqu’il était votre ami. A mes yeux c’est la honte du journalisme.

- Nous croyons connaître les gens, en fin de compte c’est faux. Dieu préservez moi de mes amis quant à mes ennemis je m’en charge… Nous y sommes. C’est une vielle leçon… Vieille comme le monde mais nous nous laissons prendre dans le piège des bons sentiments. C’est bête mais c’est comme ça.

Pour changer de sujet j’oriente la conversation sur Gaza.

- Des juifs de France et du Maghreb avaient combattu le colonialisme français en Algérie et en Afrique. Aujourd’hui ils soutiennent par tous les moyens le colonialisme en Palestine. Pourtant le colonialisme est partout pareil. Des artistes juifs qui ont le titre d’ambassadeur de l’ONU ont manifesté en faveur du génocide de Gaza alors que le monde entier et l’ONU l’ont condamné. Comment un anticolonialiste notoire peut-il soutenir le colonialisme au Liban, en Syrie, en Palestine et ailleurs ?

- Quand vous parlez d’un problème des pays arabes il faut chercher la solution en Amérique. C’est Bush qui a orchestré la destruction du Liban en 2006. C’est Bush qui a supervisé le génocide de Gaza. C’est Bush qui s’opposait à la création d’un Etat palestinien dans le vrai sens du terme. C’est Bush qui a fait empoisonné Arafat C’est Bush qui finançait la colonisation en Palestine. Sharon, Ehud Barak, Netanyahu, Livni, Olmert ne sont que de tristes exécutants. L’armée sioniste est une branche de l’armée américaine. Les Arabes n’ont que la bouche pour se battre contre les Américains mais leurs bouches sont bourrées de dollars. Comment feront-ils pour parler. Je ne vois rien d’autre. Dites vous que les religions n’ont rien à voir avec la guerre au Moyen Orient. Le pétrole et le commerce des armes sont les mamelles de la prospérité de l’Amérique. Qui peut se dresser contre les Américains ? Qui peut libérer l’ONU des griffes des Américains ? Lorsque l’ONU, l’Egypte, l’Arabie saoudite et la Ligue arabe s’affranchiront de Washington la Palestine sera indépendante.

- J’ai posé ces questions dans plusieurs articles. Mais en Europe et en Amérique les intellectuels font tout pour fuir le vrai débat, ils orientent l’opinion sur de fausses pistes tandis que les intellectuels arabes ne proposent rien. J’ai suivi les débats médiatiques et les informations des gros médias européens. Mensonges et manipulations sont flagrants. Le colon sioniste est un ange, le palestinien est un égorgeur. Le problème c’est que l’Européen lambda avale la couleuvre sans réfléchir. Pourtant il a subi l’occupation nazie qui avait fait de lui l’esclave des aryens. Quand les soldats allemands s’emparaient de ses biens, massacraient ses enfants, violaient ses filles et sa femme sous ses yeux et dans son lit ou sodomisaient ses fils, il était allé supplier les américains et les colonisés d’Afrique pour le libérer du colonialisme germain. Maintenant ce sont des Anglais, des Français, des Suisses, des Russes, des Polonais, des Hollandais, des Yougoslaves, des Autrichiens, des Canadiens, des Américains qui volent les biens des Palestiniens, des Libanais, des Syriens au nom de la religion. Mais les intellectuels européens qui défendent les droits de l’homme, la justice, la paix se taisent ou se mettent du côté des colons sionistes avec l’excuse que ceux-ci ont été persécutés dans toute l’Europe pendant des siècles et par les nazis pendant cinq ans. Ainsi ce sont les Palestiniens, les Libanais, les Jordaniens et les Syriens qui paient pour les crimes des Européens et des nazis. Jean Daniel, René Bakmman, Bernard-Henri Lévy, Bernard Pivot, Calvi, Patrick Poivre d’Arvor, Claire Chazal, Enrico Macias parlent du génocide de Gaza comme d’une simple opération de maintien de l’ordre. N’est-ce pas le monde à l’envers ?

- Les médias vivent de la pub et les journalistes vivent des médias, monsieur Mahdi. Si les sionistes dominent la finance et la communication en ce bas monde, si l’AIPAC dicte sa loi au Congrès américain ce n’est pas pour rien. Il nous faudra organiser un colloque sur le thème à Londres ou Paris car les dirigeants arabes n’ont pas le droit d’autoriser un tel colloque sur leurs territoires.


Je n’ai pas voulu approfondir la discussion. Je le sentais quelque peu réticent sur les sujets d’actualité. De mon côté j’étais obsédé par la détresse des peuples arabes et africains qui sont écrasés par des dictateurs que protégent les anciennes puissances coloniales et l’Amérique. En moyenne tous les trois jours je publiais un texte sur mon blog pour apaiser ma colère et crier ma haine à la face des dictateurs arabes et de leurs alliés et protecteurs en Occident.

- Je vous donne les coordonnées de mon site web. J’espère bien que vous aurez le temps d’y jeter un petit coup d’œil. Je vous avertis : ce n’est pas de la poésie.



Nous nous sommes séparés avec l’espoir de nous retrouver bientôt pour établir un programme de travail. Comme toujours sans fixer une date.
Ce sera malheureusement notre dernière rencontre.
La raison ?
Il a été promu directeur du centre hospitalier universitaire de Constantine. C’était impensable. Il avait une telle charge de travail. De jour et de nuit. Comme j’ai des visites fréquentes à l’hôpital j’ai eu la chance de le voir à l’ouvrage. Il a commencé par une grande opération d’hygiène dans tous les services. Pour la première fois depuis des décennies l’hôpital de Constantine a commencé à ressembler à un hôpital géré par des êtres humains qui ont choisi un dur métier par vocation et pour soulager la misère et les souffrances des êtres humains. Malgré les grèves tournantes des résidents et l’indiscipline d’une bonne partie du personnel médical et paramédical habituée de travailler à l’humeur et à la tête du client.
Une semaine avant son ultime voyage j’ai essayé de le contacter. Il était au bloc chirurgical. Au four et au moulin, infatigable, constamment animé par la volonté de bien faire et de donner de son temps aux autres.
Jusqu'à l’épuisement.
Son épouse doit être un ange de patience.
Pour lui les malades n’étaient pas seulement des dossiers ou des objets d’études mais des femmes, des hommes, des enfants que l’attention du médecin et du personnel paramédical aide à guérir parfois mieux que les médicaments. Nous avions discuté une fois. J’avais écrit un article sur la mauvaise gestion du secteur hospitalier universitaire avant qu’il en devienne le premier responsable. Le directeur de rédaction l’avait mis au frigo. J’avais l’intention de l’insérer sur mon site web quelques jours avant la promotion imprévisible de Benkadri. J’ai tempéré ensuite pour donner le temps au nouveau gestionnaire de montrer de quoi il était capable en matière d’organisation. Je n’ai pas été déçu.
Mille fois hélas, en Algérie tous les médecins n’ont pas sa belle conception de leur métier.
Dans nos hôpitaux est en train de se développer une nouvelle race de praticiens. Ceux-ci font courir le malade jusqu’au jour où, épuisé, il s’adressera à une clinique privée en s’endettant lourdement. Comme par hasard c’est le médecin traitant qui le suivait à l’hôpital que le malade trouvera à la clinique privée prêt à le charcuter contre le versement d’une forte somme d’argent.
Des malades sont morts avant de pouvoir trouver l’argent pour se faire opérer parce qu’ils n’ont pas de piston. Mais même la justice n’est pas en mesure d’intervenir du fait qu’il n’y a pas de plainte des familles faute de moyens et de preuve ou de connaissance de la loi.
Benkadri ciblait ces trabendistes ès médecine qui, semble t-il, seraient autorisés par le ministre de la santé de se faire des extra en assassinant, par de longues attentes et d’incessants va et viens, les malades de l’hôpital qui n’ont pas les moyens de payer les services d’une clinique privée.
Constantine a perdu un professeur en médecine exemplaire, un poète et un amoureux qui se battait avec acharnement pour lui redonner sa réputation perdue de l’une des plus belles villes du monde.
L’Algérie a perdu l’un des rares gestionnaires d’une grande qualité morale et professionnelle qui n’a pas été tenté par des salaires mirobolants que lui ont proposés des cliniques à l’étranger. Se sentant plus utile en formant de bons médecins dans son pays. Un jour il m’avait dit :

- Nos parents se sont sacrifiés pour libérer le pays du colonialisme. Nous serons des traîtres si nous ne poursuivrons pas leur combat en construisant une belle Algérie telle qu’ils la rêvaient. La révolution algérienne devait commencer en 1962 mais la soif du pouvoir a faussé tous les calculs des vrais révolutionnaires qui ont été liquidés ou chassés du pays par leurs compagnons d’armes. J’ai une bonne place qui m’attend partout dans le monde. Mais c’est ici que mes compétences sont indispensables. J’ai une dette envers ceux qui sont morts pour l’indépendance de notre belle Algérie.

Moi j’ai perdu un compagnon d’arme, un camarade, un militant d’une grande sincérité.
Peut-être ai-je perdu une amitié en gestation…
En tout cas c’était un baroudeur. Ses bonnes relations avec les ministres lui ouvraient toutes les portes mais il n’en avait pas usé pour en tirer des privilèges.
C’était un idéaliste, un passionné…
C’était un citoyen au sens noble du terme. Ses textes reflètent sa personnalité et ses rêves. Ses actes traduisent ses pensées. Je n’ai pas eu le temps de découvrir ses défauts. Certainement il en a comme tous les vrais hommes avec un grand H. Qu’importe puisqu’il a mis son savoir-faire au servir des autres sans s’octroyer des indus alors qu’il avait la possibilité de s’empiffrer à la table du roi comme Aboudjera Soltani, Boukrouh, Ziari, Ben Salah, Ouyahia et consorts.
Il préférait la liberté aux privilèges.
Il préférait le terrain à l’ambiance veloutée du bureau.
Il préférait la vérité au mensonge.
C’était l’Algérien qui rêvait d’une Algérie belle, fraternelle, généreuse et il est mort après avoir vu que toute la jeunesse algérienne porte en elle ce rêve. Comme les contemporains de Mohamed Dib, Kateb Yacine, Nadia Guendouz, Z’hor Zerrari, rêvaient d’une Algérie libérée du joug colonial et protégeant tous ses enfants sans distinction ; débarrassée du virus de l’ignorance, du tribalisme, du régionalisme, de l’archaïsme, de la trahison…
Dernière image :
Dans les premiers rangs du cortège mortuaire marchaient les courtisans de Malek Boudiaf qui est installé à Oran entouré par de nouveaux courtisans. Benkadri Hocine détestait les courtisans et ceux-ci voyaient en lui l’ennemi à abattre.
Sont-ils venus pour rendre un dernier hommage au défunt ou dans l’espoir de se faire photographier auprès du ministre dont je n’ai pas remarqué la présence au milieu d’une grosse foule ?
Vous le savez bien, les courtisans sont capables de toutes les saloperies imaginables et le reste.
J’ai failli leur cracher dessus. Mais le méritent-ils vraiment ?
Surtout dans un cimetière.
Ce serait leur faire trop d’honneur !
Avant d’insérer ce texte j’ai tenu à discuter avec des techniciens de la santé connus pour leur honnêteté à l’hôpital et qui sont sur le départ à la retraite. Ils en ont vu un bon nombre de directeurs passer et trépasser au centre hospitalier universitaire Ibn Badis. Leurs avis m’étaient indispensables.

- Depuis quand n’avez-vous pas vu l’hôpital propre et organisé comme il l’est devenu ou redevenu depuis sa gestion par le professeur Benkadri Hocine ?

- Cela fait quarante ans au moins.

Quoi dire de plus ? Quel meilleur hommage peuvent faire des travailleurs honnêtes à un bon responsable ?
Des questions s’imposent à mon esprit au moment où je me demande comment Benkadri a-t-il fait pour franchir les nombreux barrages filtrants dressés par les promoteurs de la médiocrité qui laissent très rarement et malgré eux les mains libres à un gestionnaire compétent et honnête.
Que fera son successeur ?
Aura-t-il le bon sens et la volonté d’améliorer la gestion pour la dignité des malades et l’honneur de la médecine comme a essayé de faire Benkadri jusqu’à en mourir tant le cumul des problèmes et l’indiscipline du personnel le tourmentaient ?
Veillera t-il à la sauvegarde du précieux matériel que Benkadri avait découvert en « panne » alors que des responsables malhonnêtes ne l’avaient jamais mis au service des malades et, peut-être, avaient l’intention de le déclarer reformé pour le revendre au rabais et encaisser une juteuse ristourne?
Donnera t-il de l’importance à la propreté de l’hôpital, à la qualité du service aux malades ?
Sera-t-il humain au point de veiller à ce que les patients soient traités sur le même pied d’égalité, sans piston, avec respect par le personnel médical et paramédical ?
Bien sûr, il le fera s’il a les compétences d’un bon gestionnaire et le grand courage de résister aux forces d’inertie qui lui mettront les bâtons dans les roues pour l’empêcher d’être à la hauteur de sa mission. Car l’hôpital, comme l’école et le palais de justice, est un sacerdoce. Il exige un engagement militant, de grands sacrifices. Il ne laisse aucune marge à l’improvisation et aux négligences car des malades en sont morts.
Cela fait quarante ans que le C.H.U. a été géré comme un souk.
Mais en moins de six mois Benkadri Hocine a démontré magistralement qu’il faut être un bon citoyen et aimer son métier pour faire du bon travail.
Lisez son poème, c’est le reflet de ses pensées et de ses actes.

Algérie

Algérie si tu savais
Tout le mal que l’on t’a fait
Algérie si je pouvais
Apprendre aux hommes
A mieux t’aimer


On a voulu faire de toi
Un pays sans loi
Une nation sans histoire
Ne vivant que de haine
Un peuple sans mémoire
Faisant de l’allégeance sa foi
De la médiocrité sa reine
Et des vautours ses rois

Le crépuscule ne peut durer
La vie est ainsi faite
Le soleil doit se lever
Et nous relèverons la tête
Le délire n’a plus de place
La raison doit l’emporter
Nous devons briser la glace
Et apprendre à pardonner

Chanson écrite par Benkadri Hocine


Le 6 Mai 2011 Mahdi Hocine

Aveugle et sourd : Un métier qui rapporte gros

Aveugle et sourd :
Un métier qui rapporte gros

Après le rapprochement de Fatah et de Hamas tant espéré par tous les peuples arabes pour que Pères et Netanyahu ne puisse plus jouer sur les divisions stupides des palestiniens et perpétrer des crimes contre l’humanité en Palestine en étendant la colonisation à l’infini, j’ai attendu avec impatience de lire la chronique de Bernard-Henri Lévy.

C’est fait.

Le titre de la chronique est tout ce qu’il y a d’infâme, de racoleur, d’indécent : « ‘’Ah les cons ! ‘’».

Qui sont les cons ?

Selon lui, tous les hommes d’Etat et les humanistes du monde qui ont salué le réveil tardif de Mahmoud Abbas et sa décision de ne plus faire de concession aux américains ni sur les frontières de 1967 ni sur le démantèlement des colonies ni sur le retour des réfugiés. Ce n’est plus la marionnette de Bush qui avait empoisonné Yasser Arafat pour lui offrir les fauteuils de chef suprême d’un Fatah vendu aux sionistes et de président d’une Autorité palestinienne coupée des citoyens et dont le rôle voulu par Bush et Sharon était de liquider la résistance armée et de renoncer à toutes les revendications pour lesquelles Arafat a été assassiné. A savoir : le partage fait par l’ONU dont ni les américains ni les sionistes ni les Européens ne veulent plus entendre parler depuis que les rois arabes, Anouar Sadate et Hosni Moubarak ont compris que leur avenir personnel (pas de leurs pays) est entre les mains de Washington.

Sans surprise Bernard-Henri Lévy s’est montré plus royaliste que les rois du crime Pères, Netanyahu, Liebermann, Livni en critiquant les retrouvailles de deux frères égarés par des calculs qui ne profitaient qu’aux ennemis du peuple palestinien.

A présent aucun analyste sensé n’est en droit de penser que l’avocat en titre des génocidaires sionistes à Sabra, Chatila, Gaza, Jénine, Kafr Kacem est un humaniste qui déraille quelques fois sans dépasser les limites qu’autorise une interprétation approximative de certains événements.

La démonstration est faite désormais.

Indiscutablement Bernard-Henri Lévy joue volontairement le sourd, l’aveugle, l’idiot, l’amnésique. Pour ne pas voir, entendre et comprendre ce qui se passe autour de lui parce que ce n’est pas ce qu’il désire. Il a l’intelligence fine mais il n’arrête pas de jouer à l’idiot de la classe intellectuelle occidentale.

Qui amuse t-il dans son monde de plus en plus restreint puisque même Jean Daniel a changé sa vision sur la colonisation sioniste sans avoir le courage de qualifier les crimes contre l’humanité cités plus haut ?

Personne !

J’en fais le pari.

En cela il imite les propagandistes nazis qui écrivaient rarement ce qu’ils pensaient ou ce qu’ils voyaient. Ils croyaient tromper les autres mais ils se mentaient à eux-mêmes. Leur rapport avec la réalité était conflictuel alors ils écrivaient ce qu’ils désiraient voir en prétendant que c’est ce qu’ils avaient vu.

C’est de cette manière que se comporte Bernard-Henri Lévy quand les événements s’opposent à ses projections, le contredisent, lui répondent souvent avec un cinglant démenti, un camouflet retentissant.

Une réalité incontournable et mise en exergue par tous les observateurs crédibles des cinq continents : les peuples arabes rêvaient de la chute de Moubarak et du roi de l’Arabie Saoudite parce que américains et sionistes appuyaient leur stratégie de domination sur ces deux dictateurs sanguinaires et pourris par l’argent qui jouent aux gendarmes du Moyen Orient pour le compte de Washington.

C’était le rôle ignoble du chah d’Iran qui avait achevé sa vie en chien errant comme tous les traîtres à leur nation.

Pendant les manifestations et après la déchéance de Moubarak et de Ben Ali la jeunesse révolutionnaire en Tunisie et en Egypte s’était engagée fermement de faire de telle sorte que la question palestinienne sera réglée par l’ONU, sans la participation de « l’arbitre » inéquitable américain qui permet tout aux sionistes et impose des conditions déshonorantes aux Palestiniens. La jeunesse égyptienne n’a pas manqué au devoir de manifester devant l’ambassade sioniste au Caire pour lancer un message à Barack Obama et à Hillary Clinton qui avaient sacrifié Hosni Moubarak et essayé de le remplacer par Soleimane (un ami intime des dirigeants sionistes) dont la mission était d’étouffer la résistance palestinienne contre la colonisation en travaillant directement avec le Mossad et les services de sécurité de Mahmoud Abbas pour fermer les frontières à l’approvisionnement des fidayîn en armes et isoler Gaza.

La jeunesse tunisienne aussi avait manifesté pour la Palestine en brûlant des drapeaux américains et sionistes car aucun citoyen arabe ne dissocie ces deux entités des malheurs du Moyen Orient.

Ce jour là Bernard-Henri Lévy s’était bouché les oreilles pour ne pas entendre les clameurs d’une jeunesse libre, fermement décidée de conquérir ses droits et ceux du peuple palestinien.

Avant ce jour aucun dirigeant arabe n’autorisait dans son pays des manifestations antisionistes et antiaméricaines dans les rues. La jeunesse révolutionnaire tunisienne et égyptienne a brisé ce tabou. Un magnifique élan de solidarité active qui a incité la jeunesse palestinienne à sortir massivement dans les rues pour exiger du Fatah et du Hamas de former un front uni pour aller à l’ONU et contourner l’entente crapuleuse des Américains et des Européens qui n’arrêtent pas de couvrir les crimes sionistes, la colonisation et de demander et d’obtenir toujours d’avantage de concessions de Mahmoud Abbas après l’avoir isolé de sa base populaire.

Ce jour là Bernard-Henri Lévy s’était bandé les yeux pour ne pas voir le magnifique élan de solidarité active de la jeunesse tunisienne et égyptienne avec les Palestiniens qui exigent de Fatah et de Hamas de s’unir et de brandir leurs armes
contre leurs véritables ennemis qui exploitent leurs chamailleries d’alcôves pour coloniser toujours d’avantage de territoires et assassiner d’avantage de résistants
judicieusement et farouchement opposés à l’échange des terres fertiles contre du sable stérile et qui se sacrifient pour le retour à leur maison et à la maison de leurs ascendants de tous les réfugiés palestiniens qui désirent revenir vivre dans leur pays spolié.

Spolié avec la complicité de l’ONU, répétons le cent milliards de fois s’il le faudra pour être entendus et compris.

Bernard-Henri Lévy n’est ni aveugle ni sourd ni idiot. Il s’informe à la seconde sur tout ce qui se dit et se fait au Moyen Orient. Mais quand il écrit il défend l’indéfendable du point de vue d’un humaniste abreuvé à la pensée universelle dont les principes sont : respect, justice, équité, paix.

J’allais titrer cette chronique ‘’Ah le con !’’. Comme il n’est pas con, j’ai renoncé.

C’est un monstre, oui.

C’est un nazillon, oui.

Mais pas un con.

Qu’est-ce qui le différencie des auteurs de crimes contre l’humanité qu’il défend avec autant d’acharnement ?

Pas grande chose à mon avis !


Le 15 mai 2011

Mahdi Hocine

Ben Bella était le Bokassa algérien

Ben Bella était le Bokassa algérien

Quand la parole est d’argent,
le silence est d’or…

J’ai eu cette intime conviction quand, très jeune, j’ai eu entre les mains des journaux français relatant le détournement par les services français de l’avion marocain qui transportait vers la Tunisie Boudiaf, Ait Ahmed, Ben Bella, Lacheraf…

Dans la grande campagne de propagande coloniale qui a entouré cet acte de piraterie d’Etat les services de communication de l’Elysée avaient fomenté un véritable putsch contre la révolution algérienne en fabriquant à Ahmed Ben Bella la stature du chef suprême de la rébellion. Tous les gros titres de la presse en France, en Algérie et en Europe étaient conçus de telle sorte que Ben Bella soit perçu par l’opinion comme le symbole, le déclencheur, le meneur de la guerre de libération. Pas un mot ni sur Boudiaf ni sur Ait Ahmed. En première page des journaux et des magazines à fort tirage, les plus influents, les plus vendus de l’époque il n’y avait de place que pour Ben Bella suivi de la mention négationniste tant elle était vague « et ses compagnons ».

On aurait dit que les médias s’étaient tous mobilisés pour faire oublier les vrais meneurs de la révolution en ne citant jamais leurs noms. Pendant la grève de la faim de 8 jours des prisonniers algériens qui revendiquaient le statut de détenus politiques en 1958 nous n’entendions que le nom de Ben Bella qui s’est définitivement incrusté dans la mémoire populaire comme le symbole de la résistance au colonialisme. Les journalistes algériens qui officiaient à la chaîne arabophone de la radiodiffusion coloniale à l’époque avaient le même langage que leurs confrères de l’ORTF (1). Ils étaient soumis à des ordres strictes : ne jamais prononcer les noms des « compagnons » de Ben Bella. Ils demeurent présentement les dignes professeurs des journalistes béni oui oui qui squattent aujourd’hui les médias publics hérités de la puissance coloniale (biens et méthodes de travail) pour se retrouver un jour ministres, députés ou sénateurs. Ils portent une lourde responsabilité dans une considérable campagne visant à grandir Ben Bella pour effacer de l’histoire de la révolution algérienne les noms de ses plus brillants instigateurs.

L’acte d’amputation de la mémoire nationale était prémédité par les maîtres de l’Elysée.

Trente ans plus tard j’ai eu la chance de rencontrer l’un des rares algériens qui aient plaidé pour l’indépendance de l’Algérie en 1947 au palais Bourbon. En effet, monsieur Derdour Djamel (2) était député à l’époque sur la liste de Messali Hadj avec Lamine Débaghine, Mezrena et Boukadoum qui avaient scandalisé la France en revendiquant l’indépendance à l’intérieur des murs de l’Assemblée Nationale française présidée par Edouard Herriot. Plus tard il rejoindra le FLN en Tunisie. C’est l’un des rares militants à avoir rendu visite à nos cinq captifs qui étaient en résidence surveillée en France. Cette visite était motivée par un grave problème qui se posait à l’Etat major. Des décisions étaient envisagées mais il fallait l’aval des responsables prisonniers. Derdour Djamel a été bien reçu par les historiques. Mais il retiendra de ce premier contact une lourde atmosphère de suspicion, d’animosité, de froideur ou de malaise. Après un long entretien avec Boudiaf il avait déduit que Ben Bella pouvait avoir été « retourné » par les services français qui venaient souvent le voir en aparté.

Boudiaf était très inquiet et d’une grande méfiance. Il se tenait à l’écart de Ben Bella.

Ait Ahmed aussi.

Pour me prouver qu’il a bien rendu visite aux nos prisonniers historiques monsieur Derdour m’a montré une feuille sur laquelle était inscrit le menu de la journée (les repas) agrémenté de la signature de Boudiaf. Ce papier est aujourd’hui un précieux document qui aura sa place au musée des vrais moudjahidine lorsque les Algériens auront le droit de connaître toutes les facettes de leur Histoire après la disparition des faussaires, des cachottiers, des menteurs, des manipulateurs et des plagiaires qui profitent du fait que les archives sensibles de notre révolution enterrés en France et en Algérie ne sortiront des coffres-forts que dans un siècle au minimum.

Il est naturel que les fréquents contacts des services français avec Ben Bella soient très mal perçus par Boudiaf et Ait Ahmed. Des cinq captifs Ben Bella était le moins cultivé, le moins politisé, donc le plus facile à manier psychologiquement. En outre son arrestation pour le braquage de la poste d’Oran a laissé des traces noires. Epuisé par la torture il aurait livré d’importantes informations aux enquêteurs. Vrai ? Faux ? Personne ne peut ni infirmer ni confirmer avant l’ouverture des archives.

Ce n’est qu’en 1962 que tous les doutes disparaîtront.

De Gaulle avait bien formaté son Bokassa algérien. Très peu de nos concitoyens se souvenaient de Boudiaf et d’Ait Ahmed à cette date précise. Le petit peuple chantait le nom de Ben Bella en toutes circonstances. D’ailleurs, au lendemain de l’interruption en catastrophe du Congrès de Tripoli, Ben Bella avait menacé de brûler l’Algérie s’il n’aura pas le poste de la magistrature suprême. Et, après avoir mené l’Algérie au bord de la guerre civile, il deviendra le président de tous les Algériens avec 98,90 % ou plus des voix car Benkhendda avait démissionné de son poste de président pour stopper le bain de sang entre frères de combat.
Ben Bella était l’unique candidat du FLN. Indirectement ou non c’était une très belle réussite du général De Gaulle qui avait ses loups dans notre bergerie.

Première action de l’élu du peuple mais pas à 98 % et des poussières :

Il écartera tous les révolutionnaires qui lui font de l’ombre. Boudiaf, Ait Ahmed, Lamine Debaghine, Ferhat Abbas. Les patriotes et les compétences avérées seront ses premières victimes. Il les présentera au peuple comme des ennemis de la révolution asservis par des puissances étrangères. Pendant son court règne la machine répressive benbelliste fonctionnera H.24. Enlèvements, disparitions, assassinats, internement dans les anciens camps du Sud Algérien où la puissance coloniale enfermait nos valeureux combattants dans des conditions inhumaines. L’historien Mohamed Harbi était l’éditorialiste de Révolution Africaine, il soutenait à fond le dictateur dont il deviendra le chef de cabinet. Mais très vite le Bokassa algérien fabriqué par De Gaulle sera « récupéré » par Gamal Abdenacer qui était le leader incontesté du panarabisme.

La France a perdu son Bokassa mais l’Algérie sera écrasée par un zaïm (très pale copie de Nacer) atteint du syndrome de la ‘’complotite’’ poly compliquée et qui fermera le jeu politique, criminalisera la liberté de la presse et confisquera la souveraineté citoyenne. Pour diviser les Algériens Ben Bella inventera l’attestation communale. Un crime contre la mémoire des martyrs, contre la nation et contre la révolution dont le cours sera dévié dès 1962 par les opportunistes, les « patriotes » de la vingt cinquième heure et les ‘’marsiens’’ (moudjahidine du 19 mars 1962).

En effet, trois faux témoignages suffisent à un serviteur sanguinaire du colonialisme français pour devenir un ancien moudjahed. L’historien Mohamed Harbi m’a dit qu’il était présent quand l’attestation communale a été inventée (3). L’idée lui déplaisait mais il n’avait rien dit alors qu’il était l’idéologue du FLN. Il était aussi le cerveau de Ben Bella qui n’avait que son physique et sa voix chaude pour séduire les foules. Son discours contre l’invasion de nos frontières par Haasan ll, roi du Maroc, avait fait pleuré tous les Algériens, même ses adversaires politiques.

Ainsi des milliers de harkis, de traîtres, d’amis de la France ont pu s’acheter à peu de frais une brillante carrière de révolutionnaire. Ensuite ils feront de l’attestation communale une source de revenus qui dévore le quatrième plus important budget de la république algérienne (faite par et pour le peuple).

Et quand un vrai Moudjahed, haut fonctionnaire au ministère de la justice, débusque les faux moudjahidine il sera jeté en prison comme un vulgaire criminel de droit commun. Ce n’est qu’une décennie plus tard qu’un ministre de la république, Chérif Abbas, reconnaîtra l’existence de dix mille faux anciens combattants. Cela n’empêche pas qu’en 2011 le vrai moudjahed Benyoucef Mellouk soit toujours l’ennemi public n°1 parce qu’il a eu le courage de soulever le couvercle d’un puits que l’organisation des anciens moudjahidine et leurs héritiers, les enfants des chouhada et leurs descendants, les députés, les sénateurs, les historiens officiels n’ont jamais voulu regarder de près.

Et pour cause !

Chaque attestation communale d’un harki implique trois moudjahidine qui ont témoigné sur l’honneur et signé des documents officiels qui comportent leurs faux témoignages, leur parjure et leur trahison à l’égard des martyrs de la révolution.
Voici tout ce qui reste du règne de Ben Bella parvenu à la présidence par un coup d’Etat contre Benkhedda et destitué par un coup d’Etat du même colonel qui l’avait installé sur le dos des Algériens en écartant et éliminant les premiers militants de l’indépendance.

La vie sauve, de l’argent, des usines, des lots de terrain, des villas, des postes de prestige contre l’allégeance ou l’engagement de se retirer à vie de la scène politique, c’était son offre aux opposants.

Ceux qui, comme Boudiaf, avaient rejeté sa proposition seront persécutés et interdits de séjour en Algérie de 1963 à 1990. Certains étaient autorisés de revenir après la mort de Boumediene mais ils craignaient un piège de la sécurité militaire.

Saout el Arab et Hadj Lakhar sont morts milliardaires suite à ce deal avec Ben Bella pour ne citer que les plus connus parmi les baroudeurs de la dernière phase de la guerre de libération (1954-1962). Hélas ils sont très nombreux dans ce cas tant la férocité de la répression benbelliste terrorisait les membres de leurs familles et leurs amis.

Souhaitons qu’avant sa mort Mohamed Harbi marquera son respect pour son large lectorat en levant le voile sur cette sombre période de sa vie où il tenait la chandelle au dictateur pendant que celui-ci massacrait ses opposants qui avaient osé demander une constituante, l’ouverture politique, des élections libres et le respect des libertés et des droits citoyens.

D’autant plus, qu’en 2011, tous les peuples arabes portent en eux ces revendications et meurent par centaines dans les rues en manifestant contre les dictateurs de la génération de Ben Bella ou leurs héritiers (sans jeu de mots) à l’exemple de Bachar el Assad, Sif el Islam Gueddafi, Abdallah de Jordanie, Mohamed VI etc.

Deux dictateurs ont été chassés du pouvoir par une jeunesse qui réclame justice et liberté.

En moins d’un mois en Tunisie et en Egypte, malgré leurs protecteurs et alliés américains, européens et sionistes Ben Ali et Moubarak ont été poussés à la démission à fin de sauver le régime qui pourrait les réhabiliter une fois la rue apaisée.

D’autres suivront très bientôt parce que la propagande du parti unique et le multipartisme d’opérette n’ont plus que la répression, la trahison et le mensonge pour conserver le pouvoir. Comme au Yémen, en Syrie, en Libye, en Arabie Saoudite, au Bahreïn etc.

C’est devenu trop flagrant aujourd’hui :

Moubarak, Ali Abdallah Saleh, El Gueddafi, Bachar el Assad travaillaient pour les américains et les sionistes comme tous les rois arabes, Ben Ali travaillait pour les intérêts de la France.

En écrasant et en affamant les peuples arabes tout en cumulant des fortunes incommensurables dans les banques européennes et américaines grâce à la complaisance de leurs parrains de Washington, Londres, Berlin et Paris.

Nous aurions gagné cinquante ans si le général De Gaulle n’avait pas fabriqué le Bokassa algérien pour effacer de notre mémoire les indépendantistes algériens purs qu’il n’avait pas eu le courage de faire assassiner à cause de la pression internationale.
Pouvons-nous en vouloir à un dirigeant qui travaille pour son pays ?

Hélas, à ce jour la nation algérienne continue de payer un lourd tribut, Elle est à un cheveu des révolutions qui ont balayé les régimes mafieux de Zine El Abidine Ben Ali et de Mohamed Hosni Moubarak.
A cause du régime benbelliste qui continue de gouverner encore très mal l’Algérie et propose des réformettes qui sont très loin des aspirations du peuple algérien.

Le 12 Mai 2011 Mahdi Hocine



1) ORTF : office de radiodiffusion et de télévision françaises (de statut public)
2) A l’âge de 94 ans Derdour Djamel a écrit un livre intitulé ‘’fragments de mémoire’’ (auto édition). Il voyait très mal mais il avait une mémoire très vive. Les sbires de Ben Bella avaient cherché à le tuer mais il avait fui en France. Ils l’accusaient d’avoir contribué à la préparation d’un coup d’état contre le zaïm. C’était en I964. Boumediene était encore le fidèle compagnon et l’ange gardien de Ben Bella.
3) Mohamed Harbi va nier. Pourtant nous étions à quatre personnes dans le petit salon de l’hôtel Panoramic de Constantine.

Hôpitaux cherchent gestionnaires humains

Hôpitaux cherchent gestionnaires humains


24 juin 2008, Cour criminelle de Constantine, un procès vraiment inhabituel. Il était attendu avec une grande curiosité par les chroniqueurs judiciaires et le large public.
Une fille de 18 ans avait planté un couteau dans le cou de son père qui lui reprochait de trop s’exposer à la fenêtre et au balcon de l’appartement. Il s’apprêtait à la battre, pour se défendre elle l’a grièvement blessé.
Au fur et à mesure des auditions publiques sont apparus des éléments très importants que les enquêteurs avaient inexplicablement négligés. L’implication des gestionnaires de l’hôpital de Zighout Youssef n’aurait scandalisé personne. S’appliquent à eux sans aucune circonstance atténuante les articles du code pénal qui condamnent la non assistance à personne en danger de mort. Car le blessé, Salah K. âgé de 62 ans a eu la lucidité et la force de courir jusqu’à l’hôpital qui n’était pas loin de son domicile. Une chance inouïe : une équipe de médecins s’était immédiatement occupée de lui. Elle a réussi à stopper l’hémorragie. Pour le tirer complètement d’affaire il fallait une transfusion sanguine et le transférer dans l’heure à l’hôpital de Constantine. Malheureusement à ce moment précis ni sang ni ambulance n’étaient disponibles.
Au bout de trois interminables heures d’attente le blessé décède entre les mains des médecins et du personnel paramédical. Bêtement. Car ceux-ci voulaient et auraient pu l’arracher à la mort si les gestionnaires avaient respecté le plan d’action prévu pour les cas extrêmes.
Quand une équipe médicale et paramédicale parvient à maîtriser une situation très délicate et la défaillance des services logistiques ruines ses efforts, pouvons-nous mettre la mort sur le compte du Mektoub ?
Ce serait insulté l’intelligence humaine et honoré les partisans du moindre effort ?
On ne joue pas avec la vie des autres quand on dirige un hôpital.
Le tribunal de Constantine a condamné la fille pour meurtre à 15 ans de réclusion. Par contre les hommes dont la fonction, la mission, le devoir étaient de mettre tous les moyens matériels pour préserver la vie des malades et des blessés n’ont pas été inquiétés. Du point de vue des observateurs et des piliers du barreau le décès de Salah K. est le résultat de son immobilisation pendant trois heures sur un lit d’hôpital.
Sachets de sang ?
Ambulance ?
L’excuse est irrecevable car, ne serait-ce que par humanité au vu de l’urgence, n’importe quel cadre gestionnaire pouvait se servir de sa propre voiture pour accomplir une mission de sauvetage à titre exceptionnel. Cela se fait dans le monde entier.
Comme quoi la vie d’un être humain ne tient pas ou ne vaut grande chose dans un hôpital mal géré.
Nous sommes vers la fin de la première décade de Juillet 2008. Madame B.H., 62 ans, est emmenée dans un état inquiétant ou critique (les avis diffèrent) au service de cardiologie du C.H.U. Ben Badis. Elle est examinée en urgence. Le diagnostic est inquiétant et le traitement consiste en l’implantation d’un Pace Maker (une pile du cœur en langage populaire) dans les meilleurs délais.
Problème :
Le service de cardiologie du C.H.U. de Constantine est tenu d’établir un dossier de la malade et de le transmettre à Alger pour recevoir le Pace Marker. L’attente de la réponse peut durer dix jours, deux mois ou plus. Cela nous semble vraiment stupide d’imaginer que le plus grand hôpital de l’Est algérien doive passer par un labyrinthe bureaucratique pour soigner des cas graves. Entre dix secondes et deux mois d’attente la mort a largement le temps d’accomplir son œuvre sur un cœur fatigué.
Quand les enfants de madame B.H. nous ont raconté leurs épuisantes démarches puis leur recours à l’emprunt d’une grosse somme d’argent auprès de la famille pour soigner leur mère plusieurs questions ont surgi :
A) Pourquoi le service de cardiologie du C.H.U. est-il tenu de transmettre un dossier médical et une demande pour chaque malade ?
B) Pourquoi le malade doit-il attendre si longtemps alors qu’une défaillance cardiaque peut le tuer à tout moment et que le Pace Maker peut l’aider à tenir le coup ?
C) Qui sera responsable de sa mort si celle-ci interviendra pendant la période d’attente d’une réponse d’Alger ?
Nous aurions voulu poser ces questions directement au ministre Barkat, au directeur de Wilaya de la Santé, à des gestionnaires du C.H.U.
Qui peut les approcher ?
Ils sont tout le temps soit en réunion soit en mission mais, par dessus, ils n’aiment pas les journalistes.
Nous nous sommes finalement contenté d’un entretien officieux avec une cardiologue qui a requis l’anonymat. Elle nous invite à une rapide visite du service où nous trouvons des malades qui occupent les lits depuis trois mois en espérant une réponse d’Alger.
‘’Et si un malade meurt pendant cette attente ? Avons-nous demandé à la cardiologue’’.
Sa réponse nous choque : -’’Que voulez-vous que nous fassions ?’’-.
Naturellement nous attendions d’elle une réponse moins fataliste. Ses malades
peuvent mourir à n’importent quel moment parce que les Algé-rois tardent de répondre. Elle accepte passivement une situation inacceptable pour un médecin. Et si son père, sa mère, son frère, son oncle ou une de une ses amies était parmi les malades ? Elle qui a prêté le serment de mettre tout son savoir et toute son énergie au service des malades sans discrimination aucune ! A aucun moment de la discussion nous n’avons eu le sentiment de parler à un médecin qui se sent moralement responsable des malades dont il a la charge dans son service.
En Algérie, partout on ressasse que le système de gouvernance (je dirai de non gouvernance) du pays a effacé les notions de responsabilité chez les fonctionnaires et les gestionnaires des secteurs publics. Mais un médecin n’est pas uniquement un fonctionnaire. Sa science nous protège, nous aide à mieux vivre, allège nos souffrances. Ce n’est pas un scribouillard qui se laisse rongé par la routine et la luxure. Un médecin n’a pas vocation de laisser ses malades attendre passivement la mort sur un lit d’hôpital et de passer tous les matins leur dire bonjour en attendant de signer l’avis de décès. La rage au cœur il se battra contre les bureaucrates pour avoir sous la main tout ce qui lui est indispensable pour assumer sa tâche.
Sa fonction n’est pas d’aider la mort, elle est d’essayer par tous les moyens de sauvegarder la vie.
Or c’est aider la mort, c’est tuer leurs malades en attendant que les Algé-rois daignent les approvisionner.
Ceci est très grave.
Aussi nous avons continué de chercher une réponse plausible à une question basique : pourquoi un hôpital universitaire de grande envergure qui gaspille des milliards en faux frais chaque année est-il tenu en laisse par des bureaucrates d’Alger pendant que des malades décèdent alors qu’ils ont, scientifiquement parlant, 100 % de chance de guérir et de mener une vie normale jusqu’à ce que le bon Dieu prenne la décision de les rappeler à lui ?
Selon des informations que nous avons recueillies, à l’intérieur et à l’extérieur de l’hôpital auprès de diverses sources, l’hôpital est atteint du syndrome des grandes surfaces commerciales. Médicaments, produits annexes, petits et gros matériel, nourritures disparaissent diaboliquement. Personne ne voit rien. Personne ne veut rien voir. Mais surtout personne ne veut juguler l’hémorragie. Dans tous les pavillons le chef de service réceptionne, contrôle, distribue le produit et le matériel qu’il commande lui-même suivant les besoins des médecins, du personnel soignant, des malades et des services d’hygiène. D’où l’adverbe « diaboliquement » que nous avons utilisé plus haut. Spécialement au niveau de la direction du matériel où le fer fond à moins zéro degré sans laisser de trace malgré le bon de commande, la facture d’achat, le bon de réception, le chèque de paiement, la fiche d’inventaire et les bons de transfert qui sont des outils incontournables pour protéger les biens mobiliers et immobiliers de l’hôpital.
Officiellement (c’est banal) nous savons qu’un professeur ès chirurgie du plus important service du C.H.U. a détourné une fistule qui était destinée à un accidenté. Il a été démasqué parce qu’il a essayé de la vendre pour treize millions de centimes aux parents de l’accidenté en question. Ceux-ci ignoraient qu’un inconnu qui voulait gardé l’anonymat avait ramené la fistule d’Alger et l’avait remise au professeur spécialement pour leur enfant. Heureusement que l’inconnu suivait de près mais sans se montrer le patient (un footballeur khroubi). C’est en questionnant le père de celui-ci qu’il a appris la magouille du professeur. Yahia Guidoum était directeur de l’hôpital et l’inconnu le connaissait bien. Le professeur reconnaîtra la tentative d’escroquerie. Il sera suspendu pendant six mois de ses fonctions. Il avait conservé la fistule pendant plusieurs jours sans penser à l’état de santé de son malade qui s’aggravait, moralement et physiquement.
Officieusement (par des infirmiers, des malades et leurs parents) nous avons appris que des chirurgiens indélicats du secteur public font courir des malades jusqu’à épuisement de leur énergie et de leur patience. Ceux-ci finissent par s’adresser à des cliniques privées où ils seront opérés par les chirurgiens en question. Bien entendu les malades subissent en silence le diktat parce qu’ils n’ont pas de preuve que c’est le médecin même ou un infirmier de son service à l’hôpital qui leur a recommandé de s’adresser à telle clinique en leur montrant la liste kilométrique des patients qui font la queue pour être opérés à l’hôpital. Les souffrances, la peur de l’aggravation de la maladie, la lassitude du va et vient contraignent les malades à l’endettement, parfois à la ‘’mendicité’’ auprès de parents et d’amis pour payer la clinique.
Nous avons recueilli des témoignages qui font dresser les cheveux sur la tête. Tel est le cas d’un médecin qui aurait consenti d’opérer un malade à l’hôpital en demandant presque l’équivalent du tarif d’une clinique privée. Une jeune ouvrière du textile (patron clandestin qui paie très mal) nous a affirmé qu’un chirurgien a eu l’indécence de lui téléphoner à l’atelier pour la relancer. Mais son père était mort avant qu’elle ait eu le temps de collecter la somme exigée par le lascar.
Le chantage aux soins n’est pas nouveau. Il était discret, il devient flagrant, se banalise.
Nous avons noté que les nantis qui ont les moyens de se payer les services des meilleures cliniques en Europe et en Amérique accèdent très facilement à l’hôpital du secteur public où ils sont traités comme des pachas tandis que le citoyen de modestes conditions doit courir des semaines, des mois, voire des années s’il n’a pas des relations ou s’il ne paie pas le café. Même pour les analyses il est poussé à les faire en laboratoires du secteur privé où le coût est jusqu’à 2000 % plus élevé.
Le 18 juillet 2008 les enfants de madame B.H. ont reçu et suivi le « conseil » d’acheter un Pace Marker s’ils désiraient sauver leur mère. Ce sont deux simples ouvriers travaillant occasionnellement sur les chantiers avec des sous traitants qui ne sont pas toujours solvables et paient très mal leurs ouvriers. Imaginez le temps qu’il leur faudra pour rassembler et rembourser quatorze millions de centimes.
En Algérie les banques de l’Etat prêtent des milliards de dinars pour l’achat de voitures, de réfrigérateurs, de cuisinières mais elles n’en prêtent pas pour préserver la vie des êtres humains.
Qui du président de la république, du ministre de la santé, du directeur des hôpitaux, du conseil de l’ordre des médecins, de la société civile, se sentira interpellé par le disfonctionnement du secteur public de la santé ? Disfonctionnement qui engendre chantage aux soins, marchandage ignoble, pillage, pénurie, trafic d’influence, dont les seuls à souffrir sont les citoyens de modestes conditions…
Les soins de qualité sont un droit pour tous garanti par la constitution algérienne et par la charte universelle des droits humains. Mais quand un malade risque de mourir ou décède parce qu’il doit attendre des heures ou des semaines un produit qui doit être disponible en permanence à la pharmacie de l’hôpital que devient ce droit ?
De l’encre sur du papier.
Rien de plus !
Si nous posons autant de questions publiquement c’est parce que les responsables habilités à nous répondre sont soit en réunion non stop soit en mission soit en vacances.
Que le Soir d’Algérie, el Khabar, el Watan, Echourouk, le Quotidien d’Oran, An nasr, Horizons 2000, el Fdjr lancent des appels à témoignages. Les rédactions seront inondées de lettres et envahies par des milliers de malades qui ont étaient éconduits ou « conseillés » d’aller à des cliniques privées où les médecins des hôpitaux publics seront très heureux de les opérer contre une épaisse enveloppe de dinars.
Voici un nouveau fléau né de l’ultralibéralisme et de l’économie de bazar imposé par la banque mondiale aux pays émergents pour mieux les écraser.
C’est pour cela que nous revendiquons que la gestion de nos hôpitaux soit confiée à des êtres humains qui ressentent dans leur chair le désarroi des malades et qui se feront un devoir de leur épargner le parcours du combattant.
Où sont les médecins qui ont fait le serment de mettre leur science et toute leur énergie au service des malades sans penser à autre chose qu’à vaincre la maladie ?

Août 2008

Mahdi Hocine


Post scriptum :
Cette chronique date du mois d’Août 2008. Elle n’a pas été publiée par mon journal
pour des raisons que seul le directeur de rédaction connaît. Elle reste d’actualité. Aujourd’hui j’ai décidé de l’insérer dans mon blog parce que, presque trois ans après, la direction générale des hôpitaux de la wilaya de Constantine a été confiée (peut-être accidentellement) à un chirurgien très respecté pour ses compétences et ses qualités humaines. En moins de six mois monsieur Benkadri Hocine nous a démontré que la volonté et le courage d’un responsable honnête peut transformer un souk en un hôpital qui n’a rien à envier aux hôpitaux les mieux côtés d’Europe qui demeure à nos yeux une référence (Allemagne, Suède, Norvège).
Je le connaissais un peu mais je ne le croyais pas capable d’une telle prouesse.
En tous les cas, sans avoir lu ma chronique et sans que nous ayons jamais discuté de la gestion de l’hôpital, il s’est immédiatement attaqué aux problèmes que soulève cette chronique.
Dès la première semaine.
Il a même découvert du matériel neuf et en état de marche enterré dans des débarras alors qu’il a coûté des millions de dollars à l’Etat. A ce propos, pour mon article ci-dessus, j’avais pris rendez-vous avec le directeur des moyens généraux. Il était sorti mais sa secrétaire l’avait appelé au téléphone parce que je m’étais présenté au non d’un journal. Il a demandé à me parler pour me dire ceci : -‘’Si vous avez besoin d’un service personnel j’arrive dans un quart d’heure sinon ne m’attendez pas’’-.
Pourtant la secrétaire l’avait informé du but de ma visite : un entretien sur les pannes anormalement fréquentes et l’inventaire du matériel médical. C’était en Août 2008.
Les malades hospitalisés étaient obligés de s’adresser à des privés pour des services que l’hôpital était en mesure et en devoir de leur fournir.
Monsieur Benkadri est mort au travail d’un arrêt cardiaque.
En six mois il s’est fait plein d’ennemis à l’hôpital où des centaines d’agents fonctionnaient à l’humeur et à la tête du client mais il a fait honneur à son métier. Souhaitons que son successeur aura un cœur plus solide et une volonté de fer pour résister à toutes les pressions des partisans du moindre effort qui sont très nombreux dans nos hôpitaux.
La mort de Benkadri a fait bien des heureux parmi ceux qui avaient transformé l’hôpital en parking gratuit, en poubelle et en souk et surtout parmi les maîtres chanteurs aux soins qui exploitent odieusement la détresse humaine. Ils gagneront certainement beaucoup d’argent mais ils ne l’emporteront avec eux dans la tombe. Un jour ou l’autre ils paieront une lourde addition.

19 mai 2011

Mahdi Hocine